Archives de catégorie : Écrits

[Poitiers] Gratiferia réussie

NdPN : le partage à plus large échelle que le voisinage, ça vous dit ? la gratiferia d’hier à Poitiers a attiré plein de monde, et a été l’occasion de faire partager un certain nombre d’alternatives locales. L’événement démontre aussi que les craintes de rafle pour revente étaient injustifiées : la responsabilisation collective a suffi. Et si on étendait la « gratiferia » (qui n’est qu’un autre nom pour la pratique du magasin libre) à toutes les activités humaines, en fédérant les initiatives et en développant l’organisation collective ? Au risque d’employer des gros mots, cela pourrait aussi s’appeler le communisme anarchiste.

Carton plein et greniers vides à la gratiféria de Beaulieu

Ils avaient le sourire, hier après-midi, les quinze bénévoles en service civique arborant les tee-shirts orange de l’association Unis-Cité. La première gratiféria de Poitiers, organisée sur la place des Templiers de Beaulieu, a connu un beau succès, ce dimanche.

« Il y a eu quelques abus, au début de la journée, car certains n’avaient pas bien compris le principe de la manifestation, explique Camille, l’une des organisatrices. Tout ce qui nous a été amené a été donné pour bénéficier à ceux qui en ont réellement besoin Pas pour être revendu aussitôt ! »
Coordinateur d’Unis-Cité sur Poitiers, Vincent de Rocher estime, quant à lui, que ces abus constituent une infime minorité des quelque 3.000 personnes qui ont fréquenté cette première gratiféria.
Récemment revenu sur Poitiers après quelques années à Bordeaux, Maxime avait entendu parler de la gratiféria sur les réseaux sociaux : « C’est une très bonne initiative. Dans notre société de surconsommation, tout ce qui peut limiter le gâchis est une bonne idée. »
En milieu d’après-midi, sept choristes des Folyglottes (la chorale des Ateliers de la calebasse) ont également assuré l’animation musicale a cappella : « On est venu offrir un peu de bonheur aux gens. Les faire voyager à travers les chansons du monde. » La preuve que le don n’est pas seulement une affaire matérielle.

Laurent Favreuille, Nouvelle République, 16 juin 2014

[Avanton, Aslonnes…] Deux femmes meurent sous les coups de leurs compagnons

Lundi  9 juin à Avanton : un homme assassine sa compagne de trente coups de couteau. Le même jour à Aslonnes, un homme assassine sa compagne, à bout portant dans le dos, d’un tir de fusil de chasse.

En France, en 2012, une femme est morte tous les 2,5 jours sous les coups de son « compagnon ». Et un homme est mort tous les 14 jours tué par sa compagne. La comparaison de ces deux chiffres est d’autant plus évocatrice que dans 65% des cas, la meurtrière est une femme subissant les violences de son conjoint.

Derrière ces morts, en l’occurrence ces mortEs, bien souvent la jalousie, la prétention patriarcale de posséder le corps des femmes. Pour toutes ces femmes assassinées, combien d’agonies quotidiennes, de viols, de coups, de destructions psychologiques ? L’horreur banale des violences conjugales porte un nom, le patriarcat. Car au-delà de l’inégalité économique plaçant encore nombre de femmes sous la dépendance d’hommes, il s’agit aussi et avant tout, pour des millions de femmes, d’une violence sourde, diffuse, intime (et non moins politique), faite d’injonctions, de reproches, de stigmatisations, d’assignation à des rôles, de silence imposé, d’isolement. Une violence validée par l’ordre économique et politique, avec leur lot immonde de publicité sexiste, de surreprésentation masculine au sein des instances décisionnelles, de « parité » essentialisant les individus selon leur « sexe », au nom de prétendues « différences biologiques ».

Une violence hiérarchique, de contrôle des corps et des affects, qui imprègne et sous-tend le monde autoritaire dans son ensemble, toutes classes confondues. Lutter contre la domination politique et économique n’a aucun sens sans la lutte contre les conceptions, les paroles et les gestes innombrables du patriarcat, idéologie de la domination par essence, sans doute la plus ancrée dans nos quotidiens, et de ce fait invisibilisée par des siècles et des siècles de banalisation.

Et ce, jusque dans nos milieux militants, non moins concernés par la domination masculine, gangrénant les réflexes, les prises de parole, les comportements entre individus. Au passage, pourquoi n’y a-t-il quasiment jamais de mobilisation collective en réponse à ces violences ? Une femme assassiné par un homme mérite-t-elle donc moins de considération qu’un militant assassiné ?

Et parce qu’aucun dominant ne remet volontiers en cause ses confortables privilèges : autodéfense féministe !

J., Pavillon Noir, 12 juin 2014

[Le Vigeant] Essence et kérosène contre le cancer ?

NdPN : la Ferrari Testarossa consomme 15 litres aux 100 kilomètres en situation normale, 29 litres en consommation sportive. Quant aux avions Alpha Jet de la patrouille acrobatique de France, ce sont 700 à 800 kilos de kérosène qui sont consommés par heure (et PAF !). La foule, venue voir ce show « contre le cancer », a pu inhaler joyeusement les résidus cancérigènes en pagaille. La prochaine année, un stand de cigarettiers à la fête contre le cancer ?

Le Vigeant : plus de 20.000 personnes devant la Patrouille de France

Le 20e anniversaire de Sport et Collection au Vigeant, aura battu des records de fréquentation. Pour la seule journée d’aujourd’hui, les organisateurs estiment qu’entre 20.000 et 25.000 personnes sont venues admirer les 500 Ferrari contre le cancer, mais aussi le show de la Patrouille de France. Habituellement, la manifestation accueille entre 15.000 et 20.000 visiteurs en trois jours.

Dépêche Nouvelle République, 8 juin 2014

[Poitiers] Chroniques de l’horreur ordinaire : Comment se déroule réellement une expulsion ?

NdPN : il y a celles et ceux qui votent pour des « représentants » et légitiment ainsi l’autorité de l’Etat, quels que soient finalement les élus. Il y a les politiciens élus qui créent et entretiennent les peurs par des lois, pour détourner la colère contre les possédants. Il y a leurs services bureaucratiques qui entérinent l’inadmissible, installés bien au chaud dans leurs ors républicains. Il y a les préfets et leurs agents qui gèrent ces lois, signant telle ou telle expulsion du haut de leur tour d’ivoire. Il y a les chefs de police qui transmettent les ordres. Il y a les policiers de base qui appliquent. Qui est responsable ? Tout le monde, qui de sa main qui vote, qui de sa main qui signe, qui de sa main qui décroche un téléphone, qui de sa main menotte. La routine du lâche « c’est pas moi, ce sont les ordres », du renoncement à ce qui nous fait humain, concerne les moindres gestes et paroles de nos vies quotidiennes, atomisées dans la machine à obéir et dominer.

Et puis, il y a celles et ceux qui résistent, se révoltent, s’organisent.

Ni patries ni frontières !

banderoleantiraciste

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Chroniques de l’horreur ordinaire : Comment se déroule réellement une expulsion ?

Au sujet de cette famille russe arrivée le 12 novembre 2013 à Poitiers dont les enfants de 4 et 6 ans sont scolarisés aux écoles Renaudot et Damien Allard, qui sont en procédure « Dublin » donc expulsables vers la Pologne sans autre forme de procès, et que la préfecture a tenté d’expulser le 23 avril dernier, nous avons écrit [VOIR] : « Surtout que les préfectures n’ont pas les moyens de leurs ambitions. Tout est pour le mieux pour elles lorsque leurs services et leurs personnels ont affaire à des dossiers et que les personnes restent des numéros. Ils peuvent appliquer les lois les plus iniques sans état d’âme. C’est pourquoi les dossiers ne sont même pas regardés. C’est pourquoi Mamadou Camara a été le premier et le seul à être invité à venir défendre son dossier. C’est pourquoi les centres de rétention ne sont plus dans les villes d’origine des sans papiers. Mais dès que ces anonymes sont là devant eux, qu’ils ont un visage ce n’est plus pareil.

C’est à la lumière de ces remarques que nous pouvons comprendre l’expulsion ratée de mercredi dernier. Comment un peu de vomi et une femme qui tourne de l’œil peuvent-ils entamer à ce point la détermination de policiers aguerris qui en d’autres situations ne sont pas aussi frileux ? Nous faisons l’hypothèse que ça a été pour eux une aubaine. Nous supposons que les policiers se sont engagés à défendre la veuve et l’orphelin et non pas à expulser des femmes et des enfants… C’est déjà arrivé le 23 janvier 2013, des policiers de la Brigade Financière à Belfort avaient l’ordre d’interpeller une famille kosovar pour une procédure de “reconduite à la frontière”. Vu la détresse de la famille, le père menaçait de sauter par la fenêtre, les fonctionnaires ont renoncé. VOIR »

Comment donc s’est déroulée cette tentative d’expulsion ce mercredi 23 avril à Poitiers, ville « bonhomme » d’après son maire ? Les parents de la famille russe étaient assignés à résidence et devaient aller signer au commissariat. « Madame A. Arpiné [et Monsieur H. Artur] devra se présenter au commissariat de police de Poitiers, avec ses enfants, les lundi, mardi mercredi et jeudi à 08h30, afin de faire constater qu’elle respecte la mesure d’assignation à résidence. » pouvons-nous lire dans l’Arrêté du 19/03/2014 portant renouvellement d’une assignation à résidence de 45 jours.

Mercredi 23 avril à 8h30 donc, Arpiné arrive au commissariat pour émarger. Le policier lui demande : « où sont Artur et les enfants ? » Arpiné a expliqué qu’elle venait signer maintenant pendant qu’Artur était avec les enfants et il viendra signer après. Le policier la fait monter au 2ème étage et là un capitaine lui dit : « on a la décision, on doit vous envoyer en Pologne aujourd’hui ». Puis il fouille le sac à main d’Arpiné, trouve les clefs de la chambre d’hôtel et la menotte dans le dos.

Deux voitures de police vont avec Arpiné à l’hôtel. D’autres, jusqu’à six en tout, viendront après. Arrivés sur les lieux, les policiers montent tout seuls à la chambre. Ils ouvrent la porte avec les clefs. Artur et les enfants dormaient et sont réveillés en sursaut, les enfants se sont mis à pleurer et ont appelé : « papa, maman ». Le capitaine a dit à Artur : « habille-toi, habille les enfants ! ». Artur lui a aussitôt répondu : « je vais avec vous mais laissez tranquille ma femme et mes enfants ! ». Le policier a répondu : « non, les billets sont achetés ».

Les policiers ont alors fait monter Arpiné menottée dans la chambre. Ils lui ont ôté les menottes pour qu’elle habille les enfants qui pleuraient toujours, choqués. Il y avait six policiers dans la chambre plus trois civils (des personnes de la préfecture ? Des policiers ?). Artur a alors cassé une tasse en verre et menacé de s’ouvrir les veines devant sa femme et ses enfants. « Laissez ma femme et mes enfants tranquilles ici sinon je vais me suicider ! Touchez pas à ma femme, touchez pas à mes enfants ! » Leur a-t-il dit. Les policiers lui ont répondu : « on n’a pas le droit de les laisser là, on doit tous vous amener ». Artur a alors demandé son portable en disant : « je vais appeler mon avocate ». Le policier lui a répondu : « même si tu l’appelles, elle ne pourra rien pour toi ». Artur a appuyé le tesson de verre sur son bras qui a commencé à saigner. Les policiers lui ont donné son portable et il a appelé une connaissance qui pouvait traduire. Le policier a dit à cette personne qu’ils avaient de la préfecture une décision d’expulsion. Il a dit qu’ils allaient ramener la famille à Paris et que là-bas ils les libéreraient. Rajoutant « s’il veut se couper les veines, il pourra le faire là-bas ». Et il a demandé à la traductrice : « essayez de le convaincre de ne pas se couper les veines devant les enfants » et a dit à Artur : « s’il te plaît ne fait pas ça, on va juste te ramener à Paris et te libérer là-bas. »

Comme la situation lui semblait bloquée, Artur à donné le tesson aux policiers et a tendu ses mains pour être menotté. Mais les policiers ne l’ont pas fait par devant, ils l’ont fait un bras par dessus l’épaule, un bras dans le dos par le bas. Ils ont ensuite descendu Artur menottée de la sorte dans l’une des voitures, une voiture de police, Arpiné menottée dans le dos et sanglée étant avec les enfants dans une voiture banalisée avec les civils (policiers ou personnes de la préfecture). Il sont d’abord allés au commissariat de police, y sont restés une dizaine de minutes chacun dans sa voiture. Puis ils sont repartis certainement vers Paris menottés de la même façon, Artur ayant en plus les jambes enchaînées et cadenassés.

Vers le Futuroscope, Arpiné s’est sentie très mal. Artur menotté de la sorte aussi. Il avait beaucoup de mal à respirer. Les enfants pleuraient encore. Arpiné a commencé à avoir des hauts-le-cœur . Les policiers se sont arrêtés et Arpiné est descendue de la voiture toujours menottée. Les policiers lui ont libéré une main et Arpiné a pu vomir. Elle était très blanche et très faible. Elle n’arrivait pas à réagir. Les policiers ont appelé une ambulance et ont démenotté Arpiné. Artur toujours menotté un bras par dessus l’épaule, un bras dans le dos par le bas leur a dit : « moi aussi je ne suis pas bien. Je veux aller dans l’ambulance ». Ce à quoi les policiers ont répondu : « non toi tu vas bien ».

Quand Sargis 6 ans, a vu sa mère dans l’ambulance, il a eu peur, a pleuré et a appelé : « papa, papa ». Les policiers ont donc mis Artur avec les enfants dans la voiture banalisée. Ils l’ont démenotté et attaché au montant de la voiture près de la ceinture de sécurité, Sarguis sur ses genoux qu’il serrait avec son autre bras. Mariam, 4 ans, entre son père et un policier était choquée et ne comprenait pas ce qu’il se passait. Elle voulait venir sur les genoux de son père avec son frère mais n’avait pas de place.

Arrivés à l’hôpital, une perfusion a été mise à Arpiné. On a pris la tension à Artur et on a dit qu’il n’avait rien. Il disait « ça suffit, lâchez-moi maintenant ! » Il était dans une autre chambre au début. Les policiers l’ont ramené dans la chambre avec Arpiné et les enfants et l’ont menotté les bras en croix aux deux montants du lit en fer, à la tête et aux pieds.

Artur et Arpiné ont su par un appel téléphonique que la directrice de l’école, des parents d’élèves, des militants de DNSI, la presse locale et l’avocate étaient là devant les urgences du CHU. Personne, pas même l’avocate, n’a pu les rencontrer. Les policiers et quelqu’un qui semblait être le directeur de l’hôpital ont dit au personnel médical que personne ne devait rentrer, transformant la chambre d’hôpital en cellule de rétention.

Plus tard, les policiers ont amené un interprète. Il a dit : « Artur, ils vous amènent à Bordeaux et la préfecture donne son accord pour qu’Arpiné retourne avec les enfants à l’hôtel ». Artur, menotté cette fois par devant a été mis dans une voiture avec trois policiers et conduit directement à Bordeaux. Arpiné est retourné à l’hôtel avec les enfants.

Comment peut-on traiter de la sorte des êtres humains, particulièrement des femmes et des enfants ? Comment peut-on les traiter pire que des bêtes ? Comment peut-on les humilier de la sorte devant leurs enfants ? Les mots nous manquent pour qualifier ce qui s’est passé à côté de chez nous à Poitiers ce 23 avril 2014 ! Plus jamais ça !

DAL86dal86@free.fr – 06 52 93 54 44 / 05 49 88 94 56
Permanences : tous les samedis matin de 11h à 12h Maison de la Solidarité 22 rue du Pigeon Blanc Poitiers

Vu sur le site du DAL 86, 5 juin 2014

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Un rassemblement pour les sans-papiers

Comme chaque premier mercredi du mois, le collectif poitevin DNSI (« D’ailleurs Nous Sommes d’Ici ») appelait hier soir à un rassemblement en faveur des migrants et des sans-papiers. En fin d’après-midi, une bonne cinquantaine de personnes s’était rassemblée devant le palais de justice pour faire le point des différentes situations. « Il n’y a pas d’évolution positive, c’est toujours la même précarité pour les familles et les personnes isolées ne sont pas accueillies au 115, souvent par manque de place. De plus, la préfecture exerce une pression accrue auprès des familles assignées à résidence », constatait l’un des porte-parole du collectif, Yvon Plaçais.
Les représentants de différentes organisations politiques de gauche, des militants associatifs et des particuliers présents à ce rassemblement déploraient par ailleurs un contexte politique général « qui stigmatise de plus en plus les migrants, désignés comme indésirables. »

J.-M. G., Nouvelle République, 5 juin 2014

De quoi la fusion régionale est-elle le nom ?

Le gouvernement l’avait prévu, les aménageurs de territoires et de vies le souhaitaient : la France va donc réduire son nombre de régions administratives, de 22 à 14. Volonté de métropolisation des espaces, avec des centres (des « pôles ») politiques et économiques subordonnant tous les territoires à la logique du contrôle social, de la technocratie, de la marchandise, de la mise en concurrence.

Au vu des prises de position changeantes d’élus et de ministres, des annonces contradictoires et des démentis divers, le moins qu’on puisse dire est que cette question des fusions de régions, dans le cadre de la réforme territoriale, a été agitée par des enjeux économiques et politicards importants. Certains élus voire ministres se sont plaints d’être ignorés quand d’autres paraissaient plus entendus, et mieux au courant.

Dernière péripétie en date autour des Pays de la Loire, disputés par des barons locaux et annoncés comme fusionnés avec le Poitou-Charentes ou avec la Bretagne, pour finalement se retrouver en statu quo. Il n’y aura finalement pas de « réunification » de la Bretagne : le projet délirant de métropole Nantes-Saint-Nazaire (comprenant celui d’un nouvel aéroport à NDDL) est passé par là, avec son VRP Auxiette en tête.

Mais s’il y a bien un point commun entre tous ces bureaucrates et leurs petits calculs mégalomaniaques, c’est qu’il est hors de question de consulter les millions de personnes habitant les territoires concernés. Et puis quoi encore ? Voici leur conception de la « démocratie participative », magnifiquement présentée par Jean-François Macaire, nouveau président de la région Poitou-Charentes (extrait d’un article de la Nouvelle République du 3 juin 2014) :

Hier après-midi, avant l’annonce sur les réseaux sociaux d’un possible mariage avec les Pays de la Loire, Ségolène Royal tendait la main à son voisin qui, semble-t-il, avait prioritairement préféré le rattachement à la Bretagne. Sauf que les Bretons n’en voulaient pas. « Tout est parti de là », croit savoir Jean-François Macaire, président du conseil régional de Poitou-Charentes. Un président, sur la même ligne que Ségolène Royal, qui refuse très clairement « un référendum local ». « Ce n’est pas la décision adaptée à la situation : quand les élus posent la question, ils doivent être en mesure d’avoir la réponse. En matière de démocratie participative, on décide sur le champ de compétence sur lequel on est décideur. » Pour le successeur de Ségolène Royal, « le gouvernement et le parlement auront le dernier mot. »

Et le même président Macaire de conclure d’un superbe : c’est « la géographie qui commande ». La géographie ne sert-elle pas, d’abord, « à faire la guerre », selon le mot provocateur de Yves Lacoste ? Le géographe avait déjà compris l’enjeu stratégique de cette science, éminemment militaire mais aussi économique, avec le poids des multinationales dans la polarisation des espaces.

"Vous habitez là"
« Vous habitez là »

La région Poitou-Charentes fusionnerait donc administrativement avec les régions Centre et Limousin, selon le souhait du président de la République François Hollande. L’enjeu économique et stratégique ? Le député-maire Claeys, grand partenaire de l’entreprise Vinci à Poitiers et en région, nous donne quelques clés fort instructives dans cet autre article de la Nouvelle République : où l’on voit ressortir le projet de nouvelle ligne à grande vitesse entre Poitiers-Limoges, le tout assorti de considérations essentiellement économicistes. Fi des espaces trop grand, le PIB avant tout !

« l’État stratège doit ici montrer le chemin » […] « Ma préférence va pour une fusion d’une région Centre – Limousin – Poitou-Charentes » […]. La cohérence ferroviaire renforcée par le projet LGV Poitiers-Limoges associé à la LGV SEA en service 2017, pourrait, selon l’élu socialiste, « permettre de créer un tripôle Tours-Poitiers-Limoges » distant d’une trentaine de minutes entre chacune de ces villes, reliant ensuite Paris et Bordeaux en moins d’une heure.
Le nouvel ensemble, situé sur l’axe Amsterdam-Paris-Madrid, serait au cœur des flux entre l’Europe du Nord et du Sud. Ces 5 autoroutes (A10, A11, A 28, A 71, A 85) et ces 10 aéroports et son seul port en eaux profondes de la façade atlantique (La Rochelle) sont des arguments incontournables pour cette option. De surcroît cette trajectoire assiérait, selon l’élu, une coopération, déjà en marche, dans les domaines universitaires et médicaux.
Ce n’est pas la taille des Régions qui compte pour Alain Claeys mais leurs poids économiques. Le PIB (Produit intérieur brut) pour ce nouvel espace dans l’option 1 est estimé à environ 130 milliards d’euros. Pour la fusion Aquitaine Poitou-Charentes, l’ordre de grandeur se situe à 135 milliards d’euros.

Derrière cette réforme de métropolisation des territoires et de dépossession démocratique, se dessinent donc toujours plus de grands chantiers absurdes, toujours plus de logique de marchandisation et de circulation des capitaux, les populations n’étant traitées que comme des données comptables secondaires, dont ces encravatés semblent éperdument se foutre. Enième illustration, s’il en fallait encore, du mépris unanime avec lequel les gouvernants nous considèrent.

Face à ces logiques autoritaires et centralisatrices, pour le plus grand profit des capitalistes et de leurs fidèles serviteurs administratifs et technocrates, une seule réponse : l’autonomie et la libre coordination des luttes.

En deux mots, le fédéralisme libertaire !

Juanito, 3 juin 2014