Des jeunes cathos intégristes font le siège du Théâtre de la ville de Paris

Des jeunes cathos intégristes font le siège du Théâtre de la ville de Paris

Blasphème

Des jeunes cathos intégristes font le siège du Théâtre de la ville de Paris

Ajout du témoignage de Evelyne Sire-Marin et de la vidéo des perturbations de jeudi soir.

Entourés de rouge, des intégristes menacent les spectateurs du Théâtre de la ville de Paris (Thomas Schlesser)

Paris, dimanche 23 octobre, 15 heures. « Le théâtre de la ville est entouré de CRS », nous raconte Evelyne Sire-Marin, vice-présidente de la Ligue des droits de l’homme. « A l’intérieur de la salle, des dizaines de vigiles gardent la scène. » Une troisième fois, la pièce de Roméo Castellucci, « Sur le concept du visage du fils de Dieu », est interrompue par des hurlements des militants du Mouvement de la jeunesse catholique de France (MJCF), les mêmes catholiques intégristes qui ont détruit en avril la photographie d’Antonio Serrano, « Piss Christ », à Avignon.Ils crient « non au blasphème, non a la christianophobie ». La pièce porte sur le désastre de la vieillesse, sur fond d’un visage impassible du Christ peint par Antonello da Messina, peintre de la renaissance italienne. On sort du théâtre entre les bottes et les casques de CRS. On est en France, en 2011. La France, pays de la liberté d’expression ?Le vendredi précédent, au premier étage du Théâtre de la ville, deux maigres silhouettes sont perchées sur le balcon et menacent de déverser sur la foule de l’encre et de l’huile de vidange – comme, au Moyen-Age, on lançait divers matériaux des machicoulis des châteaux-forts.Les individus souillent le public venu assister au spectacle de Romeo Castellucci « Sur le concept du visage du fils de Dieu ».La veille, ils avaient déjà perturbé le spectacle. Voici la vidéo de la scène filmée et mise en ligne par les intégristes cathos eux-mêmes.

http://www.youtube.com/watch?v=EuPCF238ejI&feature=player_embedded

Au Théâtre de la ville, jeudi 20 octobre, filmé par « Renouveau français »

« Je suis chrétienne, moi, comme eux ! »

Projection du Christ d’Antonello de Messine, « Sur le concept du visage du fils de Dieu » de Roméo Castellucci (Théâtre de la ville de Paris)

L’œuvre met en scène une confrontation de l’indigence humaine (un père incontinent) et de son Sauveur (la projection d’un immense visage du Christ peint par Antonello de Messine). Elle s’interroge sur les limites possibles de la pitié, de la miséricorde, de la bienveillance.Le Christ finit par être saccagé, à coups de grenades et d’excréments.Déjà, ce jeudi 20 octobre, des protestations de l’Institut Civitas avaient considérablement perturbé la représentation. Cela recommence. Les gens s’agacent. Une jeune étudiante en théâtre explique :« Je suis chrétienne, moi, comme eux, et si ça trouve, ça va me choquer et ça ne me plaira pas, mais je ne vais pas empêcher des gens de rentrer ! La liberté, c’est ça aussi. »

Trouver refuge au café Sarah Bernhardt

Sur la place du Châtelet, au cœur de Paris, on est frappé par le déploiement d’un cordon de sécurité. De nombreux CRS entravent les accès. Dans le café Sarah Bernhardt, qui jouxte le Théâtre, des gens se réfugient, viennent se laver après avoir reçu des projectiles.

Le public et les badauds s’étonnent : il suffit donc de l’incursion de deux individus au balcon de la façade d’un théâtre pour susciter une véritable panique ? En fait, de l’aveu d’un policier, c’est surtout par peur de l’accident : il faut éviter par exemple qu’un manifestant ne tombe…

Des caricatures de Mahomet à l’intégrisme catho

L’intégrisme catholique ne constitue certainement pas le paroxysme de la censure et il est très simple de taper dessus sans craindre de s’exposer soi-même. Mais l’intégrisme catholique est au fond une cible pratique.

Aussi, avant de le critiquer, faut-il rappeler, pour défendre sans réserve la liberté d’expression, qu’il n’y a aucune raison de taire de force la voix de ceux qui se sentent insultés dans leur foi. Mieux : la liberté d’expression doit pouvoir garantir les formulations de hargne voire de malveillance de ceux-là qui se sentent injuriés.

En 2005, le point de vue de quelques musulmans militant contre les caricatures de Mahomet ; celui de quelques catholiques militant contre les représentations scabreuses de leur Dieu sont légitimes, audibles.

Mais défendre la possibilité d’un point de vue ne revient pas à permettre sans riposte son déploiement agressif ni son prolongement par l’action violente.

Le précédent « Piss Christ »

Après l’affaire « Piss Christ » (œuvre d »Andres Serrano vandalisée à Avignon en avril), les modes opératoires choisis par la branche dure du catholicisme, tournent à la censure aveugle, et même stupide.


Affiche de promotion de la campagne contre « Piss Christ » d’Andres Serrano

Or, ces actes sont souvent suivis dans les médias par des discussions portant sur la provocation et plus généralement sur le rôle et la nature de l’art. Fausse route. Le simple fait d’examiner ce genre de problèmes, dans la foulée des interventions brutales de l’Institut Civitas qui prône « la restauration de la royauté sociale de Notre-Seigneur Jésus-Christ » ou d’autres organisations fondamentalistes, cautionne partiellement la violence desdites interventions.

Par conséquent, en amont de toute considération sur la qualité d’une œuvre, plastique ou théâtrale, il faut écraser avec intransigeance ceux qui en entravent l’expression.

La destruction d’une œuvre d’art, atteinte au bien commun

L’antichristianisme de notre société est-il fantasmé ? Est-il réel ? Peu importe. Dans les deux cas, s’il se manifeste à travers des productions de l’esprit et des œuvres d’art – qu’on les apprécie ou non –, il est absolument intolérable de les voir attaquées et censurées.

On pouvait déjà s’étonner de la tiédeur de la réaction officielle de Frédéric Mitterrand lors de l’affaire « Piss Christ », confiant, après s’être indigné du saccage, qu’il pouvait en comprendre le caractère choquant pour certains publics.

La destruction d’une œuvre d’art, quelle qu’elle soit, et en admettant même sa médiocrité, est une atteinte au bien commun. La règle doit être infaillible : toute idée, même la plus épouvantable, est formulable dans une démocratie où prévaut la vraie liberté d’expression.

Mais l’Institut Civitas n’use plus de ce droit ; il prend des résolutions visant à éteindre de force celui d’autrui, au nom d’une opinion particulière. La sanction à son encontre ne doit souffrir aucune ambiguïté

Gare ! Les censeurs repèrent les brèches

Faudra-t-il attendre que les vandales détruisent un tableau de Caravage ou brûlent des exemplaires des « Fleurs du mal » de Baudelaire pour enfin entendre les autorités brandir de très sérieuses menaces contre eux ?

Car, dans la foulée de l’affaire « Piss Christ » et après les premières représentations perturbées du spectacle de Castellucci, il n’y a pas eu de déclaration tapageuse du ministère de l’Intérieur, dont c’est pourtant la fonction. Celui-ci n’a pas annoncé de réprimande sévère, et même exemplaire, contre les exactions commises.

A chaque fois, les troupes de censeurs en tout genre, bien au-delà des sphères religieuses et de l’ordre moral, marquent des points et repèrent les brèches où s’engouffrer.

Il ne faudrait pas que cette haine de la culture, dépourvue de tout sens critique, s’installe trop facilement dans notre société. Elle commence à en prendre le chemin, dans une indifférence pesante. Même à ce stade embryonnaire, elle mérite une vigilance totale.

Rue 89, Tomas Schlesser, 22/10/2011

« L’indigné » Père Patrice et France 3, contre les indignéEs et « l’anarchie »

« L’indigné » Père Patrice et France 3, contre les indignéEs et « l’anarchie »

France 3 nous a concocté ce lundi une belle interview : celle de la nouvelle mascotte « indignée »/anti-indignéEs des médias, au service d’un pouvoir que les mouvements sociaux dérangent :

http://www.dailymotion.com/video/xlwc0j_patrice-gourrier-le-pretre-indigne_news

On y voit des extraits vidéo de gens au visage dissimulé, défiant la police, passer à l’écran au moment même où père Patrice dénonce les indignés locaux de Poitiers. En ayant le culot (que lui confère la calotte ?) de les assimiler à des « récupérateurs » de l’indignation. Au final, cette séquence n’est pas tant l’indignation d’un curé, qu’une dénonciation des indignéEs.

Qu’il ne s’agisse pas d’images locales mais d’un bidouillage vidéo pathétique ne semble pas avoir dérangé au montage (à moins qu’il y ait un espèce de Colisée à Poitiers et que j’aie raté un coche dans les projets pharaoniques de coeur d’agglo ?). Pas plus que de donner tribune et semblant de crédibilité à quelqu’un qui juge les indignéEs sans jamais être venu à la moindre assemblée : belle démonstration d’investigation journalistique ! Passons sur l’assimilation, acceptée par la journaliste sans sourciller, de « l’anarchie » à la « violence » (on a l’habitude). Mais que dire enfin de la « laïcité » prétendue d’un service public de journalisme, qui d’un côté tait ou minimise les assemblées d’indignéEs à Poitiers, et de l’autre légitime les analyses ahurissantes d’un type sous prétexte qu’il porte une soutane, sans broncher lorsqu’il conclut sur l’affirmation que l’indignation des chrétiens est la seule issue ?

Puisque la journaliste martèle que Père Patrice est un « indigné », voyons toute la crédibilité à donner à cette indignation, en rappelant les propos que le curé tenait sur un plateau télé, il y a de cela quelques années :

http://www.dailymotion.com/video/xf99fp_patrice-gourrier-lettre-ouverte-au_news#rel-page-1

A l’époque de sa « lettre ouverte au prochain pape », on y constate que père Patrice :

-critiquait la soutane en refusant de la porter à la télé (« j’ai jamais aimé les robes », « la tradition demande la simplicité des vêtements »)… mais qu’il ne semble avoir à présent aucune répugnance à parader en robe noire dans les colonnes de la PQR ou sur les plateaux télé (la soutane, on a beau dire, ça pose son homme quand la nécessité de casser les mouvements sociaux l’impose).

-critiquait le fait qu’un pape exerce encore ses fonctions après 75 ans, quand la tradition exige des évêques, y compris celui de Rome, qu’ils renoncent à leur charge passé cet âge fatidique… alors que père Patrice encense aujourd’hui dans la presse un pape Benoît XVI qui déclare pas moins de quatre-vingt quatre piges au compteur !

-condamnait par ailleurs le même Ratzinger (aujourd’hui Benoît XVI) comme faisant partie de ces conservateurs intégristes grenouillant autour de Jean-paul II de façon « sordide », en « profitant » de prendre le pouvoir sur le pape… à présent, père Patrice ne tarit plus d’éloges pour Benito seizième, aux positions violemment sexistes, homophobes et transphobes, anti-avortement et anti-contraception. Positions que Patrice Gourrier dénonçait aussi hier, et semble avoir aujourd’hui absoutes… sans doute ses priorités ont-elles changé ?

Pour un curé qui assène, à chaque communiqué dans les médias, sa détestation de « l’anarchie », on peut donc trouver ses positionnements un peu anarchiques… à moins que sa véritable priorité, et celle des médias qui relaient largement son discours, soit de discréditer les indignéEs qui se rencontrent pour de vrai, sans l’intermédiaire d’un journaliste ou d’un curé.

Mais c’est pas comme si on avait pas l’habitude : si l’indignation de l’Eglise a souvent été à géométrie variable en fonction du contexte, elle a toujours été en bonne place, aux côtés de la propagande de l’Etat et des patrons, pour la répression des mouvements sociaux. Lorsque le pouvoir est en position de force pour cogner, silence religieux. Lorsqu’il est mis en difficulté, on se positionne bien vite contre ses contestataires, au nom du tri du bon grain de l’ivraie…

Médias, curés, vous aurez beau cracher sur les gens, sur leur « poing levé » en signe de cette solidarité et de cette indépendance que vous haïssez… sachez qu’il y en aura toujours pour dénoncer vos pauvres petits sermons !

Juanito, 25 octobre 2011

Père Patrice, la mascotte « indignée » des médias

Père Patrice, la mascotte « indignée » des médias

 

Un nouveau communiqué promotionnel dans la presse quotidienne régionale sur père Patrice, et une interview sur France 3… et une nouvelle réaction de Juanito, du groupe Pavillon Noir (FA86).

A lire l’article qui suit (où nous avons souligné certains passages croustillants) on peut se demander à juste titre quelles sont les intentions des médias PQR-France3, avec leur feuilleton comique du Père Patrice, « l’engagé » de derrière l’autel.

Est-ce que son indignation intéresse nos journalistes locaux parce qu’on ne le voit jamais dans les assemblées d’indigné-e-s de Poitiers (que les journalistes taisent ou minimisent) ? Qu’il prétend qu’il suffit de ne pas dormir pour être « indigné » (indigne-toi, bois du café) ? Qu’il diffuse son inculture grotesque en parlant de « violence » pour le signe de la solidarité et de l’émancipation qu’est le « poing levé » (mais alors que penser de la main tendue des fachos, soutenus par les curés sous Franco, entre autres soutiens de l’Eglise catholique à des violences bien réelles) ? Qu’il fait la promotion de l’homophobe-sexiste-antiIVG Benoît XVI, alors que les plannings familiaux et les droits conquis par les femmes et les transpédégouines sont tous les jours plus menacés ? Qu’il parle comme son gourou de « mieux redistribuer les richesses » au lieu de nous les réapproprier ? Qu’il bafoue toute l’histoire des luttes sociales contre l’obscurantisme religieux en affirmant que la religion DOIT s’exprimer sur la place publique ?

Pour les gens qui veulent se « réveiller » ailleurs qu’à genoux devant l’autel ou en mode statue coite des « cercles de silence » cathos, signalons qu’il y a toujours moyen de retrouver les indigné-e-s de Poitiers, tous les vendredis à 19h sous l’arbre à palabres (devant le parvis de Notre-Dame, amen !). On y discute à égalité, avec un ordre du jour libre, on y propose des actions concrètes (partage d’infos, antipub, antinucléaire, soutien aux sans-papiers, aux militant-e-s réprimé-e-s, aux grévistes du Printemps ou des Fonderies…) et des mises en place d’alternatives (bouffe, logement, atelier bricolage…)

Ni cureton ni maître, autogestion de nos luttes !

Juanito – groupe Pavillon Noir – Fédération Anarchiste 86 – le 24/10/2011

 

Patrice Gourrier, le curé  » indigné depuis toujours  »

24/10/2011 05:42

Il ne rejoindra pas la manif des indignés qui se réunit chaque semaine à Poitiers. Mais le curé de Saint-Porchaire n’en appelle pas moins au  » réveil  ».

 Patrice Gourrier devant l’église Notre-Dame où il venait de célébrer la messe, jeudi dernier. – (dr)

Je suis étonné que l’on s’étonne. Le père Patrice Gourrier, curé de Saint-Porchaire sourit. En se déclarant « indigné » dimanche dernier lors de la messe dominicale qu’il célébrait à l’église Saint-Porchaire, il était quasi-certain de son effet. Cela n’a pas manqué : sa prise de position a circulé au-delà l’assemblée des chrétiens réunie pour l’office.
Mais les indignés auxquels il se réfère, ce ne sont pas ceux qui se retrouvent chaque vendredi soir à deux pas de l’église Notre-Dame. « Sur leurs affiches, ils ont le poing levé. C’est un signe de violence. Je n’aime pas. »

 » S’indigner, c’est le signe qu’on ne dort pas  »

Indigné, le père Patrice Gourrier l’est. Mais de manière pacifique, comme l’abbé Pierre ou soeur Emmanuelle. Le premier s’est indigné lors de l’hiver 54. « Cet hiver 2011-2012, en France, ce sont encore 600.000 enfants qui vont souffrir du froid. » La seconde « s’est révoltée contre le sort réservé aux coptes Égyptiens. Cette semaine, je n’ai pas entendu beaucoup d’indignation après que les chars de l’armée égyptienne ont écrasé vingt-quatre chrétiens. »
Un autre indigné : le père Guy Gilbert, le « curé des loubards », que Patrice Gourrier a invité il y a peu à Saint-Porchaire. L’indignation que le prêtre met en avant est aussi celle de la révolte contre la civilisation de l’argent. « Ces rémunérations que les dirigeants des banques s’octroient quand leurs salariés n’en ont que les miettes. » Patrice Gourrier se réfère aux pères de l’Église : « Il y a 1.600 ans, ils annonçaient que notre monde deviendrait fou quand les hommes prendraient un mal pour un bien et un bien pour un mal. Est-ce que ce n’est pas ce qui se passe aujourd’hui ? On trouve fabuleux le développement de l’agriculture intensive et on oublie de dire que les pesticides rendent les agriculteurs malades. »
Il ajoute : « A ce propos, personne n’a rapporté cette semaine l’intervention du pape Benoît XVI à la FAO (NDLR : l’organisation des Nations Unies qui lutte contre la faim). Il a plaidé pour une meilleure redistribution des richesses. Et qu’on ne vienne pas me dire que les catholiques doivent rester dans leurs églises. Benoît XVI vient de rappeler que la religion ne relève pas du seul domaine du privé, mais doit s’exprimer sur la place publique. Les catholiques sont invités à s’engager. S’indigner, c’est le signe qu’on ne dort pas. »

Jean-Jacques Boissonneau, Nouvelle République, 24/10/2011

[Grèce] Deux jours de grève générale

Les nouvelles mesures gouvernementales ont été adoptées par la Parlement dans la soirée du jeudi 20 octobre par 153 voix sur 300. Une nouvelle députée du Pasok a refusé de voter un des principaux articles, celui qui autorise le licenciement des fonctionnaires et la “suspension” des conventions collective. Mais cela n’a pas suffi. Elle a été aussitôt exclue du Parti.

Mercredi, les manifestations ont été les plus massives depuis les 18 derniers mois. Le pays était paralysé. Beaucoup de commerces avaient baissé leur rideau. Dans certains endroits, surtout dans des villes moyennes, des interventions énergiques de manifestants ont fait fermer des supermarchés ou des fast-food qui avaient tenté de braver le mot d’ordre de grève…

A Athènes, sans doute plus de 200 000 manifestants, la plupart n’ayant pas pu aller jusqu’à la place Syntagma à cause de la foule et de la quantité de gaz lacrymogènes et asphyxiants et de grenades assourdissantes balancés par les forces de l’ordre déployées en masse également. Officiellement 5000 autour du Parlement et autant dans le reste de la ville… Une grande barrière de plexiglas et de fer avait été installée loin du bâtiment de l’Assemblée, rendant très difficile toute tentative d’approche.
Comme d’habitude, il y a eu de violents affrontements sur la place et comme cela devient courant depuis quelques mois, côté manifestants ce n’est pas uniquement le fait d’“encapuchonnés” mais de toutes sortes de personnes simplement en colère, notamment un fort contingent de chauffeurs de taxis. Les cordons de policiers postés derrière la barrière ont dû reculer à plusieurs reprises devant la quantité de pierres et de molotovs qu’ils recevaient.

Pour plus de détails sur ces manifestation et affrontements, voir le site Contra Info

Pour beaucoup de manifestants, c’était clair : il fallait encore être plus nombreux le deuxième jour à assiéger le parlement, quitte pour cela à défoncer la barrière (elle avait déjà été bien secouée sous la pression) et essayer de faire reculer les forces anti-émeutes.

Mais, le jeudi matin, un acteur en a décidé autrement. Le KKE (Parti communiste) à travers le service d’ordre de son “front syndical” PAME, a déployé plusieurs centaines de ses membres armés de bâtons et de matraques, la plupart avec des casques de moto, en protection de cette barrière et donc du Parlement.
Jusque là, le KKE faisait surtout des apparitions dans son coin, appelant à des manifestations distinctes, dans d’autres endroits de la ville et à des heures différentes… Ça ne servait à rien mais ça n’embêtait personne, ni le gouvernement, ni la grande masse des grévistes et des manifestants. Mais là, pour la première fois depuis le début de la crise, un parti a non seulement fait ouvertement prévaloir ses propres intérêts par-dessus ceux de tout un mouvement social de masse mais il l’a fait comme milice, comme bras armé supplémentaire d’un gouvernement et d’institutions politiques qu’il dit combattre, en créant un deuxième cercle policier de maintien de l’ordre, mais se voulant, celui-ci, « à l’intérieur » du mouvement.
La présentation faite par les médias et lui-même (d’honnêtes syndicalistes et un parti responsable faisant face à des hooligans ou des “casseurs”) ne correspond en rien à la réalité. Les premiers contacts, d’abord en paroles et en insultes puis physiques, ont commencé dès que sont parvenus, les uns après les autres, les différents cortèges regroupant des milliers de manifestants. En tête le mouvement de désobéissance collective “Den Plirono” (“Je ne paie pas”) puis ceux des syndicats de base, de l’“assemblée anarchiste pour la libération sociale” et autres anti-autoritaires, des groupes de la gauche extraparlementaire, des assemblées de quartier, des étudiants, etc. Ce sont toutes ces composantes là, celles qui additionnées constituent les principaux ferments de la rébellion sociale en cours et à venir, qui ont été visées, chargées et matraquées par le SO du KKE.

S’en sont suivi des bagarres au corps à corps, des manifestants tabassés au sol par des staliniens, certains de ces derniers recevant aussi les mêmes pierres et molotovs que ceux destinés initialement aux policiers. Mais les affrontements se poursuivent avec eux, à distance, les cocks volant par-dessus la tête du SO des stals pour atteindre les rangs policiers. De plus en plus de lacrymogènes sont lancées et le lieu devient complètement irrespirable. Les stals qui avaient déclaré vouloir rester sur place jusqu’au vote du Parlement en soirée, ont décroché vers 16 h et en ont profité pour agresser et tabasser des manifestants « au look » en se retirant dans les rues adjacentes.

C’est très certainement un peu avant qu’un membre du PAME a été évacué à l’hôpital, à la suite d’un malaise et d’une perte de conscience. Il sera déclaré mort un peu plus tard par les médecins ayant tenté en vain de le ranimer. De toute évidence, l’arrêt cardiaque est dû à des problèmes respiratoires consécutifs d’une trop forte inhalation de gaz lacrymogènes et asphyxiants.
Une fois les sbires du KKE partis, les forces de l’ordre ont déployé une offensive de grande envergure dans toute la place et ensuite dans une grande partie du centre ville. Affrontements dans les quartiers touristiques de Plaka et Monastiraki. Les policiers ont pénétré dans la station de métro de la deuxième place de la ville, Omonia, et ont frappé les personnes qui s’y étaient réfugiées, tandis qu’ils faisaient évacuer la station de Monastiraki. Les courses-poursuites se sont étendue à plusieurs autres quartiers du centre, dont celui d’Exarcheia.

La journée s’est terminée tristement.

Par la mort de Dimitri Kostaridis, maçon de profession, âgé de 53 ans, secrétaire local d’un syndicat de la construction et membre du PAME (et sans doute du KKE), victime des gaz lacrymogènes qui deviennent proprement asphyxiants à haute dose.

Tristement, mais pas seulement. Amertume et rage devant l’attitude des staliniens du KKE qui resteront à jamais ceux qui ont défendu un Parlement en train de voter les licenciements de 30 000 fonctionnaires et la fin des conventions collectives permettant de baisser les salaires.

Coup dur quand même, car, même si cela a le mérite de clarifier bien des choses, après ce qui s’est passé ce jeudi, il va falloir se battre contre un nouveau front. Et là, si le KKE se met en travers des mouvements de lutte, s’il veut faire la police à l’intérieur du mouvement ouvrier et prolétaire, cela ne peut que compliquer les choses. Car si ce parti ne sert à rien, ne mène aucune lutte, se contente de répéter en boucle une rhétorique “nationale populaire” contre la « ploutocratie », s’il a toujours été absent des mobilisations, des occupations des places, des actions de solidarité avec les immigrés et on en passe, sa capacité de nuisance demeure assez forte, d’autant qu’il trouvera alors dans les médias du système comme dans une classe de politiciens discrédités, un relais et un soutien bienveillant et reconnaissant.

Dans la nuit, dans diverses localités du pays, des locaux du KKE (et aussi du Pasok en passant) ont reçu de la visite au cours de laquelle leurs devantures ont été décorés de nouveaux tags exprimant le rejet total de ce parti aussi inutile que nuisible.

Le gouvernement n’a plus aucune légitimité et les appels à la renverser, à quitter la zone euro, à ne rien payer se multiplient. Une bonne partie de la base du PASOK est passée à l’opposition comme en témoignent les mouvement de grève appelés par certains syndicats historiquement liés à ce parti, essentiellement chez les fonctionnaires et les salariés des entreprises publiques.

Une première vague de 400 000 factures de la DEI (l’EDF grecque) visant à récolter la taxe immobilière exceptionnelle vient d’être envoyée, avec quelques jours de retard à cause de l’occupation des services informatiques de la compagnie d’électricité par ses propres salariés. Les collectifs “Je ne paie pas” ont étendu leurs actions à la désobéissance fiscale, par tous les moyens, avec l’objectif avoué de bloquer la récupération non seulement de cette taxe, mais aussi des autres impôts et de toutes les recettes de l’Etat afin de rendre impossible l’effectivité des mesures et de faire tomber le gouvernement.

La grève des ferries se poursuit jusqu’à dimanche. Les travailleurs de la sécurité sociale n’ont pas repris le travail. Des ministères sont toujours occupés et les fonctionnaires du ministère des Finances ont décidé de prolonger leur mouvement de grève jusqu’à mercredi prochain… La grève des éboueurs se poursuit et les premiers grévistes ont reçu leur ordre de réquisition… Vont-ils eux aussi désobéir ?

Ce vendredi matin, la confédération des fonctionnaires semble appeler à une nouvelle journée de grève la semaine prochaine.

= = = =

Photos du SO du KKE en action

http://athens.indymedia.org/front.p…

http://athens.indymedia.org/front.p…

P.-S.

Dans un communiqué, le KKE rend responsable de la mort du syndicaliste « les attaques » menées par des « anarcho fascistes », et dénonce « les encagoulés, les anarcho-autonomes, fascistes, ou quoi qu’ils s’appellent eux-mêmes » d’avoir mené une « agression barbare et meurtrière (…) contre le mouvement ouvrier et populaire ».

De son côté, le PAME n’hésite pas à mettre en cause le mouvement “Je ne paie pas” d’avoir participé aux attaques contre ses militants, ce qui fait rire tout le monde car c’est un mouvement plutôt non-violent, mais il est vrai “désobéissant”, indépendant et de base, et ça, les stals, ils n’aiment vraiment pas. En réponse, le mouvement Den Plirono a mis en ligne sur son site une vidéo qui montre, si besoin était, l’inanité des déclarations du KKE.

Vidéo du cortège de Den Plirono

Cela fait plusieurs semaines que le KKE concentre ses attaques contre ce mouvement (entre autres). En recouvrant ses affiches systématiquement, en essayant de le discréditer et avec toujours la même subtilité : ce “pseudo mouvement” qui fait le jeu du pouvoir.
Mais il est vrai que le KKE a récemment annoncé vouloir créer son propre mouvement de refus de payer, mais évidement sous son étroite direction et en essayant faisant le vide autour.

OCL, 21 octobre 2012

Vincennes, le 22 octobre 2011

Vincennes, le 22 octobre 2011

Posted on 24 octobre 2011 by juralib

Témoignage téléphonique du 22 octobre 2011 depuis le centre de rétention de Vincennes, bâtiment 2

« À l’intérieur, chaque jour, ils mangent le métal. Il y a un Égyptien qui a mangé du métal trois fois. Quant à moi, un policier m’a frappé aux jambes. Il y a trois jours, j’ai déjà appelé le Samu, j’ai appelé les pompiers. Ils sont venus là, mais la police ne les a pas laissé rentrer. Chaque jour, je souffre. Je ne marche pas à pieds, je marche à genoux. Ils m’ont frappé parce qu’il y a eu une bagarre entre des blacks. Moi je suis passé au moment de manger, le temps du réfectoire. Je suis passé au moment où la police est venue. Ils étaient en train de se bagarrer. Il m’a donné un coup de genou sur le dos, je te jure. La vie de ma mère, le matin je peux pas me lever seul. Il faut que quelqu’un m’aide pour que je me lève. Je suis parti voir le docteur, là-bas des fois il y a un docteur. C’est eux qui disent que c’est un docteur, mais je pense pas que c’est un docteur. Il me donne un antidouleur, des cachets antidouleur. Lorsque je le prends, je suis bon, je suis bien. Le matin, lorsque ça finit, je peux même pas bouger de ma place. Je te jure, même pas bouger de ma place.

Ça, c’est mon cas. Il y a plein, franchement plein de catastrophes. Des catastrophes. C’est Guantanamo. Presque. Presque, pas à 100 %. L’ASSFAM, elle est là-bas, elle voit tous ceux qu’elle veut. Par liste. Elle a la liste. Tu parles pas, c’est-à-dire tu es gentil lorsque tu dis quelque chose, tu peux rentrer. Tu es un mec qui parle, c’est-à-dire qui dit non, tu rentres jamais à l’ASSFAM. Je sais pas, franchement je pense qu’ils sont avec la police.

Moi j’ai été arrêté à Pigalle. J’habite en Suisse, je suis résident en Suisse. J’étais à Pigalle avec mes potes, nous étions dans un bar. Je suis sorti, j’ai fait pipi près d’une belle voiture. Hop, une C4 s’arrête près de nous, ils m’embarquent, ils m’ont pris. Ils m’ont dit “Tu as pissé sur la voiture, c’est pas bien, tu es Algérien t’as pas le droit d’être ici en France”. J’ai mes papiers là, ils m’ont dit qu’ils me ramènent en Suisse. Ils m’ont dit “On cherche le ticket le moins cher pour vous renvoyer en Suisse”. Ça fait maintenant 23 jours, ils ont pas trouvé le moins cher. Paris-Genève, chaque jour, 5 vols. Ils ont pas trouvé de vol. Par exemple, tu viens d’Irak, ils te trouvent en Tunisie, automatiquement ils te renvoient en Irak. Si t’as fait l’asile en Suisse, s’ils te trouvent en France, automatiquement ils vont te renvoyer en Suisse. Et la Suisse, c’est eux qui s’occupent de toi, eux qui vont te renvoyer chez toi.

Je tiens à dire d’autres choses. Que des catastrophes, dedans. Catastrophes. Surtout pour les gens qu’ont pas de connaissances ici. Moi j’ai ma femme en Suisse, elle m’envoie l’argent, j’ai quelqu’un ici qui me ramène l’argent. Mais y en a, des gens, qui vivent la merde. Manger, tout ça, c’est pas halal. L’après-midi on prend un yaourt et un morceau de pain. À midi, rien. Parce que c’est pas halal. Ils savent ça, et ils le font exprès.

Tu sais, moi, hier… J’ai pleuré. La vie de ma mère, hier matin, devant la porte, je pleure. Tellement j’ai eu de souffrance. Tout le monde dit qu’il faut attendre le docteur. De 8h du matin, j’ai attendu jusqu’à 11h30. 11H30, je te jure, j’ai vécu la mort. Il m’a augmenté les antidouleurs. Au lieu de deux, il m’en donne quatre. Il m’a dit “Je peux rien faire pour toi, il faut sortir, il faut vous soigner dehors”. Il m’a dit “Il vous reste pas beaucoup de temps ici, tu peux te soigner en Suisse ou quand tu sors, ici”.

Moi je suis toujours près de la cabine. S’il y en a une qui sonne, je réponds. »

(« Au fond près du radiateur », tous les mardi de 19h à 20h30, sur Fréquence Paris Plurielle, 106.3 FM, sur Paris et la proche banlieue.)