Un point de vue sur la guerre au Mali

NdPN : nous ne partageons pas toutes les positions développées dans cet article, mais il a le mérite de poser un certain nombre de questions pour le moins pertinentes.

Oser ne pas justifier la guerre – Intervention militaire française au Mali

Nous sommes en guerre. Vous, moi, chaque citoyen-ne français-e participe par son silence à l’approbation muette de l’offensive militaire de la France au Mali du 12-13 janvier 2013 décidée par le Président de la République Française démocratiquement élu François Hollande.

L’entrée  en guerre soudaine de la France au Mali et l’unanimité médiatique qui l’accompagne ne peuvent qu’interpeller les militant-e-s de la non-violence. N’étant pas spécialiste du contexte de cette intervention, je me contenterai de poser quelques questions à son propos, tant il est indispensable de maintenir éveillé l’esprit critique face aux fausses évidences du bellicisme.

- Raconté par les grands médias, le récit de la situation politique au Mali est simple et semble justifier la belle unanimité politique qui règne au sujet de l’intervention militaire de la France, du Front de Gauche au Front National, à quelques nuances près. Ce discours médiatique, le voici : le nord du Mali est occupé depuis le printemps 2012 par des forces islamiques armées qui imposent une charia sanguinaire aux populations. Affaiblis par un putsch au printemps, l’Etat et l’armée maliens n’ont pas les moyens de lutter seuls contre cet ennemi. C’est dès lors notre devoir en tant qu’humanistes d’intervenir pour essayer d’empêcher que cette junte islamo-terroriste s’empare de la capitale malienne, Bamako.

Qui donc oserait empêcher la cavalerie d’intervenir lorsque Fort Alamo est encerclé par les Indiens ?

- Comme lors de l’intervention militaire occidentale en Lybie, il est extrêmement difficile de faire entendre une voix discordante de l’unanimisme va-t-en guerre. Nous avons tellement été préparés  par le récit médiatique à la légitimité d’une telle intervention, que cette dernière nous semble comme l’aboutissement logique et inévitable de cette situation. Il faudrait être anti-démocrate, anti-humaniste, anti-féministe et « munichois » pour oser ne pas justifier  la guerre et ne pas l’accompagner de ses encouragements.

Quel est le rôle des médias dans la création de ce récit mettant en scène l’intervention inévitable et salvatrice des forces du bien (les occidentaux) contre les forces du mal (les islamistes) au profit de ces pauvres et braves africains incapables de se défendre ni de gérer leurs conflits par eux-mêmes ?  Faut-il rappeler le rôle fondamental que jouent les industries de l’armement dans la presse française, à travers Lagardère et Dassault ? Est-ce aller trop loin que de faire le lien entre un discours pro-guerre sous couvert de valeurs humanitaires, et le soutien à l’industrie militaire française ? Un industriel qui possèderait la majorité des médias d’un pays, ferait-il campagne dans ces médias pour critiquer et empêcher l’usage des produits qu’il fabrique ?

Pour évoquer l’attitude de protection, par nous autres Occidentaux, de ces pauvres Africains, qui semble aujourd’hui justifier l’intervention militaire française, ne peut-on employer  la notion de « paternalisme » ? Cette dernière n’est-elle pas une notion clé du colonialisme ?

La France est-elle toujours là lorsqu’il s’agit de défendre la démocratie ?  Pourquoi la France ne se donne-t-elle pas autant de moyens pour protéger les centaines de milliers de papous massacrés depuis 40 ans par le gouvernement indonésien ? Et ailleurs ?

- Est-il décent que le principal débat qui, au fond, passionne les journalistes des grands médias français, concerne l’influence de cette entrée en guerre sur l’image médiatique de Hollande ? « Hollande va-t-il cesser d’être considéré comme ‘mou’ ? » est bien plus important que « Binta va-t-elle voir sa famille mourir sous ses yeux ? ». La preuve de la capacité d’un chef d’Etat à gouverner, à être légitime, à mener un peuple, semble se réduire à sa virilité guerrière : combien de siècles en arrière somme-nous revenus ? A quel degré ce débat se place-t-il sur l’échelle du bellicisme et du virilisme patriotique ?

- Les civils maliens morts dans l’offensive de l’armée française du 12-13 janvier 2013 sont qualifiés dès le 13 au matin sur France Inter par un général, de « dommage collatéraux ». Si tel est le nom anecdotique que l’on donne au meurtre en notre nom de dizaines de civils, alors demandons tout de suite à la justice de requalifier les crimes passionnels en « pichenettes malencontreuses ».

- Les armes utilisées par les combattants islamistes et touaregs viennent largement, selon les grands médias, de Lybie. Et les armes lybiennes, d’où viennent-elles ? La France n’a pas cessé de contracter de juteux contrats d’armement avec la Lybie durant des décennies. Il se pourrait donc que nous assistions à une simple opération d’écoulement de la surproduction d’armes françaises, les armes actuelles venant donner une leçon militaire aux armes d’occasion utilisées par les combattants du nord. L’armée a toutefois le bon goût de faire s’affronter ses propres armes sur un territoire étranger.

- Personne ne trouve rien à redire au fait que, au Mali comme en Côte d’Ivoire, ce soit la France, ancienne nation colonisatrice, qui intervienne militairement. Etant donné ce passé pourtant, la France est la dernière puissance légitime pour y intervenir militairement, sans donner la persistante impression d’une continuité néocoloniale.

- Pourquoi, précisément, la France a-t-elle été si empressée, à la proue des nations mondiales, dans sa protection démocrate et désintéressée du peuple malien ? Toutes les personnes qui ont entendu parler de la Françafrique savent que notre pays joue dans cette partie du continent africain un jeu à peine voilé pour le contrôle de la situation politique de la région. Elle a substitué à son ancien empire colonial, trop voyant, un pré-carré qu’elle maîtrise à grand renfort de corruption, de soutien militaire aux dictatures et de coups d’Etat. Le Mali fait partie des territoires restés assujettis au giron français depuis les indépendances et il n’a pas plu à la puissance néocoloniale que le contrôle de cet Etat lui échappe. Mais pourquoi ?

- La France a maintenu le Mali dans une relative stabilité pour les mêmes raisons que pour le reste de sa politique françafricaine : le contrôle de ses intérêts stratégiques sur ce continent (ressources minérales et énergétiques en particulier). Or, que voit-on à quelques kilomètres de la frontière avec la zone nord du Mali, au Niger ? Les mines d’uranium d’Arlit, élément important de l’approvisionnement en uranium de la filière nucléaire française. A Arlit, les filiales d’Areva font leur loi, au mépris de la démocratie et de la santé des populations. On a donc un lieu stratégique pour le fonctionnement du complexe nucléaire civilo-militaire français, lui-même au cœur de l’Etat. Il est certainement hors de question pour la France de laisser planer une quelconque menace sur ce site stratégique pour son économie, sa puissance militaire et sa grandeur diplomatique.  L’armée française, concernée au premier plan par l’approvisionnement en uranium d’Arlit, est donc la première à intervenir. Pure coïncidence, bien sûr.

- Concernant les acteurs en présence : les Touaregs du nord du Mali ont contracté une alliance contre-nature mais opportuniste avec les islamistes radicaux. Après des décennies de lutte pour la reconnaissance de leurs revendications et de leurs droits, ils ont voulu saisir une opportunité unique de faire changer la donne politique. Il ne s’agit pas de justifier cette alliance. Mais avant d‘émettre des jugements définitifs sur ce choix stratégique, pourrait-on revenir un instant sur l’analyse de ces décennies de lutte et de négation de leurs revendications ?  Quelles étaient leurs revendications ? Etaient-elles légitimes ? Comment, par quels moyens les ont-ils exprimés ? Qui tirait les ficelles de la répression et au nom de quels intérêts ?

- Concernant les combattants islamistes armés, il ne s’agit aucunement de les justifier, mais de se poser quelques questions similaires à celles que l’on posait à l’époque du 11 septembre 2001. Pourquoi l’islamisme se développe-t-il ? A quelle colère répond-il ? N’est-il pas le triste vecteur qui s’offre aujourd’hui à l’expression d’une colère d’une partie du monde ravagée et expropriée par la mondialisation capitaliste ? Quand l’on considère qu’il y a largement de quoi nourrir le monde entier mais que les mécanismes du libre échange confisquent les richesses d ‘une majorité du monde au profit de quelques uns, quand on sait le pillage violent et sans vergogne de continents entiers au profit du bien être d’une minorité de privilégiés, comment peut-on se contenter de pourfendre ceux qui se réfugient dans la violence islamiste, sans commencer par se remettre en cause d’abord ? Sans examiner notre part de responsabilité dans cet état des lieux ? Un graffiti sur un mur de Strasbourg posé lors du sommet contre l’OTAN en 2007 affirmait : « Le capitalisme fait plus de morts en un jour que le terrorisme en une année ». Qui oserait affirmer le contraire ? Que cela ne nous empêche nullement d’être révoltés et de lutter contre le terrorisme et l’islamisme radical. Mais nous devrons être 365 plus révoltés contre l’horreur invisible du capitalisme auquel nous participons silencieusement, et 365 fois plus actifs pour la faire cesser au plus vite. Il ne s’agit donc ni de justifier ni de minimiser les horreurs accomplies au nom de l’islamisme. Mais de se poser la question des causes et des effets, des ordres de grandeur et des priorités, question sans laquelle nous ne saurions prétendre « penser ».

Ultime question : tous ces questionnements se retrouvent-ils dans les grands médias ? Et sinon, pourquoi ?

Guillaume Gamblin 13 janvier 2013

Vu sur le blog Anarchisme non-violence 2

[Poitiers] Traque aux faux mineurs : par delà la banalité du mal

Traque aux faux mineurs : par delà la banalité du mal

Dans l’article « Traque aux faux mineurs : cinq arrestations à l’hôtel » nous apprenons que « cinq des sept jeunes accueillis dans un hôtel présentaient un âge estimé entre 18 et 19 ans. Ils ont été interpellés, placés en garde à vue puis en centre de rétention en région parisienne avant leur expulsion. » Nouvelle République 17 janvier 2013.  Or nous pouvons lire dans le CODE DE L’ACTION SOCIALE ET DES FAMILLES (Partie Législative) Chapitre Ier : Service de l’aide sociale à l’enfance ; Article L221-1

(Loi nº 2002-2 du 2 janvier 2002 art. 75 I 2º, art. 82 Journal Officiel du 3 janvier 2002)

Le service de l’aide sociale à l’enfance est un service non personnalisé du département chargé des missions suivantes  :    1° Apporter un soutien matériel, éducatif et psychologique tant aux mineurs et à leur famille ou à tout détenteur de l’autorité parentale, confrontés à des difficultés risquant de mettre en danger la santé, la sécurité, la moralité de ces mineurs ou de compromettre gravement leur éducation ou leur développement physique, affectif, intellectuel et social, qu’aux mineurs émancipés et majeurs de moins de vingt et un ans confrontés à des difficultés familiales, sociales et éducatives susceptibles de compromettre gravement leur équilibre ». [souligné par nous]

Que le le procureur de la République fasse « interpeller, placer en garde à vue puis en centre de rétention en région parisienne avant leur expulsion » des jeunes gens tout juste majeurs (si tant est qu’ils le sont vraiment) uniquement parce qu’ils sont en situation irrégulière, dénote l’inhumanité de notre administration et montre la banalité du mal au sens qu’Hannah Arendt a donné à cette expression(1). Le procureur de la République, monsieur Nicolas Jacquet, peut dire qu’il ne fait qu’« appliquer la loi » et ainsi se donner un semblant de bonne conscience en faisant son « petit homme », comme le nomme la philosophe dans son livre Eichmann à J

Jérusalem, essai sur la banalité du mal. Et encore, les procureurs, l’Etat en général, ne communiquent pas, et pour cause, sur des actes pour lesquels ils risquent d’être condamnés par la cour européenne des droits de l’homme, tels que les expulsions des personnes en situation irrégulière, surtout lorsqu’ils s’agit de familles et d’enfants. Pour info, deux des interpellés sur les cinq (ou six) sont libres: pour l’un le Juge des Libertés et de la Détention a estimé que le test de l’âge osseux n’était pas probant… Nouvelle République 18 janvier 2013. Notre bon procureur peut-il vraiment encore garder sa bonne conscience après avoir essayé d’expulser un enfant ? Pour l’autre le Tribunal Administratif de Versailles a annulé son renvoi parce qu’il était… malien. Expulser un jeune, peut-être mineur, vers son pays en guerre : il fallait oser ! Ou alors n’est-ce pas plutôt de la bêtise ? Rappelons qu’Hannah Arendt a proposé son concept de « banalité du mal » pour dénoncer le fait qu’Eichmann en disant qu’il ne faisait qu’obéir aux ordres, ne pensait pas. Il n’exerçait pas son jugement critique. Ce n’est donc pas la méchanceté qui est pernicieuse et qui conduit à faire le mal mais la bêtise !

Mais que le conseil général, chargé par la loi de leur « apporter un soutien matériel, éducatif et psychologique » se concerte avec le procureur de la République pour mettre au point cette riposte policière qui pourrait conduire à leur expulsion du territoire français, a de quoi laisser songeur sur, pour être gentil, la rigueur morale de cette institution qui semble plus préoccupée par les économies qu’elle pourrait faire que par la loi, en particulier son propre Code, leCode de l’action sociale et des Familles, et par le Droit, en particulier le droit à avoir une vie décente. Car, rappelons-le, l’Aide Sociale à l’Enfance constitue une des modalités de la mise en œuvre du « droit à une vie décente » ou «droit à la protection sociale et à la sécurité matérielle », lequel constitue « un principe de valeur constitutionnelle » selon le Conseil Constitutionnel. Ainsi le tribunal administratif relève-t-il dans l’affaire Pschenychnyak c./ Dpt. des BdR, que « le droit à une vie décente constitue une liberté fondamentale dont l’aide sociale à l’enfance et l’aide à domicile sont des manifestations » (Ordo. réf. TA Marseille, 4 octobre 2002, req. N° 024716/0).

Bruno Belin se place alors irrémédiablement au delà de la banalité du mal. En effet, le « petit homme » Eichmann se défendait et cherchait à se donner bonne conscience en disant qu’il n’avait que fait son devoir par devoir, qu’il n’avait qu’obéit aux ordres et respecté les lois. Bruno Belin ne peut se prévaloir d’une telle chose puisqu’il ne respecte pas les lois. Nous sommes en présence non pas, comme dans le cas de notre bon procureur, d’un système totalitaire, mais d’un système hétéronome absurde dans lequel, l’Etat ne respecte même pas les lois qu’il a énoncées lui-même. Ce système, dans lequel le pouvoir l’emporte toujours sur la loi, c’est le capitalisme. En clair, les agents du capitalisme, étant dans une contradiction insoluble entre le droit et la force, n’ont aucun moyen de se donner bonne conscience. Même le : il n’y a pas assez d’argent, ne tient pas une seconde. Car, par exemple, l’Etat français en a trouvé très facilement pour aller faire la guerre au Mali. Tout comme il en avait trouvé aussi très facilement pour intervenir en Libye.

C’est pourquoi le Conseil Général ne s’est pas vanté qu’il s’est complu dans la délation. Les arrestations ont eu lieu jeudi 10 janvier. La Cimade l’a su samedi 12 et a prévenu la presse dès lundi 14. L’article a été publié huit jours après les arrestations. Ce n’est donc qu’après coup que le Conseil général cherche à se donner bonne conscience en désignant ces cinq « faux mineurs » à la vindicte populaire. Mais nous voyons bien que c’est pour détourner l’attention de l’essentiel en se focalisant sur des boucs émissaires. Et l’essentiel c’est que, non seulement les services de l’ASE collaborent avec la police pour expulser des jeunes majeurs qu’ils devraient protéger, mais ils refusent régulièrement de protéger des enfants « confrontés à des difficultés risquant de mettre en danger la santé, la sécurité, la moralité de ces mineurs ou de compromettre gravement leur éducation ou leur développement physique, affectif, intellectuel et social » comme le prescrivent les lois qu’ils se sont fixés eux-mêmes.

D’autres exemples ? Dans la Nouvelle République et Centre presse de lundi dernier (14 janvier)  suite à l’arrivée au gymnase de l’accueil supplémentaire du 115, de cette « famille entière qui se présente, complètement perdue. Un couple d’Arméniens ou d’Azéris, on ne sait pas trop, avec deux jeunes enfants de moins de dix ans, une dame âgée et une adolescente de 18 ans à peine » Tout le monde : mairie, préfecture, Croix rouge… s’accordait dimanche “pour reconnaître qu’il n’est pas acceptable que des enfants couchent dehors sans bien savoir quelle solution on pourrait apporter à ce drame humain”. » A la lumière de la loi nous pouvons dire que la fin de cette phrase est inexacte. Nous savons très bien qu’il y a des solutions et que la loi précise que, s’il y a des enfants, c’est de la responsabilité de l’Aide Sociale à l’Enfance.

Or, cette dernière rechigne régulièrement à se charger de ses responsabilités. Un autre exemple, cette famille de Roumains qui a contacté le DAL86 samedi 22 décembre. Une mère de famille, en France depuis deux ans et sur Poitiers depuis un an, avec sa fille de 13 ans, et une autre de ses filles de 20 ans qui a une petite fille de 9 mois et qui est là avec le père de son enfant. et enfin une de ses nièces de 18 ans enceinte de 3 mois et en France avec le père de son enfant. Ils vivaient dehors et dormaient pour les uns dans une voiture garée sur les parkings, pour les autres, nous l’avons appris plus tard, à la gare.

Vu l’urgence de la situation, – et comme nous l’avait conseillé ce même Bruno Belin qui traque avec le procureur les vrais faux mineurs étrangers, si nous trouvions des enfants à la rue -, dès lundi 24 décembre nous avons accompagné cette famille à l’ASE. Mais malheureusement c’était fermé pour les fêtes et faisait le pont. Donc le 26 décembre, nous sommes de nouveau allés à l’ASE. Et là, quelle ne fut pas notre déconvenue : selon l’ASE, la situation de cette famille et de ces enfants de 9 mois et de 13 ans n’était pas « préoccupante » puisqu’ils couchaient dans une voiture !

Il faut se rendre à l’évidence, l’ASE de la Vienne, en fait de protection de l’enfance, se préoccupe seulement de la déficience des parents et donc, afin d’éviter d’assumer ses responsabilités et se plaignant qu’elle n’a pas les moyens, cherche à se cantonner dans ce qui est nommé pudiquement le « placement » des enfants.

Ces ressortissants roumains sont suivis par une assistante sociale et donc sont connus de l’ASE. Cette jeune fille de 13 ans parlant assez bien le français, mais le l’écrivant pas et ne le lisant pas aussi bien, n’a suivi pour scolarité qu’un an en Roumanie (elle parle, lit et écrit le roumain) et que 8 mois en Italie (elle parle, lit et écrit l’italien). Ce ne sont pas les services de l’ASE mais le DAL86 qui a fait les démarches pour l’inscrire dans un collège. Et nous ne vous racontons pas les démarches qu’il faut faire pour simplement qu’elle ait une carte de bus pour aller dans son établissement…

Nous pouvons donner beaucoup d’autres exemples de mères de familles hébergées au 115 avec leurs enfants alors que les pères sont à la rue, et ce parfois durant longtemps (2 ans). Mères et enfants qui vivent dans des dortoirs qu’il doivent quitter à 9h du matin et ne peuvent y revenir avant 16 h sans y rentrer après 21 h. Quelle éducation ces parents-là, séparés comme du bétail, pourront-ils donner à leurs enfants et quel sera le « développement physique, affectif, intellectuel et social » de ces derniers ?

Tout ceci nous inspire un profond dégoût. Nous ne laisserons pas faire. Déjà que les lois sont très peu en faveur mal-logés et sans-logis, et très largement dédiées à la défense des intérêts des propriétaires, déjà que les plus riches et les plus puissants sont beaucoup mieux armés pour faire marcher la justice dans le sens de leurs intérêts, les quelques lois en faveurs des mal-logés et sans-logis et des plus précaires en général ne sont même pas appliquées par les institutions qui en sont chargées. Nous le dénonçons.

Il faut que les autorités, préfecture, Conseil général, mairie… se donnent les moyens de respecter les lois qu’elles se sont données à elles-mêmes. C’est-à-dire, au lieu d’être au service des propriétaires immobiliers, de mettre en place un véritable service d’hébergement et de logement comme la loi le stipule.

Un toit pour tous, avec ou sans papiers.

(1) http://www.lekti-ecriture.com/contrefeux/hannah-arendt-et-la-banalite-du.html

DAL 86, 20 janvier 2012

[Poitiers] Une nouvelle manif en soutien à la ZAD

Hier samedi, pendant plus d’une heure, a eu lieu une manif contre le projet d’aéroport à Notre-Dame-des-Landes, en soutien aux camarades de la ZAD (Zone à défendre) vivant sur place en projet d’autonomie, et ciblés par une répression féroce depuis plusieurs semaines sous l’égide du gouvernement PS. Cette manif avait été décidée la veille, lors d’une soirée projection-débat proposée par le comité poitevin contre le projet d’aéroport. La manif s’inscrivait dans le cadre d’un week-end (inter)national d’actions de soutien.

Le rassemblement était prévu devant le local du PS (situé rue du mouton, ça ne s’invente pas). Pas mal de pluie, mais une trentaine de personnes étaient présentes, avec pancartes et banderoles aussi hétéroclites que sympathiques. Des flics étant aussi présents devant la grille baissée du siège du parti « socialiste », les manifestant-e-s n’ont pas pu s’approcher du lieu de rendez-vous. L’un des flics, sur les ordres de sa hiérarchie « qui donne des ordres bien au chaud », est venu demander s’il y avait un responsable. N’en trouvant aucun, il a commencé à discuter avec les gens rassemblés, évoquant son ras-le-bol, sa sympathie personnelle pour le mouvement et sa position personnelle sur le projet d’aéroport. Pas mal de gens l’ont questionné sur le pourquoi de son obéissance aux ordres, et le flic n’en menait pas bien large, l’argument ultime étant (une fois de plus) qu’il « faut bien manger ». Des manifestant-e-s n’ont pas manqué de lui dire que ce que les zadistes avaient aussi comme projet était précisément de s’organiser dans la solidarité pour vivre autrement que suspendu à un salaire. Un flic consterné, suivi par ses collègues à l’air pas non plus très folichon, et des manifestant-e-s pleins de pêche, tableau saisissant de deux logiques et de deux mondes. Reste que les flics étaient armés, « avec des grenades et des lacrymos dans la bagnole », et que les manifestant-e-s n’étaient armés que de leur joie et de leurs mots.

Le cortège s’est ensuite égayé vers le centre-ville, en déployant deux banderoles sur la largeur des petites rues. Hormis les classiques « Vinci dégage, résistance et sabotage », « des tritons, pas du béton », les manifestant-e-s se sont amusé-e-s à inventer des slogans fleuris. Florilège : « des légumes, pas du bitume », « Des tomates, pas des matraques », « des légumineuses, pas des pelleteuses », « des poireaux, pas des lacrymos », « des carottes, pas des menottes », « des papillons, pas des avions », « on veut du sexe, pas des serflex » ! Bref, une bonne poilade malgré la pluie battante et les piteuses caméras des flics.

De nombreuses personnes ont pris des tracts. Du coup le cortège a tourné deux fois en centre-ville. En passant par le triste désert social de la place d’armes devant l’hôtel de ville, aussi morne et aussi morte que d’habitude avec ses passant-e-s qui passent, autre symbole des méfaits de cet autre cocktail Vinci-PS qu’est le dispositif « Coeur d’Agglo » dans la métropole pictave, on a aussi pu entendre : « on veut des ZAD, pas des places d’armes ».

Occupons la campagne, occupons la ville, occupons nos vies ! La ZAD est partout !

Pavillon Noir, 20 janvier 2013

Opération militaire au Mali : l’aveu éhonté de Hollande

Faire du Mali une vitrine commerciale du Rafale, une déclaration inouïe de François Hollande (Canard Enchaîné, ce 16 janvier 2013). 

Il y a déjà 40 ans, quand la gauche alternative française se fédérait dans la solidarité contre le camp militaire du Larzac, elle ciblait avec lucidité le cœur du coeur du capitalisme moderne anti-humaniste : le militarisme et son omnipotent secteur industriel et commercial, le secteur le plus profitable dans tous les pays « riches », avant même le pétrole et les assurances sociales privées.

Quand cette gauche alternative s’en prenait par ailleurs avec succès aux sites désignés au grand sacrifice éternel pour le nucléaire civil (Plogoff, Le Pellerin, Le Carnet…), elle n’oubliait jamais, rappelez-vous, la dimension guerrière et militaire de l’économie de l’atome en France.

Mais maintenant, en 2013, nous nous en prenons (avec raison d’ailleurs) à un aéroport nantais bêtement saccageur de patrimoine et gaspilleur de ressources vitales, révélateur impitoyable de la bassesse de la décentralisation clientéliste, mais ce n’est quand même vraiment plus le même enjeu, multiplicateur de conscience libertaire, égalitaire et pacifiste.

Il est vrai que pour domestiquer le peuple français, il a fallu placer les principaux médias français sous le contrôle des marchands d’armes, cas unique dans le monde, et le faire oublier. Admirons l’adresse de François Mitterrand pour faire perdre à sa gauche son éthique humaniste antimilitariste, au profit de leurres marketing finalement inoffensifs ou inopérants comme « Touche pas à mon pote », la « Fête de la musique », ou le baptême d’une prétendue monnaie européenne, aussitôt confisquée par les spéculateurs.

Si l’on en croit le Canard Enchaîné de cette semaine (page 2), François Hollande a visité ce 14 janvier 2013 la base militaire d’Abu Dhabi, « vitrine » de l’armement français.

Sans complexe, il aurait interpellé sur place l’un des pilotes de chasse dont les Rafale sont positionnés à Abu Dhabi : « Il se peut qu’on ait besoin de vos Rafale au Mali ». Certes, on peut comprendre qu’il faille agir pour empêcher les islamistes d’envahir Bamako, mais pourquoi François Hollande a précisé : « Il faudra leur montrer toutes les qualités du Rafale » (aux acheteurs potentiels, d’abord les Émirats) et surtout : « C’est aussi un élément très important de votre mission : montrer que les matériels français sont les plus performants… Merci pour votre double mission : à la fois opérationnelle et… commerciale !…. ».

Au moins c’est dit. Mais on s’étonnera que personne n’ait relevé cet écho du Canard Enchaîné paru avant-hier, ne serait-ce que pour le démentir.

Car cette information non démentie est profondément révélatrice, non seulement de l’addiction des socialistes français aux productions et ventes d’armes qui endeuillent des peuples entiers (qu’ils n’ont jamais tenté de reconvertir en industries humainement utiles et économiquement solvables), mais cela éclaire également la grande énigme de la géopolitique mondiale depuis un demi-siècle :

C’est enfin qu’on comprend la vraie nature analytique du capitalisme américain, dopé par les commandes publiques d’armements, ceci même sans raison pétrolière (comme lors de la guerre au Vietnam des années 1970), et l’unique explication de l’interminable souffrance du peuple palestinien sans jamais que l’Amérique n’ose imposer une paix juste à son protégé israélien : Il n’y a aucune passion nationaliste, religieuse ou ethniciste dans ce drame, mais seulement les calculs glacés des managers des industries occidentales d’armement, notamment américaines et israéliennes, qui ont un besoin vital, elles, de foyers de tension militaire et de haines inexpiables artificiellement entretenues, afin de provoquer l’insécurité et de continuer à vendre encore et encore leurs armements, fut-ce au détriment de leurs propres peuples, qu’elles méprisent.

Et maintenant qu’on sait que François Hollande raisonne pareil…

Lucky, blog Le Monde, 18 janvier 2013

 » Les mêmes propos homophobes qu’à l’époque du Pacs « 

 » Les mêmes propos homophobes qu’à l’époque du Pacs « 

Les pro-mariage pour tous manifestaient hier à Angoulême. Avec eux, David Allizard qui revient sur les dernières semaines de débat dans la rue.

David Allizard, président de l’association « En tous Genres », milite pour une loi sur le mariage pour tous et plus généralement, contre les discriminations et l’homophobie.

Avez-vous été surpris par la manifestation anti-mariage pour tous de la semaine passée et de certaines remarques qui ont pu y être tenues ?

« Pas vraiment. Ce sont les mêmes idées ou les mêmes propos homophobes qu’à l’époque du débat sur le Pacs. Ces dernières années on entendait moins ce genre de propos, mais c’était latent. Un événement comme la manifestation de la semaine dernière n’a fait que les remettre sur la scène publique. On est toujours sur une opposition essentiellement religieuse. Même si on a vu l’UMP rejoindre le FN sur ce terrain… »

Rien n’a vraiment changé depuis le Pacs ?

« Globalement, l’opinion publique a évolué sur l’homosexualité. D’ailleurs, bon nombre de Français sont favorables à ce projet de loi. Bien plus qu’à l’époque du Pacs. Et chez les opposants, plus personne ne veut être taxé d’homophobe. Il faut croire qu’on trouvait ça moins choquant hier qu’aujourd’hui… Là aussi on évolue mais ça s’arrête à l’étiquette, les propos homophobes sont toujours là. »

Quelles sont les réactions en région ?

« A Poitiers, ça se passe plutôt bien. Quand on distribue des tracts, on est bien accueillis. Ce n’est pas le cas partout. A Angoulême, nos affiches sont systématiquement arrachées et il y a quelques jours, des militants ont été pris à partie… »

Comment réagissent à ce débat les personnes homosexuelles que vous accueillez à l’association ?

« Les semaines sont rudes pour les jeunes qui se découvrent en ce moment une orientation sexuelle. Et imaginez ce que peuvent ressentir des enfants qui grandissent actuellement dans des familles homoparentales ? Cette réalité est souvent niée par les opposants, mais dans les faits, les familles homoparentales existent déjà ! Les parents et grands-parents de personnes homosexuelles souffrent aussi du regard qui peut être porté sur leur proche. On ne peut pas rester insensible quand on entend comme je l’ai entendu, son enfant se faire traiter de zoophile, de pédophile ou de polygame ! C’est aussi pour ça que nous manifestons, pour montrer qu’il n’y a pas que ça, que la France n’est pas rétrograde à ce point. »

Comment voyez-vous l’avenir ?

« A court terme, ces attaques mettent toutes ces familles en difficulté mais si le projet de loi aboutit, ça leur permettra d’avancer dans un monde plus égalitaire. Et les blessures du moment s’effaceront, comme ce fut le cas après le Pacs. »

Hier, ils étaient 1.000 à Angoulême (selon les organisateurs). Dimanche prochain, des bus seront affrétés depuis Poitiers pour se rendre à la manifestation parisienne pour le mariage pour tous.

Propos recueillis par Delphine Noyon, Nouvelle République, 20 janvier 2013