L’Union européenne finance plus de 190 programmes de recherche sur la sécurité et la surveillance

2013 : comment l’Europe se prépare à espionner ses citoyens

Biométrie, vidéosurveillance, drones, détection des comportements anormaux, modèles mathématiques pour identifier des suspects… L’Union européenne finance plus de 190 programmes de recherche sur la sécurité et la surveillance. Au grand bénéfice des industriels, qui recyclent les technologies militaires pour surveiller les populations. Alors qu’un nouveau programme de recherche est en cours de discussion à Bruxelles, l’Europe continuera-t-elle à céder aux lobbys industriels et à investir des milliards dans le marché de la sécurité ?

Ils portent des noms étranges : Tiramisu, Pandora, Lotus, Emphasis, Fidelity, Virtuoso… En apparence, ce sont d’inoffensifs acronymes. En réalité, ils cachent 195 projets européens de recherche dans le domaine de la sécurité et de la surveillance. Des projets relativement inquiétants pour nos libertés. Et financés par l’Europe dans le cadre de partenariats public-privé.

Exemple le plus emblématique : le projet Indect (« Système d’information intelligent soutenant l’observation, la recherche et la détection pour la sécurité des citoyens en milieu urbain »), lancé il y a quatre ans, dénoncé fin octobre par des manifestations dans toute l’Europe. Indect vise à permettre une « détection automatique » des menaces et des situations dangereuses – comme les cambriolages – ou « l’usage d’objets dangereux » – couteaux ou armes à feu. Tout est bon pour combattre « le terrorisme et d’autres activités criminelles comme le trafic d’êtres humains ou la pornographie pédophile ». Et assurer la sécurité des citoyens… Sauf qu’il s’agit aussi avec Indect de détecter « automatiquement » (sic) les comportements suspects, à partir d’images de vidéosurveillance, de données audio ou échangées sur le net. Bienvenue dans Minority Report !

Détecter les comportements « anormaux »

Concrètement, Indect est un système de surveillance, qui, à partir d’images et de sons captés dans l’espace public et d’informations glanées sur Internet, alerterait les services de police en cas de situation jugée dangereuse : des personnes immobiles dans une rue passante, un mouvement de foule, des véhicules qui roulent au ralenti, un appel louche sur un réseau social. Ces critères « d’anormalité » seront définis par les forces de sécurité… Le tout alimentera un moteur de recherche. En plus d’espionner l’espace public, Indect assurera « la surveillance automatique et en continu de ressources publiques, comme les sites web, forums de discussion, réseaux P2P ou systèmes informatiques individuels ». Mais rassurez-vous : des outils pour masquer certaines données privées, comme les visages ou les plaques d’immatriculation sur les images vidéos, sont prévus. Les informations doivent être cryptées avant leur transmission aux services autorisés. Ouf !

Parmi les instituts de recherche qui participent au projet, aux côtés de plusieurs polices et entreprises [1], celui de l’université de Wuppertal en Allemagne est spécialisé en sécurité des transports et en protection civile contre les catastrophes. L’université vante les effets positifs que pourraient avoir ces techniques pour prévenir une situation comme celle de la Love Parade de Duisbourg, en 2010, où 21 personnes sont mortes dans un mouvement de foule.

Dans le cadre d’Indect, il développe des modèles mathématiques pour évaluer, à partir d’images de vidéosurveillance, la vitesse des objets, ou « pour détecter le mouvement dans un domaine dangereux, comme les voies dans une gare », explique le porte-parole de l’université, Johannes Bunsch – le seul officiellement autorisé à parler du projet. Courir pour attraper un train, réagir avec un geste brusque, et vous voilà dans le moteur de recherche auquel se connectent les services de police. « Le système peut très bien détecter une personne nouant ses lacets dans un magasin ou prenant des photos dans un hall d’aéroport, et considérer cela comme un comportement “anormal”. En réalité, le système ne sait pas s’il s’agit d’un comportement indésirable. Il détecte simplement un comportement qui s’écarte des comportements normaux que nous lui avons appris », illustre le professeur Dariu Gavrila (cité par le site Owni) qui, au sein de l’université d’Amsterdam, travaille sur des algorithmes pour détecter les comportements agressifs.

Car le but affirmé d’Indect est bien de lutter contre la criminalité et le terrorisme, non pas d’éviter les carambolages sur les autoroutes ou les mouvements de panique tragiques. Et ce, grâce à l’Union européenne qui finance 75% du projet (15 millions d’euros au total). « Nous ne développons que des procédés techniques, se défend prudemment le porte-parole. La compétence de décider comment utiliser la technologie revient aux politiques ». C’est bien là le problème : qui contrôle ces programmes de recherche et à qui bénéficieront-ils ?

Police et entreprises dans le comité d’éthique

Pour répondre aux critiques, Indect s’est doté d’un comité d’éthique. Sa composition laisse songeur : parmi les neuf membres, on retrouve deux chefs des services de police impliqués et un industriel d’une des entreprises participantes… Son principe semble pour le moins ambigu : « La maxime « si vous n’avez rien fait de mal, alors vous n’avez rien à craindre » n’est valable que si tous les aspects de la justice criminelle fonctionnent parfaitement, dans toutes les occasions. » [2] Faut-il comprendre qu’un citoyen qui tombe par erreur dans les mailles sécuritaires d’Indect n’aura que peu de chance de s’en sortir !? « Les comités d’éthique qui accompagnent les projets comme celui d’Indect sont plutôt des alibis, estime l’eurodéputé allemand Jan Phillip Albrecht (Vert), qui a fait partie du comité d’éthique du projet Addpriv, qui vise à créer  des outils pour limiter le stockage de données jugées inutiles et rendre les systèmes de vidéosurveillance « plus compatibles » avec le droit à la vie privée des citoyens.

Indect est loin d’être le seul programme espion généreusement financé par l’UE. Arena [3] vise à créer un système mobile de surveillance, et est subventionné à hauteur de 3 millions d’euros. Subito repère les propriétaires de bagages non identifiés. Samurai signifie « surveillance des comportements suspects et anormaux à l’aide d’un réseau de caméras et de capteurs pour une meilleure connaissance des situations » [4], dans les aéroports et les espaces publics. Il s’agit d’un système de vidéosurveillance avec caméras fixes et mobiles – sur des agents de police en patrouille par exemple –, équipées de capteurs permettant de suivre une personne, de retrouver le propriétaire d’un bagage abandonné ou celui d’un véhicule garé dans un lieu public. Des essais se sont déroulés en 2009 dans l’aéroport londonien d’Heathrow. Bruxelles lui a accordé 2,5 millions d’euros.

L’enveloppe européenne pour ces dispositifs s’élève à 1,4 milliards d’euros sur cinq ans [5]. Cette future surveillance généralisée se décline dans les transports ferroviaires, les aéroports, et sur les mers, avec des projets notamment conçus pour refouler les migrants. Ce programme soulève de nombreuses questions, d’autant qu’il échappe à tout contrôle démocratique et toute objection de la société civile. « Les représentants de la société civile, les parlementaires, tout comme les organisations en charge des libertés civiles et des libertés fondamentales, dont les autorités de protection des données, ont largement été mis de côté », alerte un rapport commandé par le Parlement européen en 2010 [6]. Vive l’Europe des citoyens !

Une politique de surveillance façonnée par les industriels

Pas d’élus ni d’organisations non gouvernementales, mais une omniprésence des grandes entreprises du secteur de la sécurité et de la défense ! En particulier les Français : le groupe aéronautique franco-allemand EADS, et ses filiales Cassidian et Astrium, participent à près de 20 projets différents.  Thales France en suit 22 projets et en coordonne cinq. Sagem et Morpho, deux filiales du groupe français Safran, participent à 17 projets, qui incluent la mise au point de drones de surveillance, ou la conception de passeports et de fichiers biométriques. Chacun avec des millions d’euros de subventions. Des recherches qui assureront sans nul doute de nombreux débouchés pour ces technologies sécuritaires, en Europe et au-delà.

Pourquoi une telle présence ? « Ce sont en majorité de grandes sociétés de défense, les mêmes qui ont participé à la définition du Programme de recherche européen en matière de sécurité, qui sont les principaux bénéficiaires des fonds », pointe l’étude du Parlement européen. Plusieurs multinationales – dont, côté français EADS, Thales, ou Sagem [7] – ont étroitement participé à la définition du programme de recherche lui-même. Depuis 2003, leurs représentants et PDG conseillent la Commission européenne sur le sujet, via différents groupes de travail et comités, qui ont pour mission d’établir les priorités de la politique européenne de recherche en sécurité [8]. A se demander qui, des multinationales ou des institutions élues, définit la politique de sécurité européenne ! « Ce qui intéresse les entreprises du secteur, ce n’est pas tant de surveiller les populations que de faire de l’argent », analyse Jean-Claude Vitran, de la Ligue des droits de l’homme.

Recycler les technologies militaires

C’est que le marché européen de la sécurité vaut de l’or. Entre 26 et 36 milliards d’euros. Et 180 000 emplois, selon la Commission européenne, qui estime qu’au cours des dix dernières années, la taille du marché mondial de la sécurité « a quasiment décuplé, passant de quelque 10 milliards d’euros à environ 100 milliards d’euros en 2011. » [9] Mais Bruxelles craint pour la compétitivité des firmes européennes. La solution ? Développer « un véritable marché intérieur des technologies de la sécurité », explique Antonio Tajani, vice-président de la Commission en charge des entreprises. Un marché essentiel pour consolider la position des entreprises du secteur. Pour y parvenir, Bruxelles veut exploiter les synergies « entre la recherche en matière de sécurité (civile) et la recherche dans le domaine de la défense ». Une stratégie duale : les technologies développées à des fins militaires peuvent aussi se vendre sur le marché intérieur de la sécurité civile, pour la surveillance des migrants, des citoyens, des transports et des espaces publics.

« Les industriels de la défense sont conscients que le marché militaire peut s’appliquer à la sécurité civile. Et qu’ils peuvent en faire leurs choux gras », ajoute Jean-Claude Vitran. Les entreprises du secteur profitent des fonds de soutien à la recherche, à tous les niveaux. En plus du volet sécurité du programme de recherche européen, au moins sept pays européens ont lancé depuis des programmes nationaux, dont la France, avec le programme « Concepts, systèmes et outils pour la sécurité globale » de l’Agence nationale de la recherche. Le secteur n’est visiblement pas soumis à l’austérité.

Vers un contrôle plus grand du Parlement ?

Et ce n’est pas terminé ! Ce septième programme-cadre européen prendra fin en 2013. Mais l’industrie de la sécurité n’a pas de souci à se faire. Le budget du prochain programme, Horizon 2020, valable pour la période 2014-2020, devrait augmenter. La commission de la recherche et de l’industrie du Parlement européen a adopté le 28 novembre une première proposition [10]. Le montant global alloué à la recherche dépendra des discussions entre chefs de gouvernement des pays membres. Une chose est sûre : un volet entier sera de nouveau dédié à la sécurité civile, qui devrait recevoir 2,1% du montant global du programme-cadre. Soit 1,6 milliard d’euros. L’industrie de la sécurité dispose d’un allié au cœur du processus législatif européen. L’un des rapporteurs du texte Horizon 2020, le député conservateur allemand Christian Ehler, est président du conseil d’administration de la German european security association (GESA), une organisation lobbyiste qui regroupe des représentants de l’industrie allemande de la sécurité, de la recherche et des politiques.

« 2 % du paquet recherche, c’est beaucoup trop. Si ça n’avait tenu qu’à nous, il n’y aurait pas eu de chapitre « sécurité » dans ce programme, souligne Philippe Lamberts, eurodéputé belge (Vert), autre rapporteur du projet Horizon 2020. Le budget européen de recherche n’est pas énorme. Il faut choisir ses priorités. Il y a d’autres domaines de recherche qui sont plus brûlants pour la sécurité européenne, comme l’indépendance en énergie ou en ressources. »

Les élus verts du Parlement européen ont réussi à introduire des critères d’impact social dans le programme. Tous les appels à projets dans le domaine de la sécurité devront être soumis à une évaluation préalable de leurs conséquences, sur les droits fondamentaux par exemple. « Auparavant, le facteur principal pour choisir les projets, c’était la croissance potentielle de la branche, rappelle le député vert Jan Philipp Albrecht. Il faut des lignes directrices, liées au respect des libertés. Nous avons des restrictions éthiques similaires dans le domaine de la recherche sur les cellules souches. Il faut que soit clairement établi dans quel cadre on a le droit de chercher pour recevoir les fonds européens, et dans quelle limite. » Et surtout permettre aux citoyens de garder le contrôle sur un ensemble de projets qui peuvent remettre sérieusement en cause les libertés publiques. A moins que la « compétitivité » des grands groupes du secteur de la sécurité ne prenne, une fois de plus, le dessus.

Rachel Knaebel

Photo : CC Solo (Une) / CC L’N’Y (caméra) / CC makerbot (Lego) / CC Fotomovimiento

Notes

[1Douze instituts de recherche, dont l’école d’ingénieur INP de Grenoble – qui n’a pas répondu à notre demande d’informations –, quatre entreprises allemandes et autrichiennes et la police de Pologne et d’Irlande du Nord.

[2] Lire ici.

[3] Architecture for the Recognition of threats to mobile assets using Networks of multiple Affordable sensors, Arena.

[4] Suspicious and abnormal behaviour monitoring using a network of cameras and sensors for situation awareness enhancement

[5] Le programme cadre européen dispose d’un budget de 51 milliards d’euros attribués à la recherche pour la période 2007-2013, dont 1,4 milliards pour le volet « Sécurité ».

[6A télécharger ici.

[7] Mais aussi BAE Systems, Ericsson, Saab, Siemens…

[8] Le « Groupe de personnalités » (GoP) en 2003, puis le Comité de conseil de la recherche européenne en sécurité (European Security Research Advisory Board, Esrab) en 2005. En 2007, un troisième comité est créé pour accompagner cette fois le 7ème programme cadre de recherche – le Forum européen pour la recherche et l’innovation en sécurité (Esrif).

[9] Lire leur communiqué.

[10] Sur la base d’un premier projet de la Commission. Le texte sera voté en plénière au Parlement européen dans le courant de l’année 2013.

Bastamag, 19 décembre 2012

[Ingrandes – 86] Les salariés en colère de Coop Atlantique bloquent les marchandises

Les  » Coopés  » bloquent leur entrepôt

Sous l’effet de la colère, les salariés ont brûlé le drapeau de Super U.

Le compte-rendu de la réunion de lundi (voir notre précédente édition) a mis le feu aux poudres hier matin à la Coop Atlantique. Notamment la volonté de la direction, en cette période chargée pour l’entreprise, de transférer à partir d’aujourd’hui une partie de l’activité sur d’autres sites pendant deux semaines. En réaction, pour la deuxième fois, les salariés ont bloqué l’entrée du site dès 8 h du matin.

37 tonnes de charcuterie bloquées

La première fois, la semaine dernière, ils avaient « bloqué l’entrée de nuit avant les livraisons », rappelle Christian Triphose, porte-parole de l’intersyndicale. Cette fois, ils l’ont fait après. « Là, on a laissé entrer les marchandises (NDLR : en l’occurrence, 37 tonnes de charcuterie) et on a bloqué ensuite, explique-t-il. Donc, les marchandises ne peuvent plus ressortir. » Une manœuvre destinée à empêcher les camions de partir vers les sites de Prahecq (Deux-Sèvres) ou de Saintes (Charente-Maritime). « Ils nous ont promis du travail jusqu’en juin 2014 mais on n’est même pas en 2013 qu’ils nous en enlèvent déjà, peste le porte-parole de l’intersyndicale. Ils disent que c’est pour deux semaines mais on n’y croit pas ! » Selon lui, cette mesure aura aussi des conséquences sur l’emploi. « Il y a quarante intérimaires qui vont se retrouver au chômage ! »

Une délégation reçue à la Région aujourd’hui

Les salariés bloqueront l’entrée du site au moins jusqu’à ce matin. D’après Christian Triphose, elle devrait cependant rapidement être libérée. « Le but de l’opération n’est pas de faire grève tous les jours, mais d’interpeller les politiques », souligne-t-il. Les salariés ont en tout cas été entendus hier par la Région, qui leur a proposé un rendez-vous aujourd’hui à 16 h 30.

Invité à s’exprimer, le directeur du site Patrice Thomas s’est refusé à tout commentaire.

Vidéo sur lanouvellerepublique.fr centre-presse.fr

Alain Grimperelle, Nouvelle République, 19 décembre 2012

[Nantes] Les petites fiches de la mairie sur les SDF

Les drôles de fiches de la mairie de Nantes

Le Point.fr publie un listing informatisé qui prouve qu’en 2006 tous les SDF de la ville de Jean-Marc Ayrault ont été illégalement fichés.

Olivier consomme de l’alcool, consomme des drogues (dures et douces). Il a effectué une cure de désintoxication. Il a eu plusieurs problèmes avec la justice. Il a été condamné à 6 mois de prison ferme le 9 novembre 2005 à la suite d’une agression sur un ancien gardien d’immeuble.

Nom, prénom, date de naissance, surnom, antécédents judiciaires, toxicomanie, alcoolisme, fumant ou non du cannabis, vivant ou non en squat, problèmes psychiatriques… Le Point.fr a eu accès à un fichier illégal constitué par la mairie de Nantes sur ses SDF du temps où Jean-Marc Ayrault était maire de la ville. Il s’agit d’un document informatisé datant de 2006 et comprenant 129 noms. Les habitudes de chaque SDF sont consignées jusqu’aux moindres détails, même les plus intimes, y compris les relations homosexuelles. Le Point.fr vous propose de consulter deux de ces fiches individuelles: cliquez sur les liens pour découvrir la première et la deuxième. La rubrique « CCAS », pour centre communal d’action sociale, laisse supposer que des agents de cette structure ont enfreint le secret professionnel pour nourrir les fiches. De même, il semble que certaines informations sur les antécédents aient été puisées dans les services de police.

Ce fichage méthodique aurait été mis en place après l’arrivée à Nantes de Gilles Nicolas comme directeur de la réglementation et de la tranquillité publique. Lorsqu’il prend ses fonctions, en 2004, ce commissaire divisionnaire des RG est mis à disposition par le ministère de l’Intérieur. Proche de Jean-Marc Ayrault, le policier est repêché en 2008, à l’âge de la retraite, comme adjoint au maire chargé de la sécurité. Cette même année, il est remplacé à son poste par un autre commissaire lui aussi « prêté » par la Place Beauvau, Didier Fillion-Nicolet, alors directeur du renseignement intérieur dans le département. En 2011, un troisième commissaire, Lionel Edmond, ancien numéro deux des RG à Nantes, est à son tour détaché à la mairie. Trois anciens commissaires des RG dans une mairie, c’est unique en France ! Certaines municipalités font appel à des responsables venus de la sécurité publique pour diriger leur police ou leur service de sécurité, mais pas à des policiers venus du renseignement.

Inquiétude des opposants à Notre-Dame-des-Landes

Ce tropisme de la municipalité de Nantes pour des policiers issus du renseignement inquiète. « Qu’est-ce qui nous prouve qu’il n’y a pas eu d’autres catégories de la population nantaise fichées ? » s’interroge un fonctionnaire d’une collectivité locale qui souhaite conserver l’anonymat. Du côté des opposants à l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, un projet défendu bec et ongles par Jean-Marc Ayrault, on se pose les mêmes questions… La présence à la mairie de deux ex-RG qui ont eu à traiter, lorsqu’ils étaient en poste dans le département, l’épineux dossier de l’aéroport est dénoncée comme un mélange des genres. « Je trouve cela choquant et ça m’interroge, affirme l’agriculteur Michel Tarin, très engagé dans la lutte contre le projet. Depuis le début, tout est très bien ficelé dans cette affaire. »

Interrogés par Le Point.fr, Gilles Nicolas et Didier Fillion-Nicolet jurent, eux, qu’il n’y a « aucun conflit d’intérêts » et que les turbulences autour de Notre-Dame-des-Landes ne rentrent pas dans le cadre de leur mission actuelle. « C’est une construction intellectuelle », affirme l’adjoint au maire Gilles Nicolas. Ce n’est pas la première fois que la police municipale de Jean-Marc Ayrault défraie la chronique. Récemment, des accusations ont été portées contre certains policiers municipaux qui auraient usé de violence illégitime. Par ailleurs, en 2009, une note de service avait intimé l’ordre aux policiers municipaux de faire des contrôles préventifs des Roms.

Pourquoi, alors, avoir embauché autant d’hommes du renseignement ? « J’ai recruté des compétences avant tout sur des problématiques de sécurité », s’agace Gilles Nicolas. Quant à ce fichage des SDF ? Didier Fillion-Nicolet se défausse sur son prédécesseur : « C’était avant que j’arrive. Depuis, tout a été rectifié et on a même un correspondant de la Commission nationale de l’informatique et des libertés en mairie depuis 2010. » Gilles Nicolas met en avant, lui, le fait que cette fameuse Cnil n’a jamais rien trouvé à redire lors de ses inspections. Au contraire, elle se serait même fendue d’un satisfecit… Mais ont-ils pris connaissance de ce fameux fichier ? Contactée par Le Point.fr, la Cnil n’a pas trouvé le temps de répondre à nos questions…

Suite à la parution de cet article, la ville de Nantes « dément toute politique de fichage » dans un communiqué. Pour la municipalité, les révélations du Point concernent « des pratiques professionnelles mal contrôlées par la ville auxquelles il a été mis fin. Ce fichier non conforme a été détruit dès que la ville en a eu connaissance. »

Jean-Michel Décugis et Christophe Labbé, Le Point.fr, 18 décembre 2012

[86] « Nous, on suit la procédure. On met de la javel sur les produits périmés »

NdPN : au sujet de la récup’, pour rappel, quelques articles sur une affaire de répression qui s’est passée il y a un an, ici, et . Sur la misère, voir ici. Et voici deux articles sur la récup’ dans les poubelles. On notera les réactions toutes philanthropes des responsables des magasins.

Ils font les poubelles pour pouvoir manger

On les appelle les “ glaneurs ”. Ils font les poubelles des supermarchés pour se nourrir. Un phénomène qui traduit une aggravation de la pauvreté en ville.

Un vendredi soir devant une supérette en plein centre-ville. Huit personnes, des femmes, des hommes et un enfant, patientent depuis une vingtaine de minutes dans le froid.

Les uns sont venus en voiture ; d’autres, des jeunes, en scooter. Deux sont visiblement des SDF. Tous sont là pour « glaner », un euphémisme pour désigner pudiquement une triste réalité. Faire les poubelles pour trouver de quoi se nourrir. Vingt heures. Les employées du magasin sortent un container. Le groupe se rue dessus. Les gens fouillent sans ménagement dans les détritus. La récolte est maigre, quelques légumes, du thon en boite, une canette. Triste pitance. La scène n’a duré que quelques minutes.

«  Là, ils n’ont pas mis de salade ni de poireaux  »

Impossible de nouer le contact avec les glaneurs. – « Bonsoir, je suis journaliste»« Oh, la, la, laissez-moi tranquille, je suis une maman », répond en se retournant une femme d’une cinquantaine d’années. La dernière à tenter de récupérer quelques miettes dans le container est une retraitée. « Là, ils n’ont pas mis de salade ni de poireaux. Pendant un temps, ils en jetaient beaucoup plus mais comme les gens leur faisaient des saletés… », regrette la vieille femme. Manteau élimé, elle dit avoir 85 ans, vivre seule et avoue « faire ça depuis longtemps ». Mais pas pour elle, affirme-t-elle, sans qu’on la croie vraiment. « J’aide certaines personnes avec un handicapé, des gens que je connais […] Moi, je me débrouille avec ce que j’ai. J’ai été habituée », assure l’octogénaire en extrayant des ordures une bouteille de jus d’orange à moitié pleine qu’elle range soigneusement dans son sac. Elle rentrera chez elle à pied. Le « glanage » n’est pas nouveau mais tend à se développer. C’est un marqueur de la crise et de la pauvreté. Le gérant du magasin concerné, Jean-Charles Roy, voit ça toutes les semaines. En tout cas depuis qu’il est arrivé, il y a deux ans et demi. « Ce n’est pas récent, confirme-t-il. Nous, on suit la procédure. On met de la javel sur les produits périmés. Mais, ça ne les arrête pas ! » La misère, c’est ici et maintenant.

le chiffre

15

C’est en pourcentage, la part des Châtelleraudais qui vivaient en 2009 avec un revenu inférieur ou égal à 942 € par mois (source Insee). Soit 12.639 personnes. Selon les données fournies par le CCAS, le revenu moyen est aujourd’hui de 19.350 € sur la zone d’emploi, contre 20.279 € pour la moyenne départementale et 22.000 € au niveau national. « Au regard de la situation de 2009, la situation n’est pas catastrophique mais elle est problématique », analyse Françoise Braud, adjointe au maire chargée de l’action sociale.

à savoir

2.750 bénéficiaires du RSA sur la ville

Parler de pauvreté à Châtellerault, c’est d’abord essayer de dessiner une tendance dans les chiffres. Ceux du RSA (revenu de solidarité active mis en place en 2009) par exemple. Pour la ville, le nombre de bénéficiaires s’élève à 2.750 en 2012 (*), selon les statistiques fournies par le conseil général. L’augmentation est bien réelle depuis 2010 (+ 35,8 %) et par rapport à 2011 (+ 16 %). « On s’attend à une progression pour la suite, explique Brigitte Hummel, directrice de l’insertion au Département. Ce sont les effets à retardement de la crise. Les personnes qui n’ont pas retrouvé un emploi arrivent aujourd’hui en fin de droits ». La part de Châtellerault sur le nombre total des bénéficiaires du RSA dans la Vienne représente un quart. A noter que sur l’ensemble du département, 52 % des allocataires sont seuls sans enfant et 32 % en famille monoparentale. « L’isolement est un facteur de précarité », commentent les services du conseil général. Près de 58 % des gens sont dans le dispositif depuis 2 ans et 70 % dans la tranche 25-49 ans. Vu le contexte, la difficulté est grande d’assurer actuellement le volet « accompagnement » du RSA. La « concurrence » entre les différents dispositifs n’est évidemment pas favorable au public qui est le plus éloigné de l’emploi.

(*) Le chiffre comprend le RSA « socle » (seul), le RSA « socle + activité » et le RSA « activité ». Les deux premiers sont pris sur le budget du département, le 3e pris en charge par l’État.

Nouvelle République, Franck Bastard, 18 décembre 2012

Les supermarchés face au  » glanage « 

Tendance en pleine explosion ou épiphénomène ? A en croire les gérants de supermarchés que nous avons interrogés, le « glanage » dérange en tout cas suffisamment pour que des mesures, parfois radicales, soient prises. Le débat est de savoir s’il faut ou pas laisser faire. « Moi, ça fait dix-huit mois que je suis là : c’était épisodique, c’est devenu systématique, assure sous couvert d’anonymat un gérant de supérette à la Plaine d’Ozon. Tous les deux jours, à sept heures et demie, quand je sors le container à poubelles, il peut y avoir jusqu’à six personnes qui attendent derrière la porte. Ils trient. Ils ne prennent pas n’importe quoi. Ils disent que c’est pour les animaux. »

«  Une fois sur deux, je mets de l’eau de javel  »

Le commerçant en question applique la politique maison : « Je sais qu’il en va de ma responsabilité s’il se passe quoi que ce soit. Une fois sur deux, je mets de l’eau de javel. Il y a un affichage dans le magasin. Les gens sont prévenus mais prennent quand même. » Chez Super U, dans la rue du Paradis, le constat sur le phénomène est peu ou prou le même : « Avant, les gens attendaient parfois pendant trois heures le matin qu’on sorte les poubelles, commente l’enseigne. Non, du chlore on n’en mettait pas. Le problème pour nous, c’est qu’ils en mettaient partout et on était obligé de nettoyer derrière. » Mais ça, c’était avant : « Depuis 4-5 mois, on attend que les rippeurs sonnent pour sortir les containers. » Auchan indique pour sa part ne pas être concerné par le problème. « Pour la bonne raison que tout ce qui est recyclage de déchets n’est pas accessible au client », comme le précise François Pulido, directeur de l’hypermarché. Le même vante au passage l’action de son enseigne contre le gaspillage alimentaire : « Quotidiennement, on fait don de nos surplus alimentaires à l’épicerie sociale de Châtellerault. Quelqu’un passe tous les jours chez nous pour récupérer des produits conditionnés dans les règles pour qu’il n’y ait pas d’accident alimentaire. » Auchan affirme ainsi fournir l’équivalent de 11.000 repas par an à l’épicerie sociale.

Nouvelle République, 18 décembre 2012

[Rouillé – 86] Des usagers du TER bloquent à nouveau le train

NdPN : à ce sujet, voir ici et .

Le TER La Rochelle-Poitiers bloqué en gare de Rouillé

Le collectif des usagers du TER continue de réclamer des arrêts supplémentaires en Pays mélusin. Une nouvelle manifestation est prévue le 24 décembre.

Il pleut, il vente, mais le Collectif rullicois des usagers du TER ne désarme pas. Plus nombreux encore que le lundi précédent, les manifestants ont de nouveau bloqué le train La Rochelle – Poitiers de 8 h, hier matin, en gare de Rouillé. Les représentants de la SNCF venus de Poitiers étaient sur place avec le chef « incident local » et le directeur « sécurité protection », Bertrand Egal. Les gendarmes de la communauté de brigades de Vivonne étaient également là ainsi que – nouveauté – un huissier de justice mandaté par la SNCF pour constater légalement les faits.

Le train, exceptionnellement composé d’une seule rame en raison de la grève, a de nouveau été stoppé, avant la gare, par les signaux réglementaires, avant de recevoir l’ordre de repartir au pas pour s’arrêter ensuite devant les manifestants postés sur la voie. Les portes ont alors été ouvertes et dix nouveaux passagers pour Poitiers sont montés dans la rame déjà bondée. Les membres du collectif se sont félicités de cette action menée en présence des élus locaux, le maire Rémi Gault en tête, et d’élus de communes voisines, solidaires : Bernard Beaubeau, maire de Jazeneuil, vice-président de la communauté de communes, Marinette Guérin, adjointe à Saint-Sauvant et suppléante du conseiller général du canton mélusin. Avant de se séparer, les personnes présentes ont prévenu que lundi prochain, 24 décembre, à la même heure, sur le même site, une nouvelle action serait menée. À moins qu’en cette veille de Noël une réponse positive soit faite à la demande d’arrêts supplémentaires en gare de Rouillé. Parmi les adultes présents sur le quai, il en est tellement qui voudraient encore croire au père Noël…

social

Grève très suivie dans les TER

La circulation des trains express régionaux a été considérablement perturbée hier et risque de l’être plus encore aujourd’hui par une grève des contrôleurs lancée à l’appel de la CGT et de Sud-Rail. Les contrôleurs contestent le manque d’effectifs et la décision de « dédier » le personnel de contrôle aux TGV ou aux TER sans possibilité de passer des uns aux autres. Le nombre de contrôleurs en grève a atteint hier entre 60 et 65 %. La circulation des TGV n’a pas été impactée par ce mouvement.

Nouvelle République, 18 décembre 2012