[86] Les « patrons de lycées » fournisseurs de chair à profit ?

impasse-de-l-ecoleNdPN : L’école, à quoi ça sert ? A s’émanciper ensemble de l’autorité imposée par une société définie par l’aliénation tous azimuts ? A acquérir des savoir-faire et des connaissances indépendantes d’un monde dont les seules valeurs sont le pouvoir et l’argent ? A développer une culture d’autonomie, individuelle et collective, dont le monde capitaliste du salariat est l’ennemi irréductible ?

Que nenni : à former de futur-e-s esclaves salarié-e-s, à fournir les exploiteurs en chair à profit. Rien n’a changé depuis Jules Ferry : l’objectif de l’école républicaine consiste plus que jamais à modeler les cerveaux de futur-e-s citoyen-ne-s obéissants et de futur-e-s exploité-e-s serviles.

Quand les « patrons des lycées [sic] rencontrent ceux des usines », voilà le titre explicite d’un article paru ce jour dans la Nouvelle République. Ce genre de rencontre contribue à arracher les derniers lambeaux d’hypocrisie d’une école sensée contribuer à rendre les enfants libres ! Cette petite sauterie est d’ailleurs à l’initiative de l’UIMM (le plus célèbre et puissant des syndicats du MEDEF), bien connue pour ses histoires de caisse noire en vue de casser les grèves. On notera, à la fin de l’article, la vieille dénonciation à peine voilée du fonctionnaire prof qui serait déconnecté des ouvriers… que du bonheur.

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Les patrons des lycées rencontrent ceux des usines

La Semaine de l’industrie a été l’occasion pour l’UIMM de provoquer  mercredi à Poitiers une rencontre entre proviseurs et chefs d’entreprise.

Ne caricaturons pas : le temps est loin désormais, où à l’abri des murs de leurs collèges et lycées, les enseignants ignoraient superbement ce qui se passait derrière ceux des usines voisines. Nombre de professeurs, et plus encore de chefs d’établissement ont fini par admettre que l’avenir des enfants qu’on leur confie se trouve notamment, on l’espère du moins, dans ces usines qu’ils connaissent encore si mal.

Deux mondes qui se connaissent encore très mal

Dans le cadre de la Semaine de l’industrie, l’Union des métiers de la métallurgie (UIMM), principale composante du Medef, avait convié mercredi huit proviseurs ou leurs représentants à dialoguer avec autant de patrons. La rencontre a eu lieu symboliquement, non pas dans une salle de classe, mais au sein d’une usine poitevine, TMH-Novatec, spécialisée dans l’entretien des moteurs et accessoires d’avions. L’occasion de confirmer que, désormais, un dialogue fructueux est possible entre Éducation et monde de l’entreprise. L’occasion aussi de constater qu’en dépit des discours pleins de bonne volonté affirmée, les choses évoluent à la vitesse de l’escargot.

En manque d’ouvriers qualifiés

Il y a exactement huit ans, le recteur d’académie de l’époque pouvait annoncer fièrement que c’en était désormais fini des formations ouvertes ou maintenues en fonction des pressions locales et que désormais les cursus proposés seraient adaptés aux besoins définis par les grands corps de métier. Mercredi, les chefs d’entreprise présents ont pu expliquer à leurs hôtes qu’ils peinent toujours autant à trouver les ouvriers qualifiés qu’ils recherchent (on manque par exemple de chaudronniers ou de spécialistes de la maintenance industrielle) : « Une distance s’est créée entre le monde de l’industrie et le monde de l’éducation », déplore même Jean-Yves Taboni, patron de TMH. En ce sens, organiser une rencontre entre patrons et proviseurs allait certainement dans le bon sens. Aux seconds maintenant de faire en sorte d’aiguiller vers des filières qui embauchent un nombre croissant d’élèves, et pas forcément les cancres. Plus facile à dire qu’à faire apparemment. Et à quand une rencontre du même type entre des professeurs et des ouvriers ?

Vincent Buche, Nouvelle République, 22 mars 2013

[Ingrandes – 86] Grève pour les salaires à la Fonderie Fonte

Grève pour les salaires à la Fonderie Fonte

Le piquet a été installé à l’entrée du site.

Depuis mardi, une partie des salariés de la Fonderie Fonte (Ingrandes) est en grève pour les salaires. Un mouvement de nouveau reconduit, hier.

En novembre dernier, une partie des 450 salariés de la Fonderie du Poitou Fonte à Ingrandes-sur-Vienne avaient débrayé pour protester contre les deux semaines de chômage partiel imposées par l’entreprise, qui fabrique des carters pour Renault (60 %) et Fiat (40 %), en décembre et janvier. Cette fois, ce sont les salaires qui coincent. A l’initiative de la CGT, entre 100 et 200 salariés (selon les syndicats) sont en grève depuis mardi.

«  Tout est gelé pour 2013  »

Selon le délégué CGT Tony Cleppe, la direction propose cette année « 0 % d’augmentation sur les salaires », ainsi que sur les primes. « Tout est gelé pour 2013, peste-il. C’est la première année depuis 25 ans qu’il n’y a rien ! » Une base de négociations qui ne pouvait que mettre le feu aux poudres… Mais ce n’est pas la seule raison de ce mouvement. L’objectif des salariés grévistes est aussi de faire « une piqûre préventive pour la suite ». « Tous les salariés sont au courant que, dans un avenir proche, le groupe Teksid (NDLR : groupe italien dont la FDPF est une filiale) va remettre en cause les acquis au sein de l’entreprise », explique Tony Cleppe. D’après Noël Turpeau, secrétaire CGT du CHSCT (Comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail), l’entreprise, en difficulté depuis plusieurs mois, envisagerait déjà de remettre en cause le « repos sur le temps d’emballage » dont bénéficient les ouvriers. Hier midi, après avoir fait un « tour dans l’usine », les salariés grévistes ont voté la reconduction du mouvement jusqu’à ce vendredi soir 21 h.

Le directeur général de la FDPF Franck Gaté n’était pas joignable hier.

Vidéo sur le site de la NR

Alain Grimperelle, Nouvelle République, 22 mars 2013

[Poitiers] Quand les autorités poitevines tentent de récupérer Foucault

Quand les autorités poitevines tentent de récupérer Foucault

foucault

Michel Foucault et Jean Paul Sartre manifestent devant l’entrée des usines Renault pour protester contre l’assassinat de Pierre Overney, militant maoïste assassiné par un agent de sécurité de Renault – 28/02/1972 – Crédits : Lorenzo, Josée  / INA

La semaine Foucault à Poitiers s’ouvre donc. Elle s’affiche odieusement sur les « sucettes » publicitaires et le « mobilier urbain » du propagandiste Decault. Foucault, natif de Poitiers, toujours boycotté de son vivant par les bureaucrates locaux, doit se retourner dans sa tombe de Vandeuvre-du-Poitou !

Et pour cause : cet universitaire, certes non anarchiste mais communiste et partageant une critique radicale de l’autorité, n’a cessé de produire une critique sans concession des méthodes castratrices et disciplinaires des pouvoirs patriarcal, capitaliste et étatique.

Sa critique a dénoncé, avec une pertinence redoutable, les dispositifs autoritaires au sein de cette société panoptique, dont il a souligné la similarité : la caserne, l’école autoritaire, le marché culturel et artistique, l’enfermement psychiatrique et médical, la prison – il a d’ailleurs fondé le GIP, groupe d’information sur les prisons.

L’auteur de « Surveiller et punir » a disséqué sans concession l’histoire de la diffusion d’un pouvoir biopolitique qui atomise les individus, plongeant son contrôle inquisitorial jusque dans leurs actes les plus quotidiens.

S’il est réjouissant de voir que les universitaires à l’initiative du projet considèrent que la pensée de Foucault mérite plus que jamais d’être connue, il est dans le même temps tout à fait insupportable d’assister à la muséification de fait de cet auteur, qui prônait une pensée vivante, une pensée de combat.

D’autant plus quand cette muséification est promue par des autorités locales, les mêmes qui mettent en oeuvre à Poitiers toujours plus de gentrification, d’aliénation pseudo-culturelle, de surveillance, de stigmatisation des « marginaux », de quadrillage des territoires à coups de coeur d’agglo et de grands chantiers inutiles, de répression par la police… et par la taule : le dispositif carcéral de la nouvelle taule de Vivonne résumant parfaitement tout ce que Foucault abhorrait.

Pour notre part, nous n’irons pas aux « événements » Foucault. Les conférences proposées ne sont sans doute pas dénuées d’intérêt… mais la meilleure façon selon nous de rendre « hommage » aux idées de ce philosophe, ne saurait certainement pas consister à lui tisser des lauriers dans le cadre d’un folklore vedettarial, vingt ans après sa mort, en vue de neutraliser le potentiel subversif de sa pensée ; mais à traduire et développer en actes, dans nos alternatives de vie et de luttes, la critique radicale commune d’une société autoritaire invivable.

Pavillon Noir, 21 mars 2013

[Colombiers – 86] La LGV, « on subit de A à Z »

NdPN : au-delà des discours politico-économiciens de bureaucrates, de technocrates et de journaleux vendant la LGV, juteuse pour Vinci et ruineuse pour les populations, il y a la réalité du saccage social et environnemental des espaces traversés. Pour une fois, fait assez rare pour être relevé, la Nouvelle République ne se fait pas le porte-parole béat de ce projet dévastateur.

Face à la (dure) réalité de la ligne grande vitesse

Le chantier de la LGV entre dans le dur. Et les habitants des communes traversées découvrent l’ampleur des dégâts. Exemple à Colombiers.

Sans doute personne n’imaginait à Colombiers, l’ampleur pharaonique du chantier de la LGV. Eh bien, sans vouloir faire de mauvais jeu de mots, les Colombinois ont le nez dedans.

Au 73e km de la ligne Tours-Bordeaux, le ronflement des camions et des tractopelles est devenu le quotidien des habitants. La ligne grande vitesse traversera la commune sur près de 2 km, coupant carrément en deux le coteau partagé avec Marigny-Brizay, pour dévaler dans la vallée de l’Envigne. Quoique question de dévaler, le tracé sera plutôt plat, ce qui implique de taper considérablement dans le coteau. D’où l’expression « pharaonique ».

«  Normalement, on se doit de dire que c’est pour le bien collectif  »

Michel Guillemard, premier adjoint au maire à Colombiers, qui suit de près le dossier, lui préfère le terme « monstrueux »… « La LGV a des contraintes techniques par rapport à la vitesse, explique l’élu. Localement, il atteindra 350 km/h. La ligne doit être profondément creusée dans le coteau et surélevée dans la vallée. Ça va défigurer le paysage ». Deux zones de la commune sont concernées de près. Tout d’abord « La Genetière », dans la vallée, où la route d’Ouzilly va être déviée et un pont construit au-dessus des rails. Le secteur est agricole… « L’aménagement foncier est en cours avec le conseil général pour pouvoir conserver des zones d’exploitations, indique la mairie. Par ailleurs, il a été obtenu de Lisea d’avoir deux voies transversales qui permettent de rattraper les routes et accès aux chemins agricoles qui disparaissent ».

Le coteau coupé en deux

Ensuite « La Baudrigère », juste sur le coteau, où la tranchée sera large de 150 mètres. La départementale 21 qui rejoint Marigny va être déviée pendant un an. Facile. « Certes, c’est au bout du village mais ça va gêner des habitants, souligne Michel Guillemard. Les gens qui habitent à côté subissent à cause des travaux et subiront avec la future ligne. Normalement, on se doit de dire que c’est pour le bien collectif, que c’est positif pour l’emploi. Mais une commune comme nous, on subit de A à Z, on n’y a pas d’intérêt, on verra seulement le train passer. » Pas faux.

Franck Bastard, Nouvelle République, 21 mars 2013

Marie-Louise à 50 mètres de la LGV

A 87 ans, Marie-Louise Dévigne prend avec philosophie l’arrivée de la LGV… dans son jardin ou quasiment. Sa maison, située à « La Baudrigère » à Colombiers, où elle s’est installée en 1977, n’est située qu’à 50 mètres du chantier. L’octogénaire, qui vit seule, a eu de gros soucis de santé qui la clouent depuis six ans dans un fauteuil roulant. Une aide à domicile la visite quotidiennement.

«  Jamais je ne quitterai ma maison  »

C’est depuis sa cuisine où elle passe l’essentiel de ses journées d’hiver, entourée de ses livres, de ses poèmes, de ses petits souvenirs, qu’elle devine le bruit des tractopelles. « Pour l’heure, c’est supportable mais cet été, ce sera une autre chanson ! », sourit-elle. « A l’époque, quand j’ai acheté à Colombiers, je me suis intéressée de savoir si l’autoroute ne passerait pas dans le coin. Et en 2007, on a décidé qu’on allait avoir la LGV ! », raconte-t-elle avec ce petit air moqueur dont elle ne se départ jamais. Marie-Louise dit avoir écrit à Réseau ferré de France : « Ils sont venus toute une délégation me voir dans ma maison. Dans ma lettre, j’avais écrit que j’avais choisi un coin calme à la campagne et que j’allais finir comme les vaches à regarder les trains passer. Je voulais un tunnel, ils m’ont garanti qu’il y aurait un remblai pour protéger du bruit. C’est pareil, on m’avait dit que j’aurai droit à des nouvelles fenêtres pour isoler. Mais je n’ai pas de nouvelles. Par contre, ils ont laissé le rideau d’arbres devant la fenêtre de ma chambre. » Marie-Louise Dévigne est fataliste : « Quand une âme charitable m’emmène en balade, je m’interdis de regarder le paysage. Non, jamais je ne quitterai ma maison ! »

Nouvelle République, 21 mars 2013

[Saint-Savin – 86] Victoire juridique pour les salariéEs licenciéEs d’Aubade

Saint-Savin: les anciens d’Aubade ont gagné

La chambre sociale de la cour d’appel de Poitiers vient de déclarer le licenciement de 66 salariés de la société Aubade par le groupe suisse Calida « sans cause réelle ni sérieuse » et leur accorde d’importants dommages-intérêts.

La chambre sociale de la cour d’appel de Poitiers vient d’ajouter une nouvelle ligne à la liste de condamnations étant tombées sur le groupe suisse Calida après la fermeture, fin 2009, de l’usine Aubade de Saint-Savin (Vienne). Contrairement à ce qu’avaient estimé les prud’hommes de Poitiers, les juges d’appel ont estimé que le licenciement de 101 salariés soi-disant pour raisons économiques, était sans cause réelle ni sérieuse.

66 anciens salariés, défendus par Me Giroire-Revallier, ainsi que l’Union départementale CGT, avaient déposé un recours en justice et viennent d’obtenir gain de cause. Cet arrêt survient quelques semaines après celui de la cour administrative d’appel de Bordeaux qui avait elle-même jugé illégaux les licenciements des salariés protégés d’Aubade.

Toute la question était de savoir si Calida s’était séparé d’une branche de son activité devenue non rentable ou s’il avait fermé l’usine française d’Aubade uniquement pour des questions purement financières. Autrement dit: les salariés ont-ils été victimes de « licenciements boursiers » ?

L’arrêt rendu ce mercredi matin retient cinq motifs pour condamner le groupe Calida:

  • La SAS Aubade fabriquait des boxers et des maillots de bain, donc pas uniquement des sous-vêtements féminins.
  • Le rachat d’Aubade en 2005 avait été présentée par Calida comme un « dépoussiérage » de son image vieillotte de fabricant de « pyjamas de papys » et non comme une diversification dans un tout autre secteur.
  • Calida fabrique lui-même sa propre gamme de lingerie féminine.
  • La notion de « secteur d’activité » est différente de celle de « branche d’activité »: les soutien-gorges comme les pyjamas relèvent les uns et les autres du secteur des « vêtements de dessous ».
  • Calida n’a jamais fait mystère de sa volonté de parachever la délocalisation de la fabrication d’Aubade en Tunisie, pays où les salaires sont considérablement inférieurs à ceux pratiqués en France.

La cour ne va pas jusqu’à retenir, comme le demandaient les salariés « l’attitude intentionnelle du groupe Calida à organiser artificiellement les difficultés ». Mais elle estime que les difficultés économiques alléguées par la direction du groupe, lui-même largement bénéficiaire en 2009, n’étaient pas justifiées. Les juges relèvent que la baisse d’activité d’Aubade, réelle, est essentiellement liée aux décisions stratégiques du groupe de réduire sa production.

Dernier reproche fait par la cour à Calida: l’absence d recherche sérieuse de solutions de reclassement pour les salariés ayant perdu leur emploi. Les plaignants recevront à titre de dommages-intérêts des sommes allant de 13 à 55.000 € à titre de dommages-intérêts, en fonction de leur ancienneté.

Calida dispose désormais d’un délai de dix jours pour introduire un éventuel pourvoi en cassation contre cet arrêt.

Vincent Buche, Nouvelle République, 20 mars 2013

Mise à jour – un nouvel article dans la NR ce 21 mars :

Chantal Barrat, ex-Aubade :  » Pour une fois, ça tombe de notre côté « 

Parmi les 66 ex-salariées d’Aubade, Chantal Barrat, 48 ans, de Saint-Germain (1). Voici sa réaction, hier, quelques heures après la communication du rendu de la chambre sociale de la cour d’appel : « J’ai appris qu’on avait gagné. Maintenant, j’attends de voir. On nous avait dit qu’on allait recevoir un courrier du tribunal ce matin (hier, NDLR.), on n’a finalement rien reçu. Je ne me réjouirai vraiment que quand j’aurai reçu ce courrier. Si c’est bien vrai, c’est super. Il fallait qu’ils (les entrepreneurs) soient condamnés, au moins pour le symbole. Il y avait du travail et de l’argent dans cette entreprise, ils n’avaient aucune raison valable de licencier et de délocaliser. J’aurais trouvé grave qu’on ne fasse pas payer une entreprise qui a de l’argent, à une période où, en France, tout se casse la figure. Pour une fois, ça tombe de notre côté. On s’est battues, on a montré de quoi on était capable, ça n’est que justice. » Dans quel état d’esprit étiez-vous avant le rendu ? « J’y croyais toujours, grâce à notre avocat. Il nous disait que ça n’allait pas être simple, mais que c’était possible. »

(1) Elle travaille aujourd’hui à l’ADMR comme aide à domicile.

Nouvelle République, 21 mars 2013