[Poitiers] Après Foucault, Debord ?

Les institutions, à travers le TAP organisant le festival « A corps », n’ont décidément peur de rien : voici qu’elles nous proposent de reprendre le concept de dérive de Debord, avec un spectacle nommé « Walk in the city« . Le machin consistera en une promenade à Poitiers, du 6 au 8 avril prochain… sous les instructions « d’artistes » données dans un casque ! Défense de rire…

On est aux antipodes de la proposition subversive de Debord (le critique de « La société du spectacle« , justement), de dérive comme libre réappropriation de l’espace réellement vécu :

« Ainsi, quelques plaisanteries d’un goût dit douteux, que j’ai toujours vivement appréciées dans mon entourage, comme par exemple s’introduire nuitamment dans les étages des maisons en démolition, parcourir sans arrêt Paris en auto-stop pendant une grève des transports, sous le prétexte d’aggraver la confusion en se faisant conduire n’importe où, errer dans ceux des souterrains des catacombes qui sont interdits au public, relèveraient d’un sentiment plus général qui ne serait autre que le sentiment de la dérive. » (Guy-Ernest Debord, in Les Lèvres nues n° 9, décembre 1956 et Internationale Situationniste n° 2, décembre 1958).

Après la récupération de Foucault (voir notre article ici), voici donc celle de Debord (à laquelle on assiste aussi à la BNF de Paris). Et si nous nous réappropriions le vrai discours de Debord ? Pas certain que les institutions poitevines, qui répriment depuis quelque temps le moindre « rassemblement illégal », apprécieraient nos « plaisanteries d’un goût douteux« …

Juanito, Pavillon Noir, 3 avril 2013

KIM Min-ki – Kamum (la sécheresse)

KIM Min-ki
KIM Min-ki

NdPN : KIM Min-ki est un chanteur et un militant activiste. Ses chansons ont toutes été censurées par le gouvernement sud-coréen. Il a cessé de chanter dans les années 1990 et fait aujourd’hui du théâtre.

Cette chanson célèbre et triste,  Kamum (la sécheresse), évoque les souffrances des Coréen-ne-s. Elle peut aussi évoquer la répression sous la dictature. Elle a été très chantée par les étudiant-e-s révolté-e-s, le poing levé, notamment à Gwangju lors de la répression sanglante de mai 1980.

Le 18 mai 1980 à Gwangju, le gouvernement sud-coréen réprime dans le sang la révolte étudiante contre la dictature de TCHON Du-hwan
Le 18 mai 1980 à Gwangju, le gouvernement sud-coréen réprime dans le sang la révolte étudiante contre la dictature de TCHON Du-hwan

Voici une vidéo plus récente d’étudiant-e-s reprenant la chanson censurée, avec accompagnement aux percussions traditionnelles (jing, buk, janggu, kkwaenggwari) :

http://youtu.be/Pjzy6o3cYe4

Note : la transcription qui suit, du hangeul (alphabet coréen) au français, vise à simplifier la prononciation. Le « ô » signale ici un o fermé, le « o » signale un o ouvert.

김민기 – 가 뭄

Kim Min-ki– Kamoum

Kim Min-ki- Sécheresse

COUPLET 1

갈숲 지나서 산길로 접어 들어가

kalsup minasso sankillô tchobo teuloga

après le champ de roseaux, au début du chemin de montagne

몇구비 넘으니 넓은 곳이 열리난다

myot koubi nomeuni nolbeun gôshi myollinanda

passant par les collines, il y a un grand espace

길섶에 피인 꽃 어찌 이리도 고우냐

kil sop-é piin kôt otch’i ilidô gô-ounya

quelles belles fleurs sauvages

공중에 찬 바람은 잠잘 줄은 모르난다

kô’ng tchoung-é tch’an balameun tcham tchal tchouleun moleunanda

le vent froid ne cesse d’y souffler

REFRAIN :

에헤야 얼라리야

è hè ya ollaliya

얼라리난다 에헤야

ollalinanda è hè ya

(Les deux premières lignes sont une onomatopée évoquant les percussions coréennes traditionnelles)

텅빈 지게에 갈잎물고 나는 간다

tto’ngbin tchigé-é gal ip moulgo kaneun kanda

je vais, ma hotte vide, mordant un brin d’herbe morte à ma bouche

COUPLET 2

오랜 가뭄에 논도 밭도 다 갈라지고

ôlèn kamum-é no’ndo batto da kallatchigo

la rizière et le champ se sont fendus du fait de la longue sécheresse

메마른 논두렁엔 들쥐들만 기어간다

mè maleun nô’ndoulong-én teultchoui teulman kioganda

il n’y a que des rats des champs aux bords des rizières

죽죽 대나무야 어찌 이리도 죽었냐

tchouk tchouk tènamou-ya otch’i ilidô tcchoukonnya

pourquoi es-tu mort, mort comme ça, bambou

옛집 추녀엔 이끼마저 말라 버렸네

yétch’ip tch’ounyô-én ikkimadjo malla bolyonné

même la mousse, à l’avant des toits, est desséchée

REFRAIN

COUPLET 3

이 가뭄 언제 끝나 무슨 장마 또 지려나

i kamoum ondjé kkeunna musseun tchangma ttô tchilyona

quand cette sécheresse se finira, quelle pluie s’ensuivra

해야해야 무정한 놈아 잦을 줄을 모르난다

hèya hèya mudjo’nghan nôma tchadjeul tchuleul moleunanda

le soleil, manquant de cœur, n’arrête pas de briller

걸걸 걸음아 무심한 이 내 걸음아

kol kol koleuma moushimhan-i nè koleuma

je marche, je marche, pourquoi je n’arrête pas de marcher

흥흥 흥겹다 설움에 겨워 흥겹다

houm houm houm gyopta soloum-é gyowo heung kyopta

c’est amusant, amusant, je m’amuse avec le chagrin

REFRAIN

[Poitiers] Un article dans la NR sur la soirée RESF de jeudi dernier

NdPN : l’info sur la soirée avait été publiée sur cette page de notre blog.

Des étudiants étrangers préoccupés

Une quarantaine d’étudiants étrangers avaient répondu à l’invitation à une soirée de débat et festive, proposée par l’antenne universitaire de RESF (Réseau éducation sans frontière), jeudi soir, à la Cité Descartes, sur le campus. Parmi ceux-ci, une majorité d’Africains et de Chinois. « Le premier diplôme qu’obtient un étudiant étranger en France, c’est son titre de séjour », sourit l’un d’eux. Un sourire un peu crispé car les témoignages révèlent qu’il n’est pas simple de l’obtenir. « Depuis le changement de gouvernement, il y a moins d’Obligation de quitter le territoire. L’OQTF, c’est le cas ultime. Le quotidien, c’est le renouvellement du titre de séjour. C’est plus insidieux », observe l’un des animateurs de l’antenne universitaire Réseau éducation sans frontière, créé en 2009.

Les demandes de la préfecture de la Vienne sont considérées « comme obscures, arbitraires ». Prouver que 600 € figurent chaque mois sur son compte bancaire lui serait propre. « C’est dommage de venir en France pour étudier et de se trouver confrontés à ces problèmes. Tu es anéanti, détruit, tu en gardes des séquelles. Si j’avais su que je vivrais ça, je ne serais pas venu en France », témoigne un Sénégalais qui a échappé de justesse à une expulsion. D’où cette urgence qui s’exprime dans la salle : « Il faut sortir de nos cachettes et exposer nos problèmes au grand jour. Il y a des drames sur lesquels nous fermons les yeux. Il ne faut pas adopter un rôle de victime mais prendre notre destin en main. Si on est indifférent, laxiste, la situation va empirer. Il faut agir ». La représentante de Maeva (Mission d’accueil des étudiants venus d’ailleurs) les invite « à parler dès qu’apparaît un problème, de ne pas attendre d’en être au 3e ou 4e récépissé remis par la préfecture ou de recevoir une Obligation de quitter le territoire ». Ce dispositif étudiant au service des associations les accompagne dans leurs démarches administratives. Le jeudi 4 avril aura lieu une nouvelle rencontre à la faculté de lettres avec les présences d’une avocate, de la Cimade et de RESF. « Il faut monter la valeur humaine de l’étudiant étranger », a avancé une jeune Asiatique. Des étudiants qui devraient être source d’enrichissement pour les habitants du pays d’accueil.

> RESF apporte une aide individuelle pour les démarches administratives et juridiques et mène des actions de sensibilisation, d’informations au sein des facultés. Contact : sesp@hotmail.fr

Marie-Catherine Bernard, Nouvelle République, 2 avril 2013

[86] Des particules cancérigènes dans l’eau du robinet

Des particules cancérigènes dans l’eau du robinet

Un inventaire est en cours dans la Vienne pour identifier les canalisations  en PVC fabriquées avant 1980 à l’origine de la présence de chlorure de vinyle.

Le président du Syndicat intercommunal de la Gartempe en eau potable (SIGEP) ne craint pas de faire le parallèle avec l’amiante. « Ça fait trente ans qu’on boit de l’eau du robinet qui passe dans ces tuyaux et tout à coup on découvre qu’il y a un risque », déplore Roger Tarteau.

Des particules cancérigènes de chlorure de vinyle monomère qui se détachent de certaines canalisations en PVC, fabriquées avant 1980, représentent en effet une menace pour la santé publique. Suffisamment sérieuse pour que l’Agence régionale de santé (ARS) demande à toutes les structures de distribution de l’eau du département de procéder à l’inventaire de leur réseau, avant l’automne prochain, pour identifier la présence de ces canalisations potentiellement dangereuses.

Le risque est plus élevé dans les zones rurales

Le SIGEP des communes de Lathus, Plaisance, Moulismes, Adriers et Saulgé n’a pas perdu de temps : « Sur 280 km de conduites, 110 km peuvent poser problème », précise son président. Seuls sont concernés certains tuyaux fabriqués avant 1980 : « Ceux dont les unités de production ne disposaient pas de système d’extraction de l’air », explique Jean-Claude Parnaudeau qui suit le dossier à la Direction de la santé publique en Poitou-Charentes. « C’est comme ça que le chlorure de vinyle a été identifié comme cancérigène à l’époque puisque des ouvriers de ces usines ont développé une forme très rare de cancer du foie, l’angiosarcome hépatique… » Cette maladie toucherait toujours une dizaine de personnes en France chaque année, selon l’ARS. Le risque est plus élevé en zone rurale où les canalisations en PVC ont été posées entre 1960 et 1980 que dans les villes où les réseaux plus anciens sont constitués en grande partie de conduites en fonte. « Ce risque existe surtout dans des sections longues où le débit est très faible, ajoute le spécialiste de l’Agence régionale de santé. Des concentrations anormalement élevées de chlorure de vinyle ont été constatées dans certains départements et ont conduit le ministère a procédé à un recensement au niveau national. »

Principe de précaution

Au Siveer, le principal réseau de distribution de la Vienne, les 5.600 km de conduites sont actuellement auscultés. « C’est un très gros travail, admet le directeur des territoires, Jean-François Demousseau. Après, il s’agira d’identifier les canalisations à changer le cas échéant… » Le travail pourrait là aussi être colossal. Et surtout très coûteux. « On va cibler les recherches en 2014 avant d’envisager le remplacement systématique ; la purge peut aussi représenter une solution, ajoute Jean-Claude Parnaudeau. Ce qui est terrible, c’est que l’on est incapable de faire une évaluation épidémiologique précise. Le danger est potentiel. » Si les autorités décident d’interdire ces canalisations en PVC à l’issue du recensement, ce sera donc sur la base du désormais sacro-saint principe de précaution.

Baptiste Bize, Nouvelle République, 2 avril 2013

Le gène de la baston

Le gène de la baston

- Tu te bats comme une gonzesse,

- Don’t be such a pussy [1]

- Non mais les filles c’est doux et gentil…

et tel­le­ment d’autres… il y a aussi ces injonc­tions :

- Ne sors pas seule le soir,

- T’as pris ta bombe au poivre ?

- T’es sûre que tu veux pas que je te rac­com­pa­gne ?

- Tu vas sortir habillée comme ça, c’est de la provoc’ quand même !

Alors oui je vais sortir habillée comme ça ce soir, oui je vais ren­trer seule et oui je sais me défen­dre.

Il sem­ble­rait que le fait d’avoir un ori­fice sup­plé­men­taire, des ovai­res et une paire de seins plutôt qu’une paire de couilles ren­dent les filles moins dis­po­sées à se défen­dre. Ainsi donc dès notre plus jeune âge nous appre­nons que contrai­re­ment à Samson la force se trouve dans la bite et les couilles. En tout cas c’est ce que ne ces­sent de nous répé­ter notre entou­rage proche, la famille, l’école, l’État, les grou­pes sociaux dans les­quels nous évoluons et pour par­faire ce dis­cours per­ma­nent rien de tel que la peur du viol, le meilleur moyen de coer­ci­tion contre le sexe dit faible. La société, au sens large, veut donc main­te­nir et main­tient les filles dans un sys­tème patriar­cal, qui les rend infé­rieu­res aux gar­çons, infé­rieu­res par le salaire, infé­rieu­res par le tra­vail (mais supé­rieu­res quand il s’agit du tra­vail dit ’à la maison’), infé­rieu­res vis à vis des retrai­tes, infé­rieu­res vis à vis de l’éducation (oui l’État et ses agents orien­tent sou­vent les filles vers les filiè­res dites lit­té­rai­res plutôt que scien­ti­fi­ques, oui il y a plus de gar­çons qui par­vien­dront à un master 2 voire une thèse que de filles) et sur­tout infé­rieu­res par la force phy­si­que.

Qui n’a pas entendu en pri­maire ’Ho mais elle c’est un garçon manqué’, parce qu’elle ne se lais­sait pas mar­cher sur les pieds et que jouer la prin­cesse dans la cour ne l’inté­res­sait pas. En réa­lité les filles, au même titre que les gar­çons, savent se défen­dre et se battre. Il n’y a pas dans le chro­mo­some Y un gène spé­ci­fi­que à la baston. Il y a seu­le­ment une société qui veut main­te­nir un sys­tème pyra­mi­dal de pri­vi­lè­ges et qui com­mence par celui du sexe pré­sumé. Alors pour sortir de ça, les beaux dis­cours ne suf­fi­sent pas, les livres qui nous disent que nous sommes tous et toutes égaux, les recher­ches scien­ti­fi­ques non plus, les soi­rées non mixtes où l’on s’énerve après ce sys­tème patriar­cal non plus, pour sortir de ça il y a aussi l’auto­dé­fense.

Présenté comme ça, on pour­rait penser que la pre­mière chose dans l’auto­dé­fense c’est la fight, pas néces­sai­re­ment. Notre auto­dé­fense est poly­mor­phe car nos agres­sions le sont aussi. Il y a l’auto­dé­fense ver­bale. Oui les bla­gues sexis­tes ne nous font pas rire, même si c’est un pote qui la raconte et nous fait un clin d’œil parce qu’on est la fémi­niste de ser­vice et qu’on va jouer les ’rabat joie’.’Ta blague est sexiste et non elle ne me fait pas rire’, pour­quoi conti­nuer à les subir alors qu’elles nous déva­lo­ri­sent ? Les agres­sions ver­ba­les sont mon­naie cou­rante, toutes ces phra­ses qui com­men­cent par ’vous les filles …’ , en réa­lité toutes les remar­ques qui nous limi­tent à notre seul sexe dési­gné. A toutes ces remar­ques, ces moments de condes­cen­dance, ces phra­ses pater­na­lis­tes soit disant bien­veillan­tes, nous nous devons de répon­dre. Chacune à sa façon, par l’humour, en disant ’non’, etc…

Notre auto­dé­fense est dans notre atti­tude phy­si­que. Récemment une étude a mis en évidence que la rue était ’mas­cu­line’, que nous la fuyions, l’évitions autant que pos­si­ble. Souvent en uti­li­sant cette rue, nous sommes recro­que­villées sur nous, la tête enfon­cée dans les épaules, regar­dant le sol plutôt qu’en face de nous, bref pas à l’aise. Mais la rue nous appar­tient autant qu’à l’autre moitié de l’huma­nité. Étrangement, moins on a l’air sûre de nous, plus on se fait emmer­der, plus les relous se mul­ti­plient. Le regard droit, la démar­che assu­rée (en talons ou en bas­kets) est là aussi un moyen d’auto­dé­fense, le mes­sage est clair, ’je suis dans la rue et j’ai pas envie de me faire emmer­der’.Malheureusement il arrive que cet ensem­ble de choses, nos mots, notre atti­tude, ne soient pas suf­fi­sants, il faut donc en venir aux mains (ou aux pieds). Pas besoin d’être cein­ture noire de karaté, d’avoir passé une année à se bour­rer de pro­téi­nes et pous­ser de la fonte pour savoir se défen­dre. Il existe des gestes sim­ples pour ripos­ter à l’autre (l’autre étant sou­vent un ou une par­te­naire de vie, un ou une membre de la famille, même s’il arrive que des inconnues s’en pren­nent à nous, les actes de vio­len­ces contre les femmes sont dans la majo­rité des cas liés à une per­sonne proche, amies/famil­les/patrons/ensei­gnants). Pour appren­dre un cer­tain nom­bres de ces gestes et aussi des mots et atti­tu­des que nous pou­vons adop­ter face à un com­por­te­ment intru­sif voire vio­lent il existe des stages d’auto­dé­fense fémi­niste.

Il est temps pour nous toutes de virer ce carcan patriar­cal et cela passe aussi par notre auto orga­ni­sa­tion et notre auto­dé­fense. Non nous ne sommes pas des peti­tes fleurs qui pous­sons le long du chemin et que d’aucuns peu­vent fouler au pied sans même y penser. Nous avons en nous toutes cette capa­cité d’empo­wer­ment (c’est à dire le ren­for­ce­ment de notre pou­voir d’action par la créa­tion de mou­ve­ments auto­no­mes et le tra­vail col­lec­tif de cons­cien­ti­sa­tion), il est temps pour nous d’en pren­dre cons­cience et d’agir en consé­quence.

SuperFéministe

Notes

[1]  pussy : mot désignant de façon argotique et vulgaire le sexe féminin, ici l’expression serait traduite par ’ne fais pas ta chochotte ’

Vu sur Rebellyon, 1er avril 2013