Que voulons-nous vraiment ?

Que voulons-nous vraiment ?

Voulons-nous vraiment plus d’emplois salariés et des meilleurs salaires, ou voulons-nous pouvoir satisfaire nos besoins réels ? La réponse est dans la question, car de fait tout s’oppose, dans le monde du salariat et de l’argent, à ce que nous puissions satisfaire nos besoins réels.

Des emplois pour nous permettre à toutes et à tous de vivre décemment ? Les employeurs, privés ou étatiques, ne s’approprient pas notre force de travail pour nous permettre de vivre décemment. Ils ne nous emploient que pour extraire sur ce que nous produisons une plus-value, bref, que pour nous exploiter et ainsi accroître leur domination sur le champ social. Si nous sommes « employé-e-s », c’est toujours contre nous-mêmes. Ce que nous vendons comme force et temps de travail, ce que nous obtenons en échange comme salaire, c’est la soumission, de nos corps, de nos émotions, de nos intelligences. Le temps du travail, mais aussi le temps du loisir, qui est celui de la consommation, de la publicité et du bourrage de crâne, car pour devenir du profit, la marchandise doit s’écouler sans accroc parmi l’humanité devenue « le marché ».

Le résultat de l’emploi, cet esclavage qui nous est présenté comme une récompense qu’il faudrait mériter, c’est toujours plus d’exploitation et plus de domination. Le résultat du salariat, c’est l’opulence jalouse pour les uns, et la survie, la misère, l’abrutissement et la mort pour les autres.

Des emplois pour nous « intégrer » et nous « insérer » dans la société » ? Mais quelle société ? Celle en tailleurs, en cravates, en blouses et en bleus de travail, celle de petits chefs d’atelier et de bureau à subir au quotidien, de mise en compétition angoissante dans l’une de ces « sociétés » quelconques, où partout la même résignation, la même humiliation, le même ennui, la même flagornerie et le même mensonge aux autres et à nous-mêmes tient lieu de sociabilité ? S’intégrer à cela, n’est-ce pas plutôt nous désintégrer ?

Des emplois pour nous permettre de nous sentir utiles à la société ? Mais de quelle utilité parle-t-on ? Quel emploi salarié agricole, industriel ou tertiaire d’aujourd’hui a encore réellement pour but de satisfaire nos besoins réels ? Quel emploi ne vise pas à accroître l’emprise sociale d’une caste de privilégiés sur nous ? Quel produit industriel ne nous empoisonne pas ? Que rémunère l’argent d’ailleurs, si ce n’est une tâche que nous refuserions de faire si nous n’étions pas payés ? Le salariat n’est qu’un mode de domination sociale, l’argent ne paye que la résignation. L’essence du capitalisme est un anéantissement de toute vie sociale, qui se manifeste aussi par la destruction accélérée de toute vie sur la planète.

Or, l’histoire de l’humanité recèle un grand secret : nous n’avons pas besoin d’argent. L’humanité a très longtemps vécu et échangé sans recourir à l’argent, elle s’est organisée de façon très complexe bien avant son invention, et a continué de vivre bien après, de longs siècles durant, sans le truchement de l’argent. Rappelons que l’argent a été inventé par les premiers Etats antiques pour payer leurs mercenaires, frapper les populations conquises de lourds tributs (ou de dettes, elles-mêmes intimement liées à l’émergence de l’esclavage), prélever des impôts sur les productions et les échanges. Bien loin d’être un instrument de facilitation des rapports sociaux, l’argent a dès l’origine parasité les activités et les échanges entre les êtres humains, pour les détourner au profit des brutes au pouvoir qui frappaient la monnaie de leur image mégalomane.

Est-ce l’argent qui motive nos activités individuelles et sociales, est-ce lui qui nous fait vivre ? Mangeons-nous l’argent, respirons-nous l’argent, enlaçons-nous l’argent ? Bien sûr que non. Nous faisons toute une foule de choses que nous jugeons agréables et épanouissantes, aussi bien pour nous que pour d’autres, sans être payé-e-s pour autant. Certes, nous travaillons parce que nous sommes mis-es en situation où nous n’avons pas le choix : le système capitaliste étant ce qu’il est, nous devons obtenir de l’argent pour obtenir le droit de ne pas crever de faim. Mais sur le lieu de travail, une fois que nous sommes au boulot, le patron n’exploite pas tant ce chantage odieux que notre aspiration à bien faire malgré tout, à être solidaire des collègues de l’équipe. Même étouffé-e-s, nous continuons à essayer de vivre, tout simplement.

Lorsque les moyens de production (terres, ateliers, savoir-faire autonomes…) ne nous étaient pas encore tous arrachés par la force armée du capital et de l’Etat, qui les ont depuis monopolisés, nous ne pensions pas nos activités de vie de façon séparée, en termes d’argent, de temps de travail ou de loisirs. Nous cultivions ensemble la terre, cueillions de nombreuses plantes dites aujourd’hui sauvages, et cuisinions des repas à partager tout en échangeant des recettes. Nous fabriquions ensemble nos vêtements pour nous vêtir et nous plaire. Nous allions en forêt ramasser du bois pour nous chauffer et bâtir nos lieux de vie, cueillir des herbes ou des racines pour nous soigner. Nous nous retrouvions pour discuter, résoudre nos conflits, chanter, danser, faire la fête et l’amour. Nous savions aussi nous défendre quand il le fallait.

Par la violence armée des soldats, des mercenariats et des polices, la torture et le viol, la prison, l’élimination physique, nous avons été dépossédé-e-s de tous les moyens et de tous les espaces qui nous permettaient de vivre par nous-mêmes, de nous rencontrer et d’échanger par nous-mêmes, de nous organiser par nous-mêmes. Par les clergés, puis par la justice, les écoles et la politique, la publicité et le star-system, dont les images et les paroles sont vomies par une masse de médias, nous avons été dépossédé-e-s de la possibilité même de penser ensemble. Nos savoirs et nos mots ont été détruits, ou accaparés. L’histoire de l’Etat et du Capital se confondent avec celle de notre dépossession totale.

Une dépossession telle que nous avons perdu jusqu’à la mémoire de cette dépossession, allant jusqu’à souhaiter plus « démocratique » cette forme la plus aboutie du totalitarisme. Savons-nous que les syndicalistes affirmaient encore, il y a un siècle de cela, la nécessité de la destruction de l’Etat et du capital et luttaient pour la réappropriation sociale des moyens de production, employant la grève solidaire, le sabotage et les caisses d’entraide ? Nous souvenons-nous encore de l’évidence historique que tous les droits conquis ne l’ont été que dans une opposition ferme et résolue aux autorités, qui les concédaient pour ne pas tout perdre ? Nous souvenons-nous de toutes celles et de tous ceux qui ont combattu pour leur liberté, pour notre liberté, et ont été assassiné-e-s ?

Voilà que pour toute réponse à la violence insupportable qui régit nos vies, nous implorons désormais le Capital de ne pas nous retirer trop d’argent, et supplions l’Etat de faire respecter nos droits. Nous protestons contre telle ou telle nouvelle loi durcissant notre esclavage en défilant bien sagement lors de quelques défilés rituels pathétiques, et nous indignons qu’ils nous balladent. Comment nous débarrasser de nos maîtres si nous les prions de le rester, si nous sollicitons auprès d’eux des miettes, parlons le même langage puant qu’eux, louant la croissance, la compétitivité et l’emploi ?

Nous ? Mais quel nous ? Nous sommes tou-te-s désormais atomisé-e-s. Quand nous croyons nous exprimer politiquement, c’est dans un isoloir. Quand nous croyons nous parler, c’est devant un écran de téléphone ou d’ordinateur. Et quand « le peuple » s’exprime, c’est par un « représentant » que personne ne connaît vraiment, mais qui c’est promis, va changer les choses. Même quand nous nous rencontrons pour une action militante, c’est par l’intermédiaire de comptes twitter et facebook et pour poser devant des journalistes. Avec la sensation du travail accompli, d’avoir « conscientisé les masses », nous rentrons juste après chez nous nous décongeler une pizza et nous affaler devant un programme télévisuel qui donnera en pâture à nos rêves un ersatz indigent d’aventures que nous ne nous permettons plus de vivre.

Quel nous ? Celui des « masses » atomisées ? Le nous n’existe que lorsqu’il se vit réellement et s’affirme comme force. Nous ne nous sommes réellement ensemble que lorsque nous sommes déterminés à foutre en l’air cette société de merde qui nous opprime et nous empêche de vivre heureux ensemble.

Et nous, nous en avons juste ras-le-bol des pseudo-scandales Cahuzac et des taxes sur les transactions financières, des accords de flexisécurité et de la régulation des « paradis » fiscaux, de la « moralisation » de la finance ou de « la vie politique » et des défilés sans lendemain. Nous ne sommes pas des pigeons qui nous satisfaisons de miettes de pain rassis.

Nous sommes en colère d’être dépossédé-e-s, en colère d’être des esclaves, en colère de subir les pressions du patron et de l’administration, la surveillance et de la répression policières, en colère de devoir nous vendre misérablement et de devoir acheter le produit de la misère des autres. En colère de nous sentir si seul-e-s face à toute cette merde.

A la poubelle, les programmes tout faits, le spectacle de la contestation, les menaces bidons au mégaphone du style « ou sinon ça va péter ». Vu que les lendemains déchantent, occupons-nous de nous-mêmes dès aujourd’hui. Ici et maintenant, et demain aussi. Dans tous nos actes de la vie quotidienne. Partageons nos besoins, nos désirs et nos rêves, faisons tout notre possible pour les réaliser réellement et pour cela, organisons-nous. Organisons-nous aussi pour nous défendre contre la répression qui menace constamment nos velléités d’autonomie : il n’y a qu’une chose à faire payer, cher : c’est la violence permanente du mépris qu’on nous inflige.

Juanito, Pavillon Noir, 7 avril 2013

[Poitiers] Grève au Géant Casino

Mouvement de grève au Géant Casino de Poitiers

Quelque 150 salariés ont manifesté, hier matin, devant l’hypermarché Géant Casino de Poitiers.

Les salariés de l’hypermarché poitevin se sont mobilisés, hier matin, devant l’enseigne pour dénoncer leurs conditions de travail.

Dans la cadre d’un mouvement national, quelque 150 salariés de l’enseigne Géant Casino à Poitiers se sont mobilisés hier matin devant l’hypermarché afin de dénoncer leurs conditions de travail et le manque de personnel. « Nous sommes aujourd’hui 215 salariés sur le site contre 325 en 2007. Cette politique de compression de personnel, nous oblige à une polyvalence qui finalement nous fait perdre en efficacité, et empêche toute reconnaissance professionnelle. A force d’être un peu partout, nous sommes sutout nulle part » explique Chantal Payen, déléguée Syndicale Force Ouvrière (FO) et salariée depuis 41 ans dans l’enseigne. Des conditions qui alimentent également la crainte de certains salariés quant à la pérennité de leurs emplois. A l’exemple de Wilfried Boultareau, vendeur au rayon multimédia depuis novembre 2000. « Le groupe met désormais en avant une de ses filiales, le site de vente en ligne C-Discount pour ce qui concerne la vente de matériel multimédia et d’électroménager. Il devient donc impossible d’atteindre nos objectifs face à des ventes qui ne cessent de baisser en rayon. Depuis un an, nous ne touchons plus de commissions, et nous avons de vraies inquiétudes quant au maintien de nos postes. »

Des revendications qui s’étendent également aux rémunérations. « Le président de Casino ne cesse de clamer que son groupe se porte bien et fait des bénéfices, mais les salaires n’augmentent pas et depuis quelques années, il n’y a plus de primes, plus d’interessements et les participations ont nettement baissées. Faire partie d’un groupe devrait permettre à la solidarité de jouer, mais ce n’est absolument pas le cas. » Recue par la direction* de l’enseigne dans la matinée, Chantal Payen n’exclut pas d’autres actions à venir. « Nous faisons signer aux clients une pétition pour siginifier qu’eux aussi ont des motifs d’insatisfaction. La direction générale doit réagir, nous devons être entendus sinon le mouvement d’aujourd’hui ne pourrait être que le premier coup de semonce. »

* Contactée, la direction du Géant Casino de Poitiers n’a pas souhaité s’exprimer.

Delphine Léger, Nouvelle République, 6 avril 2013

[Saint-Denis – 93] Court-circuit : une AMAP libertaire

L’anarchisme, c’est aussi ça ! Initiée il y a trois ans par une poignée de camarades du groupe Poulaille de la FA, l’AMAP Court-Circuit ce sont aujourd’hui près de 250 personnes en réseau, dont la grande majorité n’étaient pas libertaires au départ. Libertaire, parce qu’il ne s’agit pas de mettre seulement en relation des producteurs et des consommateurs venant chercher un panier, mais de décider et de faire des choses ensemble, horizontalement :

« A partir de là, Court-Circuit se veut un lieu de rencontre entre une multitude d’initiatives citoyennes, qui sont autogérées par les personnes intéressées sans aucun espace de pouvoir lié à l’existence d’une structure juridique. D’ailleurs, Court-Circuit n’est pas une association ; il n’y ni président, ni trésorier, ni bureau… »

Le local de l’AMAP propose ainsi, entre autres, une bibliothèque où l’on peut emprunter des bouquins parmi 900 titres, et une DVDthèque de 250 titres ; parmi les personnes adhérant au projet, certaines s’investissent par ailleurs dans la Dionyversité (université populaire de Saint-Denis, elle aussi initiée par les camarades de la FA locale), ou le festival de cinéma Bobines rebelles. Le film qui suit (cliquer sur l’image) a été réalisé il y a un an environ. Le site :

http://www.amap-court-circuit.org/

court-circuit

http://www.amap-court-circuit.org/spip.php?article53

Pavillon Noir

Le Monde Libertaire n° 1702 (du 4 au 10 Avril 2013)

NdPN : Le Monde Libertaire n° 1702 est en kiosques ce jeudi. Vous pouvez aussi vous le procurer à prix libre en nous écrivant. Un exemplaire est laissé en consultation libre au Biblio-Café (rue de la Cathédrale à Poitiers). Trois articles d’ores et déjà en ligne sur le site du ML (voir liens ci-dessous). Bonne lecture !

Le Monde Libertaire n° 1702 (du 4 au 10 Avril 2013)

ml 1702

« L’oppresseur ne se rend pas compte du mal qu’implique l’oppression tant que l’opprimé l’accepte.» – Henry David Thoreau.

Sommaire du Monde Libertaire n° 1702

Actualité

Drôle de justice, par J.-M. Destruhaut, page 3

La droite dans l’gaz, par E. Vanhecke, page 5

La météo syndicale, par J.-P. Germain, page 6

Néo-socialisme, par J. page 7

La Chronique néphrétique de Rodkol, page 8

Des nouvelles des PSA, par S. Larios, page 9

Cochon de Maurice, par Justhom, page 10

International

L’Europe démasquée, par J. Bedeau, page 11

Nouvelles des anarchistes espagnols, page 14

Expressions

La boisson qui tue, par N. Potkine, page 15

Une Histoire de France pour les nuls, par P. Schindler, page 16

Le cinéma par M. Topé, page 17

Michel Foucault instrumentalisé, par Pavillon noir, page 18

Manuel d’anthropologie, par M. Silberstein, page 19

Mouvement

La prostitution selon Y. Guignat, page 20

La prostitution selon Solange, page 21

La vie du mouvement et la Radio, page 22

L’agenda libertaire, page 23

Illustrations

Aurelio, Jhano, Kalem, Krokaga, Nemo, Schoëvaërt

Editorial

Un président placide, désabusé, passait sans trop y croire à la télé ce 28 mars. On en a tous été relativement saturés par les médias, fidèles à eux-mêmes et bien plus encore à leurs financeurs. On ne vous infligera donc pas tous les méandres de la laborieuse démonstration du président pour n’en retenir que quelques éléments saillants. Un « oubli » de taille tout d’abord, le passage sous silence des promesses électorales concernant la « renégociation du Traité européen » pour « l’emploi et la croissance » et puis la curieuse discrétion à propos des fermetures d’usines à répétition, autant de démentis à ses imprudents engagements. Ensuite, des décisions – souvent déjà prises avant son discours – bien faites pour choquer les personnes éprises de justice sociale : 20 milliards de crédits d’impôts offerts sans contrepartie aux entreprises (qui finiront en placements boursiers comme d’hab’), apologie de l’accord de flexisécurité, l’exécrable ANI, présenté comme une avancée sociale alors qu’il va surtout permettre aux employeurs de baisser les salaires, d’augmenter le temps de travail et de réduire les délais de recours aux prud’hommes, poursuite de la casse du service public et pour finir retraites revues à la baisse et durée des cotisations à nouveau allongée (pan dans les emplois pour les jeunes et dans le pouvoir d’achat des autres !). Face à ce serrage de ceinture populaire, on a évidemment eu droit à l’irréaliste promesse « d’inverser la courbe du chômage fin 2013 » et aux titatas et saupoudrages pas chers, habituels dans ce genre de prestation, comme le gentil conte de la « boîte à outils », le « choc de simplification » pour les petits chefs d’entreprise qui savent pas lire (les gros se payent de chouettes avocats, merci) et une formation professionnelle (payante, on le craint) en deux mois au lieu de quinze. Va falloir réveiller au clairon les dirlos des agences Pôle emploi. On retiendra de ce filandreux fatras les tares récurrentes à la doxa capitaliste de la droite comme de la gauche sociale-traître : mettre tous les problèmes sur le dos de la Crise, cette crise suscitée et amplifiée par les erreurs et la voracité des financiers qu’elles soutiennent, feindre de croire au mirage – qui recule quand on avance – d’une onirique croissance définitivement irréalisable dans un climat de concurrence mondialisée et de diminution du pouvoir d’achat, se soumettre servilement aux diktats d’austérité de l’Europe des riches, bref croire dur comme fer à la main invisible du marché.

[Poitiers] LaSer contact, non mais allô quoi

Débrayage chez LaSer Contact

Le syndicat CGT de la société LaSer Contact a appelé à un débrayage spontané, ce mercredi, pour protester contre la mise à pied d’une salariée ayant refusé de gagner le poste où elle avait été mutée. La plateforme téléphonique, qui emploie actuellement 1.200 personnes (dont 800 sur la technopole du Futuroscope), souffre de la défection de plusieurs gros clients et doit se réorganiser.

Dépêche Nouvelle République, 3 avril 2013

La tension monte d’un cran chez LaSer Contact

Avec 800 salariés sur le site du Futuroscope, LaSer Contact est le plus gros employeur privé de la Vienne. – (Photo Patrick Lavaud)

La CGT appelait hier à un débrayage spontané pour protester contre la mise à pied d’une salariée, dans un contexte de forte inquiétude.

Début novembre, la nouvelle tombe comme un coup de massue sur le site LaSer Contact du Futuroscope : Orange, l’un des plus gros clients de l’entreprise, récemment rachetée (en juin) par le groupe Armatis, vient de décider de réduire la voilure. Plusieurs contrats avec des prestataires extérieurs en matière de télémarketing, d’assistance à distance… ne seront pas renouvelés.

Délocalisation

Parmi les entreprises victimes de ce retrait, figure LaSer Contact, dont un site internet spécialisé annonce même à l’époque que l’avenir est compromis. En réalité, la direction annonce aux salariés que, pour éviter un plan social, elle se propose de redéployer les effectifs au sein du site poitevin, qui emploie actuellement 1.200 personnes. Une mesure d’autant plus nécessaire que d’autres gros clients, selon le syndicat CGT de l’entreprise, ont fait défection : Bouygues Télécom a décidé de délocaliser au Portugal et Voyages SNCF.com a signé avec un concurrent de LaSer Contact. Au total, ce sont environ 150 employés qui doivent être reclassés.

Des craintes pour le label responsabilité sociale

Or, explique la CGT, les choses se passent plutôt mal : pas de concertation, pas de formation adaptée, pas de prise en considération de l’ancienneté des personnels concernés, déplore le syndicat, qui appelle à la mobilisation, le 9 avril, à l’occasion du mouvement national contre l’accord national interprofessionnel (ANI) : « Avec l’ANI, notre direction pourra très bien prendre prétexte du départ d’un client pour nous muter à l’autre bout de la France », proteste Julien Hémon, l’un des responsables de la CGT chez LaSer Contact. Le syndicat accuse la direction de jouer sur le fort contingent de Contrats à durée déterminée dont elle dispose : ceux-ci, dit-il, ne sont pas renouvelés, et remplacés par des CDI faisant l’objet d’une mutation.

Débrayage

La pression qu’on sentait monter n’a pas résisté jusqu’au 9 avril : hier, la CGT a appelé à un débrayage spontané pour protester contre la mise à pied d’une salariée ayant refusé de gagner le poste où elle avait été mutée. Face à ces événements, la direction agite, toujours selon la CGT, la menace de la perte de son label « responsabilité sociale », véritable sésame pour obtenir les marchés de grands donneurs d’ordre, sésame sans lequel l’avenir de l’entreprise serait effectivement compromis. C’est ainsi que la crainte de perdre ce label a conduit récemment, au gand désarroi de la CGT, le comité d’entreprise à accepter de retirer la plainte pour délit d’entrave qu’elle avait déposé contre le directeur après la cession de LaSer Contact à Armatis.

Invitée dès hier matin à présenter par écrit son point de vue sur ce conflit, la direction de LaSer Contact ne nous avait rien fait parvenir hier soir.

le chiffre

2.800

C’est approximativement, le nombre de salariés travaillant pour un centre d’appel sur le technopôle du Futuroscope, soit plus d’un emploi sur quatre du site, qui en compte environ 10.000. Hormis LaSer Contact, les principaux acteurs du secteur des centres d’appel, qui s’est considérablement développé ces dernières années, en dépit de quelques fermetures, sont Aquitel, Carglass, Chronopost, Groupama… Si le développement des centres d’appel à Poitiers constitue une incontestable bouffée d’oxygène pour l’emploi, la concurrence des pays émergents plus ou moins francophones est croissante.

Vincent Buche, Nouvelle République, 4 avril 2013