Archives de catégorie : Écrits

[Poitiers] Du fumier pour les fumiers

NdPN : hier 12 avril, des éleveurs ont mis le boxon devant de nombreux supermarchés. Du fumier pour les fumiers ! On sait que les subventions massives de l’Union européenne nuisent aux petits producteurs des pays dits en voie de développement, souffrant d’une concurrence « déloyale » avec le lait importé d’Europe. Mais ce discours conduit parfois à cracher sur les éleveurs européens en général… Or, hormis le fait que toute concurrence soit en soi déloyale, on peut aussi souligner que les petits producteurs de lait en Europe ne roulent pas non plus sur l’or, vendant même bien souvent à perte le fruit de leur travail. Les vrais voleurs ne sont pas celles et ceux qui triment, mais les capitalistes. Qu’il s’agisse des grosses firmes productrices de lait, engrangeant les subventions publiques (proportionnelles à la production, une aberration qui vise à soutenir la monopolisation capitaliste sur cette production), ou de la grande distribution, écrasant les producteurs au nom de « la vie moins chère » pour les consommateurs-trices, eux et elles-mêmes pressuré-e-s par des salaires minables. Les salauds ne sont pas du côté des gens qui bossent, mais des profiteurs capitalos qui avec l’aide des Etats, accaparent aussi bien la production que la distribution. La lutte contre ces requins par des actions directes (voir ci-dessous) est incontournable ; pour être victorieuse, il faudra aussi qu’elle se double de la mise en place de circuits courts et directs entre producteurs et consommateurs.

 » Un éleveur qui se lève sait qu’il va perdre de l’argent « 

Hier matin, des agriculteurs ont barré l’accès au Géant Casino de Poitiers. Pour faire pression sur les distributeurs qui ne lâchent pas de lest sur le prix du lait.

L’heure du laitier ou presque. Il est 7 h 45 sur le parking du Géant Casino de Poitiers ce vendredi. Le directeur du magasin est en bras de chemise sur le parking. Il sait déjà que la journée ne sera pas bonne. Car des tracteurs ne tardent pas à déverser du fumier et des pneus aux différents accès à cette enseigne. Des barrages dissuasifs pour les clients en voiture.

«  Si on ne veut plus de nous, il faudra penser à se nourrir autrement  »

« Notre action s’est déclenchée en plusieurs endroits du département pour bien faire passer notre message (1), souligne Mathieu Morin, président des Jeunes Agriculteurs 86. Et des céréaliers sont là également en solidarité avec nos éleveurs. » Ces producteurs laitiers sont étranglés par des charges en constante augmentation, notamment les matières premières. En face, à la table des négociations, la grande distribution ne lâche rien. « Un éleveur qui se lève, il sait qu’il va perdre de l’argent, assure Mathieu Morin. C’est toujours à lui de s’adapter. Payer un litre de lait deux centimes de plus, les distributeurs sont capables de l’assumer. Cela permettrait de souffler et de vivre un peu mieux. On ne peut plus continuer comme ça. » « Nous avons rencontré le directeur du Géant Casino et on compte sur lui pour faire remonter l’information », espère Denis Bergeron, président de la FNSEA 86. Mathieu Morin précise : « Michel-Edouard Leclerc est prêt à faire un premier pas, mais sur trois mois. Ça ne suffit pas. » Avant de s’alarmer : « A terme, c’est la mort de l’agriculture. Si on n’en veut plus, il faudra penser à se nourrir autrement. »

(1) A Montmorillon, Leclerc, Leader price et Super U ont été ciblés, ainsi que Leclerc et Auchan à Châtellerault.

Jean-François Rullier, Nouvelle République, 13 avril 2013

Que voulons-nous vraiment ?

Que voulons-nous vraiment ?

Voulons-nous vraiment plus d’emplois salariés et des meilleurs salaires, ou voulons-nous pouvoir satisfaire nos besoins réels ? La réponse est dans la question, car de fait tout s’oppose, dans le monde du salariat et de l’argent, à ce que nous puissions satisfaire nos besoins réels.

Des emplois pour nous permettre à toutes et à tous de vivre décemment ? Les employeurs, privés ou étatiques, ne s’approprient pas notre force de travail pour nous permettre de vivre décemment. Ils ne nous emploient que pour extraire sur ce que nous produisons une plus-value, bref, que pour nous exploiter et ainsi accroître leur domination sur le champ social. Si nous sommes « employé-e-s », c’est toujours contre nous-mêmes. Ce que nous vendons comme force et temps de travail, ce que nous obtenons en échange comme salaire, c’est la soumission, de nos corps, de nos émotions, de nos intelligences. Le temps du travail, mais aussi le temps du loisir, qui est celui de la consommation, de la publicité et du bourrage de crâne, car pour devenir du profit, la marchandise doit s’écouler sans accroc parmi l’humanité devenue « le marché ».

Le résultat de l’emploi, cet esclavage qui nous est présenté comme une récompense qu’il faudrait mériter, c’est toujours plus d’exploitation et plus de domination. Le résultat du salariat, c’est l’opulence jalouse pour les uns, et la survie, la misère, l’abrutissement et la mort pour les autres.

Des emplois pour nous « intégrer » et nous « insérer » dans la société » ? Mais quelle société ? Celle en tailleurs, en cravates, en blouses et en bleus de travail, celle de petits chefs d’atelier et de bureau à subir au quotidien, de mise en compétition angoissante dans l’une de ces « sociétés » quelconques, où partout la même résignation, la même humiliation, le même ennui, la même flagornerie et le même mensonge aux autres et à nous-mêmes tient lieu de sociabilité ? S’intégrer à cela, n’est-ce pas plutôt nous désintégrer ?

Des emplois pour nous permettre de nous sentir utiles à la société ? Mais de quelle utilité parle-t-on ? Quel emploi salarié agricole, industriel ou tertiaire d’aujourd’hui a encore réellement pour but de satisfaire nos besoins réels ? Quel emploi ne vise pas à accroître l’emprise sociale d’une caste de privilégiés sur nous ? Quel produit industriel ne nous empoisonne pas ? Que rémunère l’argent d’ailleurs, si ce n’est une tâche que nous refuserions de faire si nous n’étions pas payés ? Le salariat n’est qu’un mode de domination sociale, l’argent ne paye que la résignation. L’essence du capitalisme est un anéantissement de toute vie sociale, qui se manifeste aussi par la destruction accélérée de toute vie sur la planète.

Or, l’histoire de l’humanité recèle un grand secret : nous n’avons pas besoin d’argent. L’humanité a très longtemps vécu et échangé sans recourir à l’argent, elle s’est organisée de façon très complexe bien avant son invention, et a continué de vivre bien après, de longs siècles durant, sans le truchement de l’argent. Rappelons que l’argent a été inventé par les premiers Etats antiques pour payer leurs mercenaires, frapper les populations conquises de lourds tributs (ou de dettes, elles-mêmes intimement liées à l’émergence de l’esclavage), prélever des impôts sur les productions et les échanges. Bien loin d’être un instrument de facilitation des rapports sociaux, l’argent a dès l’origine parasité les activités et les échanges entre les êtres humains, pour les détourner au profit des brutes au pouvoir qui frappaient la monnaie de leur image mégalomane.

Est-ce l’argent qui motive nos activités individuelles et sociales, est-ce lui qui nous fait vivre ? Mangeons-nous l’argent, respirons-nous l’argent, enlaçons-nous l’argent ? Bien sûr que non. Nous faisons toute une foule de choses que nous jugeons agréables et épanouissantes, aussi bien pour nous que pour d’autres, sans être payé-e-s pour autant. Certes, nous travaillons parce que nous sommes mis-es en situation où nous n’avons pas le choix : le système capitaliste étant ce qu’il est, nous devons obtenir de l’argent pour obtenir le droit de ne pas crever de faim. Mais sur le lieu de travail, une fois que nous sommes au boulot, le patron n’exploite pas tant ce chantage odieux que notre aspiration à bien faire malgré tout, à être solidaire des collègues de l’équipe. Même étouffé-e-s, nous continuons à essayer de vivre, tout simplement.

Lorsque les moyens de production (terres, ateliers, savoir-faire autonomes…) ne nous étaient pas encore tous arrachés par la force armée du capital et de l’Etat, qui les ont depuis monopolisés, nous ne pensions pas nos activités de vie de façon séparée, en termes d’argent, de temps de travail ou de loisirs. Nous cultivions ensemble la terre, cueillions de nombreuses plantes dites aujourd’hui sauvages, et cuisinions des repas à partager tout en échangeant des recettes. Nous fabriquions ensemble nos vêtements pour nous vêtir et nous plaire. Nous allions en forêt ramasser du bois pour nous chauffer et bâtir nos lieux de vie, cueillir des herbes ou des racines pour nous soigner. Nous nous retrouvions pour discuter, résoudre nos conflits, chanter, danser, faire la fête et l’amour. Nous savions aussi nous défendre quand il le fallait.

Par la violence armée des soldats, des mercenariats et des polices, la torture et le viol, la prison, l’élimination physique, nous avons été dépossédé-e-s de tous les moyens et de tous les espaces qui nous permettaient de vivre par nous-mêmes, de nous rencontrer et d’échanger par nous-mêmes, de nous organiser par nous-mêmes. Par les clergés, puis par la justice, les écoles et la politique, la publicité et le star-system, dont les images et les paroles sont vomies par une masse de médias, nous avons été dépossédé-e-s de la possibilité même de penser ensemble. Nos savoirs et nos mots ont été détruits, ou accaparés. L’histoire de l’Etat et du Capital se confondent avec celle de notre dépossession totale.

Une dépossession telle que nous avons perdu jusqu’à la mémoire de cette dépossession, allant jusqu’à souhaiter plus « démocratique » cette forme la plus aboutie du totalitarisme. Savons-nous que les syndicalistes affirmaient encore, il y a un siècle de cela, la nécessité de la destruction de l’Etat et du capital et luttaient pour la réappropriation sociale des moyens de production, employant la grève solidaire, le sabotage et les caisses d’entraide ? Nous souvenons-nous encore de l’évidence historique que tous les droits conquis ne l’ont été que dans une opposition ferme et résolue aux autorités, qui les concédaient pour ne pas tout perdre ? Nous souvenons-nous de toutes celles et de tous ceux qui ont combattu pour leur liberté, pour notre liberté, et ont été assassiné-e-s ?

Voilà que pour toute réponse à la violence insupportable qui régit nos vies, nous implorons désormais le Capital de ne pas nous retirer trop d’argent, et supplions l’Etat de faire respecter nos droits. Nous protestons contre telle ou telle nouvelle loi durcissant notre esclavage en défilant bien sagement lors de quelques défilés rituels pathétiques, et nous indignons qu’ils nous balladent. Comment nous débarrasser de nos maîtres si nous les prions de le rester, si nous sollicitons auprès d’eux des miettes, parlons le même langage puant qu’eux, louant la croissance, la compétitivité et l’emploi ?

Nous ? Mais quel nous ? Nous sommes tou-te-s désormais atomisé-e-s. Quand nous croyons nous exprimer politiquement, c’est dans un isoloir. Quand nous croyons nous parler, c’est devant un écran de téléphone ou d’ordinateur. Et quand « le peuple » s’exprime, c’est par un « représentant » que personne ne connaît vraiment, mais qui c’est promis, va changer les choses. Même quand nous nous rencontrons pour une action militante, c’est par l’intermédiaire de comptes twitter et facebook et pour poser devant des journalistes. Avec la sensation du travail accompli, d’avoir « conscientisé les masses », nous rentrons juste après chez nous nous décongeler une pizza et nous affaler devant un programme télévisuel qui donnera en pâture à nos rêves un ersatz indigent d’aventures que nous ne nous permettons plus de vivre.

Quel nous ? Celui des « masses » atomisées ? Le nous n’existe que lorsqu’il se vit réellement et s’affirme comme force. Nous ne nous sommes réellement ensemble que lorsque nous sommes déterminés à foutre en l’air cette société de merde qui nous opprime et nous empêche de vivre heureux ensemble.

Et nous, nous en avons juste ras-le-bol des pseudo-scandales Cahuzac et des taxes sur les transactions financières, des accords de flexisécurité et de la régulation des « paradis » fiscaux, de la « moralisation » de la finance ou de « la vie politique » et des défilés sans lendemain. Nous ne sommes pas des pigeons qui nous satisfaisons de miettes de pain rassis.

Nous sommes en colère d’être dépossédé-e-s, en colère d’être des esclaves, en colère de subir les pressions du patron et de l’administration, la surveillance et de la répression policières, en colère de devoir nous vendre misérablement et de devoir acheter le produit de la misère des autres. En colère de nous sentir si seul-e-s face à toute cette merde.

A la poubelle, les programmes tout faits, le spectacle de la contestation, les menaces bidons au mégaphone du style « ou sinon ça va péter ». Vu que les lendemains déchantent, occupons-nous de nous-mêmes dès aujourd’hui. Ici et maintenant, et demain aussi. Dans tous nos actes de la vie quotidienne. Partageons nos besoins, nos désirs et nos rêves, faisons tout notre possible pour les réaliser réellement et pour cela, organisons-nous. Organisons-nous aussi pour nous défendre contre la répression qui menace constamment nos velléités d’autonomie : il n’y a qu’une chose à faire payer, cher : c’est la violence permanente du mépris qu’on nous inflige.

Juanito, Pavillon Noir, 7 avril 2013

[Poitiers] Après Foucault, Debord ?

Les institutions, à travers le TAP organisant le festival « A corps », n’ont décidément peur de rien : voici qu’elles nous proposent de reprendre le concept de dérive de Debord, avec un spectacle nommé « Walk in the city« . Le machin consistera en une promenade à Poitiers, du 6 au 8 avril prochain… sous les instructions « d’artistes » données dans un casque ! Défense de rire…

On est aux antipodes de la proposition subversive de Debord (le critique de « La société du spectacle« , justement), de dérive comme libre réappropriation de l’espace réellement vécu :

« Ainsi, quelques plaisanteries d’un goût dit douteux, que j’ai toujours vivement appréciées dans mon entourage, comme par exemple s’introduire nuitamment dans les étages des maisons en démolition, parcourir sans arrêt Paris en auto-stop pendant une grève des transports, sous le prétexte d’aggraver la confusion en se faisant conduire n’importe où, errer dans ceux des souterrains des catacombes qui sont interdits au public, relèveraient d’un sentiment plus général qui ne serait autre que le sentiment de la dérive. » (Guy-Ernest Debord, in Les Lèvres nues n° 9, décembre 1956 et Internationale Situationniste n° 2, décembre 1958).

Après la récupération de Foucault (voir notre article ici), voici donc celle de Debord (à laquelle on assiste aussi à la BNF de Paris). Et si nous nous réappropriions le vrai discours de Debord ? Pas certain que les institutions poitevines, qui répriment depuis quelque temps le moindre « rassemblement illégal », apprécieraient nos « plaisanteries d’un goût douteux« …

Juanito, Pavillon Noir, 3 avril 2013

KIM Min-ki – Kamum (la sécheresse)

KIM Min-ki
KIM Min-ki

NdPN : KIM Min-ki est un chanteur et un militant activiste. Ses chansons ont toutes été censurées par le gouvernement sud-coréen. Il a cessé de chanter dans les années 1990 et fait aujourd’hui du théâtre.

Cette chanson célèbre et triste,  Kamum (la sécheresse), évoque les souffrances des Coréen-ne-s. Elle peut aussi évoquer la répression sous la dictature. Elle a été très chantée par les étudiant-e-s révolté-e-s, le poing levé, notamment à Gwangju lors de la répression sanglante de mai 1980.

Le 18 mai 1980 à Gwangju, le gouvernement sud-coréen réprime dans le sang la révolte étudiante contre la dictature de TCHON Du-hwan
Le 18 mai 1980 à Gwangju, le gouvernement sud-coréen réprime dans le sang la révolte étudiante contre la dictature de TCHON Du-hwan

Voici une vidéo plus récente d’étudiant-e-s reprenant la chanson censurée, avec accompagnement aux percussions traditionnelles (jing, buk, janggu, kkwaenggwari) :

http://youtu.be/Pjzy6o3cYe4

Note : la transcription qui suit, du hangeul (alphabet coréen) au français, vise à simplifier la prononciation. Le « ô » signale ici un o fermé, le « o » signale un o ouvert.

김민기 – 가 뭄

Kim Min-ki– Kamoum

Kim Min-ki- Sécheresse

COUPLET 1

갈숲 지나서 산길로 접어 들어가

kalsup minasso sankillô tchobo teuloga

après le champ de roseaux, au début du chemin de montagne

몇구비 넘으니 넓은 곳이 열리난다

myot koubi nomeuni nolbeun gôshi myollinanda

passant par les collines, il y a un grand espace

길섶에 피인 꽃 어찌 이리도 고우냐

kil sop-é piin kôt otch’i ilidô gô-ounya

quelles belles fleurs sauvages

공중에 찬 바람은 잠잘 줄은 모르난다

kô’ng tchoung-é tch’an balameun tcham tchal tchouleun moleunanda

le vent froid ne cesse d’y souffler

REFRAIN :

에헤야 얼라리야

è hè ya ollaliya

얼라리난다 에헤야

ollalinanda è hè ya

(Les deux premières lignes sont une onomatopée évoquant les percussions coréennes traditionnelles)

텅빈 지게에 갈잎물고 나는 간다

tto’ngbin tchigé-é gal ip moulgo kaneun kanda

je vais, ma hotte vide, mordant un brin d’herbe morte à ma bouche

COUPLET 2

오랜 가뭄에 논도 밭도 다 갈라지고

ôlèn kamum-é no’ndo batto da kallatchigo

la rizière et le champ se sont fendus du fait de la longue sécheresse

메마른 논두렁엔 들쥐들만 기어간다

mè maleun nô’ndoulong-én teultchoui teulman kioganda

il n’y a que des rats des champs aux bords des rizières

죽죽 대나무야 어찌 이리도 죽었냐

tchouk tchouk tènamou-ya otch’i ilidô tcchoukonnya

pourquoi es-tu mort, mort comme ça, bambou

옛집 추녀엔 이끼마저 말라 버렸네

yétch’ip tch’ounyô-én ikkimadjo malla bolyonné

même la mousse, à l’avant des toits, est desséchée

REFRAIN

COUPLET 3

이 가뭄 언제 끝나 무슨 장마 또 지려나

i kamoum ondjé kkeunna musseun tchangma ttô tchilyona

quand cette sécheresse se finira, quelle pluie s’ensuivra

해야해야 무정한 놈아 잦을 줄을 모르난다

hèya hèya mudjo’nghan nôma tchadjeul tchuleul moleunanda

le soleil, manquant de cœur, n’arrête pas de briller

걸걸 걸음아 무심한 이 내 걸음아

kol kol koleuma moushimhan-i nè koleuma

je marche, je marche, pourquoi je n’arrête pas de marcher

흥흥 흥겹다 설움에 겨워 흥겹다

houm houm houm gyopta soloum-é gyowo heung kyopta

c’est amusant, amusant, je m’amuse avec le chagrin

REFRAIN

Le socialisme, c’est pas si mal.

Avec mon épouse Marie-Cunégonde, nous avons regardé la prestation télévisuelle du « socialiste » Hollande hier, sur notre nouvel écran plat home cinema.

Nous fûmes bien rassurés : comme je l’ai fait remarquer ce matin au squash à mes associés, le président a montré qu’il n’était ni social, ni mou, mais bien droit dans ses bottes de chef de la rigueur. Compréhensif avec nous, les créateurs de richesses et d’emplois, les winners !

Sur les retraites ? Les manifs où se pavanait le PS contre la droite sont bien loin  : Hollande annonce des durées de cotisations encore plus longues que celles dont rêvait Nicolas. Avec l’annonce d’options telles que l’élévation des cotisations et la baisse des pensions, qui plus est. Bientôt le problème des petits vieux sera réglé : ils seront morts avant même de toucher la retraite. Cela leur épargnera de longues années d’ennui, ce qui n’est pas plus mal. Si on peut les valoriser au travail jusqu’au bout, ils se sentiront utiles à la société jusqu’à leur dernier souffle.

Hollande a fait une louange méritée à l’accord de flexisécurité. Le PS n’est pas si mal finalement : Hollande dit lui-même que sa priorité ce sont les entrepreneurs, et j’ai récemment entendu Montebourg déclarer que c’était la prunelle de ses yeux… Nos « partenaires sociaux » aussi ; à la CFDT, à la CGC et à la CFTC, y’a quand même des gens intelligents et compréhensifs. Au MEDEF, la CGT nous fait marrer avec ses jérémiades sur le fait que ces syndicats soient minoritaires, elle se plaint de cet accord alors que c’est elle a signé les accords de représentativité… comme je disais récemment à Lepaon, faut savoir être fair-play mon cher Thierry !

Taxe à 75% sur les salaires de plus d’un million d’euros ? Je m’en fichais un peu déjà, vu que ce sont surtout mes dividendes qui rapportent. Mais avec Hollande, on n’aura même plus besoin de faire croire qu’on va déménager en Belgique : il l’a dit, on ne sera pas touché : on fera juste passer la taxe sur le compte de l’entreprise.  Faudra juste rogner un peu plus sur le salaire des ouvriers, mais ça ira : ils ont l’habitude de sucer des pâtes de Lidl, ils savent qu’il faut faire des efforts pour l’entreprise et le bien de la nation, depuis le temps qu’on leur répète…

Quant aux dépenses publiques, ça va continuer de baisser. Tant mieux, c’est un bon signe pour le marché, moi qui craignais pour mes actions… Et puis, les fonctionnaires, même si on en a de moins en moins, c’est toujours de trop ! De quoi se plaignent les pauvres avec la dégradation des services publics ? Leurs mômes pourront socialiser davantage avec 35 camarades de classe, ils pourront tisser plus de liens d’amitié en se retrouvant à dix dans des chambres d’hôpital… S’ils ne sont pas contents, ils n’ont qu’à souscrire à une mutuelle, comme tout le monde. De nos jours, ne pas souscrire à une mutuelle, quelle inconscience !

Hollande annonce quand même qu’un budget public sera épargné, celui de la défense, qui serait au moins maintenu jusqu’en 2019. Comme je le disais l’autre jour à Le Drian, c’est vrai que mes missiles et mes avions sont les meilleurs au monde. Un peu chers c’est vrai, mais faut ce qu’y faut, la qualité c’est important. C’est qu’il faut bien protéger nos colonies, contre ces filous d’amerloques et ces rusés de Chinois ! Hollande annonce même que l’armement nucléaire doit être « modernisé ». Pas de problème, je vais mettre mes ingénieurs sur le coup.

Autre chose que j’ai trouvé positif, c’est l’annonce de mesures allégeant la fiscalité sur les cessions et les transmissions d’entreprises. Enfin un homme qui a compris que le pognon aujourd’hui, ça ne se trouve plus dans l’industrie (bon, à part celle de l’armement), mais sur les marchés financiers… J’achète, je licencie, je revends, j’achète, je licencie, je revends… Hollande a pigé que le capitalisme productif c’est mort depuis les années 1970, et qu’il ne faut pas décourager les courageux investisseurs. Les plans sociaux sont un mal nécessaire. Sinon comment produirait-on encore de la valeur pour le pays ?

Quant au non-cumul des mandats, la bonne blague ! Ce ne sera pas pour les municipales, mais après la fin du mandat de Hollande, autant dire pour jamais. Un ami chez qui on est allé dîner dimanche dernier, qui est maire et député PS, m’avait bien dit qu’il n’y croyait pas. C’est pas pour demain qu’il devra retourner enseigner devant des jeunes racailles, m’a-t-il confié avec un soulagement compréhensible.

Hollande prévoit aussi une loi sur la laïcité dans les entreprises. Bien, ça. Tenez, vendredi dernier, alors que je passais dans mon bureau pour toucher deux mots à mon DRH, je tombe sur une femme de ménage qui portait une burqa sur ses beaux cheveux frisés. C’est dommage, elle est si mignonne cette petite. Elle était en train de jeter à la poubelle un cubain à 300 euros à peine commencé en vidant le cendrier ! Je lui ai bien fait remarquer que je ne voulais pas d’une femme voilée dans mon entreprise. Non je ne suis pas raciste, lui ai-je dit, je suis laïque. Oui, c’est bien le pape qui est accroché au mur, mais j’ai bien le droit d’être catholique non, je suis chez moi dans mes bureaux quand même ? Comment ça moi aussi je prie dans la rue ? Oui, mais c’est contre les homos et l’avortement, et les institutions nous protègent, nous. Rien à voir avec le fait de prier les fesses en l’air, et d’empêcher les femmes d’être séduisantes !

Bref, comme je suis de droite mais d’esprit ouvert, j’ai toujours dit que Hollande ne serait pas un mauvais président. Au MEDEF, les copains auraient préféré Nicolas, mais moi je dis que c’est pas plus mal comme ça. Hollande est tout aussi compréhensif que Nicolas au point de vue économique et social.  Il reste ferme sur l’immigration et se débrouille encore mieux pour dégager les Roms, ce qui nous fait de la main-d’oeuvre fort souple et conciliante, pas comme ces fainéants de cégétistes. Mais surtout, avec lui au pouvoir on a la paix sociale. Pfffuit, finies les manifs, les occupations ou les menaces de sabotage dans nos entreprises ! Quand on a encore un problème avec une bande d’excités, on appelle les confédérations et les ministres, et c’est plié dans les deux jours, à l’amiable ou à la méthode ferme. Vu que les centrales syndicales sont encartées dans le même camp que le gouvernement, on respire enfin un peu ; c’est bien agréable je vous assure.

Le « changement », quelle idée ! La crise ? Moi je dis que tout va pour le mieux. Certes, moi et mon pote Xavier s’inquiète quand même un peu de ces zigomards anarcho-machin-chose dans le bocage nantais. Faut bien des aéroports, sinon à qui je vendrais mes avions ?Heureusement, Jean-Marc et Valls ont remis un peu d’ordre ; on espère bien que la commission de conciliation les aura un peu divisés.

En 2017, je voterai socialiste !