Archives de catégorie : Répression

[Paris] Manif internationale de soutien aux anarchistes biélorusses emprisonnés

NdPN : A l’appel de la Fédération Anarchiste, une manif a eu lieu hier à Paris en soutien à tous les prisonniers politiques en Biélorussie, dont nos compagnons anarchistes. Environ 70 personnes mobilisées, et une bonne visibilité, d’autant plus que dix cars de CRS ont tendrement chaperonné l’événement.

Libération immédiate des anarchistes biélorusses emprisonnés !!

A l’occasion de la journée internationale de solidarité avec les anarchistes biélorusses emprisonnés, la manifestation lancée à l’appel de la Fédération Anarchiste a permis de réunir 70 personnes et de défiler des Invalides à la Tour Eiffel en passant par le Champs de Mars. Merci à toutes les personnes présentes pour leur participation. Une mobilisation réussie et de belles banderoles ont attiré l’attention de riverains et de touristes peu habitué-e-s à ce genre de démonstration de solidarité sans frontières.

« Pierre par pierre et mur par mur, nous détruirons toutes les prisons ! »

Au son des slogans internationalistes et anti-carcéraux, le cortège était escorté, comme d’habitude, de manière disproportionnée par 10 fourgons de CRS. Cela n’a fait qu’accroître  notre visibilité et ne nous a pas pour autant empêché de prendre les photos que nous voulions (cf ci-dessous).

« Contre les dictatures du capital, solidarité internationale ! »

En ce jour de farce électorale en Biélorussie, nous tenons à assurer les camarades anarchistes emprisonnés, reconnus comme prisonniers politiques par Human Rights Watch, de notre soutien et nous exigeons leur libération immédiate et sans conditions ainsi que celle de tous les prisonniers politiques détenus dans les geôles biélorusses.

Nos camarades anarchistes ne doivent en aucun cas représenter une monnaie d’échange diplomatique entre l’Union Européenne et le dictateur-président Loukachenko n’hésitant pas à user de formes de tortures pour les forcer à reconnaître leur culpabilité et à demander grâce.

Nous n’aurons de cesse de mener des actions de solidarité internationale jusqu’à l’abandon totale des poursuites à leur encontre.

« En Biélorussie et dans le monde entier, liberté pour tous les prisonniers ! »

Cette journée internationale de solidarité initiée en août 2012 à St-Imier lors du congrès de l’IFA (Internationale des Fédérations Anarchistes) a également fait l’objet de manifestations dans d’autres  pays dont les fédérations sont membres.

FAI (Fédération Anarchiste Italienne) :  Rome, Turin, Reggio Emilia, Livourne, Palerme.

http://www.umanitanova.org/solidari…

AF (Anarchist Federation, Grande-Bretagne) : Londres.

http://www.afed.org.uk/component/co…

A bas toutes les prisons !

Solidarité avec nos camarades biélorusses !

Vive la solidarité internationale !

Fédération Anarchiste, membre de l’IFA

http://www.federation-anarchiste.org

http://i-f-a.org

Fédération Anarchiste, 23 septembre 2012

Contrôles d’identité : Manuel Valls enterre le projet du récépissé

Contrôles d’identité : Manuel Valls enterre le projet du récépissé

La mesure faisait partie des « engagements pour la France » du candidat François Hollande : un récépissé délivré à chaque contrôle d’identité effectué par la police. Manuel Valls annonce mercredi matin dans la presse qu’il renonce à mettre en place cette mesure sur laquelle il se dit « sceptique » depuis le début. En réponse, le Premier ministre Jean-Marc Ayrault, charge son ministre de l’Intérieur de lui remettre un rapport sur les contrôles d’identité.

L’annonce,  dans les colonnes de Libération ce mercredi, n’est pas formelle mais elle est  sans équivoque : l’idée de récépissé pour les contrôles d’identité est bel et  bien enterrée par le ministre de l’Intérieur. « Ce n’est pas une nouvelle, j’ai  toujours été sceptique sur le sujet« , déclare Manuel Valls, peu enclin  dès le début à soutenir un dispositif pourtant imaginé pour lutter contre le  délit de faciès.

Il  faut dire que la mesure avait aussi soulevé la méfiance de la Commission  nationale informatique et liberté (CNIL), qui craignait la création d’un  nouveau fichier de données privées sur la population. Manuel Valls, de son côté,  avait déjà annoncé réfléchir à d’autres dispositions, comme le retour des  matricules sur les uniformes d’agents de police, et avait déjà intimé à ses  troupes de bannir les tutoiements abusifs.

Une  promesse de campagne

La  réaction de Matignon a été immédiate : Jean-Marc Ayrault a annoncé mercredi  matin, sur RTL, qu’il chargeait Manuel Valls de lui remettre un rapport sur les  contrôles d’identité pour « recréer de la confiance, éviter tout dérapage,(…)j’attends ses propositions et ensuite je prendrai ma décision » a précisé le Premier ministre.

Il y a trois semaines, le Premier ministre avait déjà évoqué la mise en place du récépissé, rappelant qu’il s’agissait de la 30e promesse de campagne de François Hollande. Manuel Valls, lui, devrait revenir sur le sujet lors d’un discours programmé mercredi, et qui doit présenter, devant les responsables policiers et militaires, ses orientations en matière de sécurité.

Le  principe du récépissé a émergé après une étude réalisée au début de l’année  par Human Rights Watch, qui pointait la France  du doigt à propos de ses contrôles de police : selon une enquête menée en 2009  dans plusieurs endroits parisiens, « un Noir ou un Arabe ont  respectivement 6 et 7,8 fois plus de chance d’être contrôlés qu’un  Blanc ».

Site France Info, 19 septembre 2012

[Grèce] Quand la police envoie les néonazis « faire le nécessaire »

NdPN : Les fachos montrent leur sale grouin, dans les régions les plus frappées par la « crise »… un triste exemple de plus.

En Grèce, la police vous conseille plutôt d’appeler les néonazis

Tribune (De Kalamata, Grèce) Kalamata, au sud-ouest du Péloponnèse, est une petite ville calme, endormie sous les rayons écrasants du soleil de l’été malgré l’ombre imposante de la chaîne montagneuse du Taygète. Un endroit sans histoire, où le temps semble s’écouler à un rythme plus lent, sans aucun lien avec les mégalopoles comme Athènes ou Thessalonique, d’où nous parviennent de temps en temps quelques images inquiétantes de pauvreté ou de montée de la violence.

Et pourtant, Kalamata a elle aussi ses problèmes dus à la crise qui frappe la Grèce : des groupes de mendiants à chaque carrefour, le plus souvent des immigrés illégaux venus d’Asie et d’Afrique et laissés à la dérive après avoir franchi la porte d’entrée de l’Europe. Enfin, disons plutôt que Kalamata avait elle aussi ce genre de problème.

Un étrange « miracle » durant l’hiver

Durant l’hiver, un « miracle » étrange s’est produit : il n’y a plus de mendiants aux carrefours, plus d’immigrés clandestins vendant à la sauvette des CD piratés. D’abord, naïvement, on se dit que l’Etat grec a enfin décidé de gérer le problème de l’immigration clandestine, et de s’occuper de tous ces pauvres gens laissés à la merci des mafias prêtes à leur tendre une main secourable, le tout pour un prix modique. Et puis, au détour d’un article de l’un des journaux régionaux, la vérité se révèle. Noire comme une nuit de la fin des années 30.

Non, ce n’est pas la police qui est intervenue, non, ce n’est pas l’Etat qui a décidé d’enfin assumer ses responsabilités.

Nikolaos Michaloliakos, leader d’Aube dorée, en conférence de presse le 6 mai 2012 à Athènes (Louisa Gouliamaki/AFP)

C’est Aube dorée, « Chrissi Avgi » en grec. Ce groupement est plus une milice paramilitaire qu’un parti politique. Son idéologie est clairement affichée, sans le moindre complexe ou la moindre dissimulation : ouvertement raciste, xénophobe, Aube dorée revendique son attachement à l’idéologie nazie, arborant des photos d’Adolf Hitler – dont elle qualifie le jour de la mort de terriblement triste – et un symbole voisin de la svastika comme emblème.

Des pogroms dans les banlieues d’Athènes

C’est Aube dorée qui a nettoyé les carrefours de Kalamata, qui a organisé les bastonnades, ratonnades et passages à tabac nécessaires pour chasser de la ville des pauvres gens sans ressources et sans défense – pour nettoyer les rues comme on le ferait pour de la vermine.

Ce sont les milices d’Aube dorée qui se sont substituées à la police et à l’Etat grec en toute impunité, et qui revendiquent ouvertement leurs exploits dans les journaux.

Malheureusement, l’histoire ne s’arrête pas là. Durant l’été, les lecteurs attentifs ont pu lire les récits des pogroms organisés par Aube dorée dans les banlieues défavorisées d’Athènes. Lire un article est une chose. Entendre directement le récit de crimes encouragés – suscités – par la police grecque près de vous est tout autre chose.

La police ne viendra pas : pas les moyens

Un soir à Kalamata, une Grecque aperçoit un homme de couleur dans son jardin. Inquiète, elle téléphone à la police. La réponse de la maréchaussée est rapide, et très claire : non, la police n’enverra aucun de ses officiers sur place, cependant, la dame peut appeler Aube dorée, qui viendra faire le nécessaire.

Serviable, le policier à l’autre bout du fil donne à la dame le numéro de téléphone à composer pour obtenir l’assistance des milices du parti néonazi. Choquée, la femme raccroche et se refuse à obtempérer.

Elle attend.

Toujours inquiète, elle finit par retéléphoner à la police. Même réaction : qu’elle appelle donc Aube dorée, et son problème sera réglé. Non, la police n’interviendra pas, elle n’en a pas les moyens. A nouveau, la femme raccroche. Il n’est pas question pour elle de demander aux néonazis de venir.

Pourtant, quelques minutes plus tard, les milices d’Aube dorée déboulent. Il n’y a plus personne dans le jardin de la femme. Mais, à quelques dizaines de mètres de là, se trouve une maison occupée par un Pakistanais. En quelques minutes, les gorilles en uniformes paramilitaires l’encerclent. Puis ils y foutent le feu.

Fin de l’histoire.

Nous ne sommes pas en 1938. Nous ne sommes pas en Allemagne. Nous sommes en 2012, en Grèce, un pays connu pour sa douceur de vivre et l’hospitalité de ses habitants. Un pays ruiné par une gestion corrompue, et surtout par les volontés absurdes de gouvernements étrangers et de banquiers centraux qui n’ont aucune idée, aucune conscience du monstre qu’ils sont en train de réveiller et de nourrir, encore et encore, avec chaque mesure d’austérité inique et inefficace qu’ils imposent par la force à un pays exsangue.

Ce mécanisme est pourtant bien connu

Lors des élections de mai, les néonazis d’Aube dorée récoltèrent 8% des suffrages. En juin, leur score était de 7%, suffisamment pour envoyer 21 députés au parlement grec, institution démocratique qu’ils attaquent tous les jours, expliquant fièrement et sans la moindre ambiguïté, qu’ils mèneront le combat dans la rue avec leurs troupes d’assaut dès qu’ils seront prêts.

Les derniers sondages placent Aube dorée à plus de 10%, devant le Pasok. Chaque coup asséné à la Grèce, chaque mesure imposée de l’extérieur, en notre nom, nous qui sommes européens et avions basé notre Europe sur le serment du « plus jamais ça », chaque exigence d’austérité aveugle qui vise toujours les mêmes couches de la population et arrache aux gens simples le peu qui leur reste, les pousse plus avant dans l’étreinte noire d’Aube dorée.

Le mécanisme est d’une simplicité terrible, et déjà bien connu de toute personne ayant quelques notions d’histoire : détruire un pays de l’extérieur en employant des méthodes de colonisation économique à peine voilée, détruire ses services publics – santé, éducation et autres –, tout en laissant en place les administrations et les gouvernements corrompus qui sont à la base du problème, conduit au délitement complet de l’Etat de droit. Tout s’effrite, et la démocratie se craquèle, puis tombe, morceau par morceau, comme un papier peint pourri.

La police et l’armée, riches en nostalgiques de la sinistre dictature d’extrême droite des colonels et où les néonazis font leurs plus hauts scores électoraux, profitent des circonstances pour simplement laisser aller un peu plus, et pousser une population déboussolée, sans perspective d’avenir, à la recherche désespérée de sécurité, dans les bras d’Aube dorée.

Aujourd’hui, des néonazis constituent le troisième parti grec, devant le parti social-démocrate historique.

Non, nous ne sommes pas en 1938.

Mais nous y allons.

Nous y courons.

Vu sur Rue 89, 17 septembre 2012

[Poitiers] Les indésirables

NdPN : Il ne fait pas bon être à la rue à Poitiers. Pressions policières permanentes, expressions hostiles des autorités locales, évidemment relayées par les médias locaux. Les propos dégueulasses à destination des dénommés « marginaux » se sont durcis, depuis le développement de la lutte pour le droit au logement, avec le collectif des sans-logis et mal-logés de Poitiers et le DAL 86.

Dernier exemple en date d’une expression médiatique hostile, sur pas moins de quatre articles en une semaine : l’affaire du relais Charbonnier, fermé à cause du « comportement » des « marginaux ». Grosso modo, il y a des bons pauvres, et des mauvais pauvres (ceux qui ne respecteraient pas le règlement imposé). Pas un mot sur les vexations subies au quotidien, pas un mot sur la souffrance sociale engendrée par ce système pourri. Non, seulement la « souffrance »… des personnels, ou la « vie difficile »… du voisinage. Quelle honte.

Stigmatiser, encore et toujours… cette petite musique voudrait-elle mettre en sourdine les vraies questions de fond ?

Extraits tirés du « journal » local :

Nouvelle République, 11 septembre 2012 :

Les usagers n’ont plus accès au lieu d’accueil et de prévention santé, de la rue du Mouton, depuis lundi. […] Pour quelles raisons, ces lieux emblématiques de la Ville ont été fermés ? « Au niveau du Relais, il y a eu ces derniers temps des comportements assez agressifs de la part de gens en errance, pas forcément des SDF, mais des marginaux dans la toute puissance. Il y a eu un afflux important de ces personnes au comportement difficilement acceptables. La tension est montée. Cette situation a été difficile à vivre pour le personnel. Il y a eu des réflexions dans le quartier », nous confie un interlocuteur qui ne souhaite pas être mis en avant. […] Notre interlocuteur note que de bons résultats ont été obtenus avec d’anciens marginaux qui sont parvenus à se réinsérer.

Nouvelle République, 12 septembre 2012 :

Hier, l’adjointe aux affaires sociales de la ville, Régine Faget-Laprie, et Géraldine Gallego, assistante sociale, ont fait le point sur les raisons d’une fermeture administrative qui ne prendra fin que lundi prochain. « C’est un geste fort, souligne l’élue, mais c’eût été une faute de ne pas le faire. » Après une rencontre avec les personnels du Relais, depuis 12 ans lieu emblématique de l’accueil d’urgence à Poitiers, la décision a été prise. Depuis juin, c’est le comportement d’un groupe d’une trentaine de personnes qui rend très difficile la vie des personnels du relais. Les plaintes et les dires d’un voisinage excédé par le bruit ont aussi conduit les opérateurs à prendre cette mesure.

Maintenir la mixité sociale

Personnes alcoolisées se présentant à l’accueil, chiens non tenus en laisse, injures envers le personnel sont quelques-uns des dysfonctionnements relevés. « C’est devenu infernal, surtout à l’accueil. Nous mesurons l’étendue de la souffrance des personnels », relève l’adjointe. « Nous sommes confrontés à un rappel constant du règlement, remarque Géraldine Gallego, il faut maintenant réfléchir à comment on travaille avec ces gens-là ». Cette semaine de fermeture, outre qu’elle « marque le coup » et signifie au public qui le fréquente qu’il ne « peut pas y avoir d’appropriation des lieux par un groupe », va aussi servir de temps de réflexion. « Il va falloir repréciser les règles. Il n’est pas question de fermer ce lieu exceptionnel, ajoute Régine Faget-Laprie, mais nous serons très attentifs. On veillera aussi à ce que la mixité sociale y soit maintenue. » (*) Vendredi, une nouvelle réunion est programmée avec les personnels pour faire le point sur les préconisations. Avant une réouverture programmée lundi à 11 h 30. D’ici là, les personnes en grande difficulté sont priées d’appeler le 15, notamment en cas d’urgence médicale.

(*) Entre 2007 et 2011, la fréquentation du relais a augmenté de 20 %.

Nouvelle République, 15 septembre 2012 :

Depuis lundi, le relais Georges-Charbonnier dans le quartier de Montierneuf est fermé (NR de mardi et mercredi). « En raison du comportement de plus en plus difficile d’une minorité d’usagers », indique la mairie dans un communiqué.

Nouvelle République, 18 septembre 2012 :

Le Relais G. Charbonnier a rouvert ses portes – comme prévu – lundi (1). Une ouverture progressive (2). Dans la salle d’accueil ont pris place des migrants, des demandeurs d’asile, car les usagers ne sont pas composés uniquement de « marginaux ». L’ambiance est calme hormis l’irruption d’un homme exigeant qu’on lui redonne sa bouteille, confisquée par l’éducatrice.

[Poitiers] Camps de la honte à Poitiers : Route de Limoges et La Chauvinerie

LE CAMP DE POITIERS

Le camp de la route de Limoges, désigné comme  » Centre de séjour surveillé  » fut construit en 1939 pour abriter les réfugiés espagnols (800 le 2 février). Le camp se vida lors de l’invasion allemande. Après l’armistice du 22 Juin 1940, l’administration du camp resta française mais elle fut soumise au contrôle des autorités allemandes. Dès la fin de 1940, l’administration française, sous ordre allemand, recensa les nomades et les Juifs. Dès décembre 1940, un grand nombre de tziganes français et étrangers sont internés. Au total, plus de 500 nomades furent ainsi internés dans des conditions inhumaines : le sol argileux se transformait en véritable bourbier l’hiver, il n’existait aucun chauffage efficace, la nourriture était insuffisante et déséquilibrée, casseroles, sièges, tables manquaient cruellement. Mais le plus pénible pour ces  » gens du voyage  » était sans nul doute la perte de la liberté. Le recensement des Juifs fut fait par l’administration française en avril et mai 1941. Ordre fut donné par les allemands de les arrêter le 15 Juillet et de les interner au camp de la route de Limoges. A la mi-juillet 151 adultes et 158 enfants vinrent partager les affres du camp avec les tziganes. La aussi, les baraques destinées à recevoir les Juifs étaient vétustes, mal entretenues : les toits étaient abîmés et laissaient la pluie passer, il n’y a ni chaise, ni banc, ni table. A cela s’ajoute la plaie des souris et des rats qui dévorent tout et il est courant que des personnes retrouvent le matin leur vêtement, souvent le seul qu’ils possèdent, rongé et troué. Le 1er décembre 1941, le camp contenait 801 internés. Il restait encore 27 espagnols, 452 nomades et 322 israélites s’entassant dans 15 baraques de 50 mètres sur 6 mètres. Bien que séparés les uns des autres par une clôture, l’entente fut parfaite entre eux et le dévouement sans limites. En juin 1942, on distribua les étoiles jaunes au camp. En juillet 1942 commencèrent les déportations par Compiègne pour les hommes tziganes (au total plus de 100 d’entre eux périrent dans les camps de Buchenwald et Sachsenhausen), par Drancy pour tous les Juifs. Le 1er juillet 1942, il y avait 841 internés dont 368 Juifs. Le 1er octobre de la même année, il ne restait plus que 13 Juifs et 459 nomades. Au total, environ 1800 Juifs séjournèrent au camp avant d’être déportés vers les camps de la mort. Quant aux tziganes qui n’avaient pas été déportés en Allemagne, les allemands décidèrent de les transférer au camp de Montreuil-Bellay : 304 personnes sont ainsi transférés le 29 décembre 1943. Cependant, à partir du 10 septembre 1942, le camp devint annexe de la prison de la « Pierre Levée ». Des condamnés de droit commun y furent transférés. Des femmes résistantes politiques poitevines les y rejoignirent. On les y retrouve dès janvier 1943. Au final, 2500 à 2900 internés ont séjourné au camp de la fin 1939 au mois d’août 1944 répartis comme suit : 1800 à 1900 Juifs, 500 à 600 nomades, 200 à 300 politiques auxquels s’ajoutent quelques dizaines d’espagnols et autres victimes de l’arbitraire. Ces chiffres soulignent le rôle primordial de ce camp, dispositif fondamental en Poitou-Charentes-Vendée, dans la mise en place de la solution finale, plus précisément de la Shoah. Tous les Juifs arrêtés dans ces 5 département sont dirigés vers le camp de Poitiers, puis de là, vers Drancy, avant-dernière étape d’un voyage sans retour. En nous référant à la situation nationale, nous mesurons mieux la dimension dramatique de l’hécatombe poitevine. Sur 350 000 à 400 000 Juifs vivant en France juste avant la guerre, à peu près 76 000 ont été déportés soit environ 20%. Dans notre région, environ 2000 Juifs sur 2481 ont été déportés soit environ 80%, ce qui correspond aux chiffres polonais ou d’autres pays dont l’hostilité bien connue aux Juifs est profonde, séculaire voire viscérale. La cause essentielle de cette destruction massive, nous devons la rechercher du côté de la collaboration entre l’administration de Vichy et les autorités allemandes présentes à Poitiers, en particulier au Préfet Bourgain. Méthodique, travailleur, très actif, il s’est placé, sans défaillir un instant, dans le sillage des autorités d’occupation. Ses quelques hésitations ont été vite emportées par le sens du devoir administratif bien rempli. Signalons que le Préfet délégué Holweck n’a pas éprouvé autant de scrupules. En 1943, il est déporté à son tour pour avoir volontairement ignoré certaines décisions de la Feldkommandantur de Poitiers. Une démarche qui ne paraît pas isolée. Des gendarmes, des personnels de préfecture ont apporté leur concours aux réfugiés et internés. Le rabbin Bloch (jusqu’à son arrestation) et le Père Fleury, aumônier des tziganes, se dépensèrent également sans compter pour les internés. Mais ces actes individuels, qui demeurent bien limités, ont permis, certes, de sauver quelques vies humaines mais n’ont pas éviter l’étendue de  » la destruction des Juifs  » en Poitou.

Vu sur V.R.I.D. Mémorial

1940-1946 : l’histoire oubliée des camps de La Chauvinerie

Aux Montgorges, plusieurs camps se sont succédé pendant et à la fin de la dernière guerre. Des heures tragiques enfouies dans la mémoire des Poitevins.

Frontstalag 230 : c’était l’appellation officielle du camp de La Chauvinerie. Nombreux étaient ceux qui croyaient qu’il se trouvait en Allemagne. C’est à Poitiers que ce camp a été ouvert par la Wehrmacht du 20 juillet 1940 au 7 avril 1942. Elle y a incarcéré ceux que l’on appelait « les tirailleurs sénégalais ». Originaires d’Afrique Noire, mais aussi Malgaches, Antillais, Indochinois, arrêtés après l’armistice signé par Vichy. « Le régime nazi n’en voulait pas sur le territoire allemand », a expliqué samedi Jean Hiernard, historien, lors de la conférence donnée au musée Sainte-Croix au titre de la Société des Antiquaires de l’Ouest, dans le cadre des journées du Patrimoine.

Fouilles archéologiques en 2008

De ce camp, les spécialistes en connaissent ce qu’a écrit Léopold Sédar Senghor, premier président du Sénégal. Les Poitevins, en tout cas la grande majorité d’entre eux, en ignoraient tout. Jusqu’à la découverte de fossés en 2008 par l’INRAP (Institut national de recherche pour l’archéologie préventive) sur le site du futur quartier des Montgorges.

Jusqu’à 7.000 prisonniers de guerre et 4.000 civils

Sonia Leconte, l’archéologue qui a conduit les sondages : « Nous étions à la recherche de vestiges gallo-romains. Notre découverte fut tout autre. » Un vaste rectangle de 266 m x 144 m entouré de fossés, comblés d’objets de toutes sortes : fils de fer barbelé, vaisselle, objets hétéroclites récents. Un dépotoir ? Le témoignage d’un voisin a conduit les archéologues sur la piste du camp édifié par les prisonniers eux-mêmes au cours de l’hiver 1940-1941 dans des conditions dramatiques, à proximité de la caserne de « la vieille Chauvinerie » réquisitionnée par les Allemands. En fait, ce n’est pas un camp qui a été édifié à l’ouest de Poitiers. Mais plusieurs. De rares photos des baraquements, de prisonniers et de vues du ciel attestent de l’existence de quatre camps ouverts cette fois-ci par le ministère de la guerre français de 1945 à 1946. « Jusqu’à 7.000 prisonniers de guerre y ont été détenus à l’intérieur de trois enceintes », a indiqué Jean Hiernard. 4.000 soldats allemands et 3.000 hongrois faits prisonniers par les armées américaines entre la Suisse et le Luxembourg. Plus surprenant – et dramatique – l’existence d’une enceinte, sous administration du ministère de l’intérieur français. Ce « centre de séjour surveillé » regroupait 66 baraques où étaient détenus des civils, des hommes, des femmes et des enfants, provenant de l’Alsace-Lorraine que les alliés avaient évacués au moment des combats de l’hiver 1944. Au total 4.000 personnes, « pas des criminels, mais des habitants des territoires annexés par l’Allemagne à partir de juin 1940. Allemands, mais aussi Français qui ne s’étaient pas repliés au début de la guerre. » Les conditions de détentions y étaient « effroyables » a expliqué l’historien. Aux vexations et à la vengeance de ceux qui avaient souffert de l’occupation allemande, s’est ajouté un détournement de nourriture organisé par le commandant du camp civil, un colonel de gendarmerie en retraite. A deux reprises – en mai, puis en septembre 1945, le préfet de Poitiers a été alerté par la Croix-Rouge. 65 enfants sont nés dans le camp. Aucun n’a survécu. De 85, le nombre des enfants de moins de trois ans, a chuté à 25 entre juillet et août. On a dénombré une moyenne de deux décès d’adultes par jour. Sept fois plus que dans les autres camps ouverts en France à la même époque. Le colonel sera suspendu, ainsi que le relate la Nouvelle-République des 12 et 14 septembre 1945, très prudente dans la narration des faits.

en savoir plus

Et aussi Rouillé

La conférence de samedi a débuté par une présentation du camp de Rouillé par Véronique Rochais-Cheminée, dont le père était médecin dans le camp, mais aussi résistant. Plus connu – même si des pans entiers de son histoire ne sont que très peu évoqués – ce camp était sous administration civile française à partir du 6 septembre 1939. Y étaient internés : des détenus politiques, principalement communistes, des « marchés noirs », des droits communs, ainsi que des « indésirables étrangers ». Beaucoup seront transférés à Compiègne ou Pithiviers entre 1942 et 1943 puis en Allemagne et n’en reviendront pas. Véronique Rochais-Cheminée a fait une présentation très exhaustive des conditions de vie.

à suivre

Des vies ballottées par la guerre

De ses recherches dans les archives départementales jusque-là inexplorées et sur internet, Jean Hiernard a pu mettre au jour des vies étonnantes. Comme cet Autrichien, Walter Pichl, qui avait traduit en allemand un guide touristique de Poitiers à l’intention des soldats d’occupation, interné à la Chauvinerie puis dans un goulag soviétique, enseignant aux États-Unis et spécialiste des langues africaines. Ou cette actrice allemande, Dita Parlo, réfugiée en France avant guerre, car anti-nazie, puis emprisonnée dans une prison française, avant d’être libérée par les nazis et qui s’est retrouvée à La Chauvinerie d’où elle sortira grâce à l’appui d’un pasteur protestant. Des vies ballottées par la guerre et enfouies dans les baraquements oubliés des Montgorges.

Nouvelle République, Jean-Jacques Boissonneau, 18 septembre 2012