Réforme pénale : la carotte des socialos

Réforme pénale : la carotte des socialos

C’est en octobre 2013 que Christiane Taubira a présenté en Conseil des ministre un projet de loi “relatif à la prévention de la récidive et à l’individualisation des peines”. Si la Garde des sceaux bénéficie dans l’opinion d’une image plutôt « progressiste », le journal L’Envolée tient à mettre les points sur les i : « Sa réforme n’a d’autre but que d’ajouter une peine supplémentaire à l’arsenal punitif existant. » Décryptage.

Cet article a été publié dans le numéro 371 de L’Envolée (novembre 2013), journal réalisé par des prisonniers ou des proches de prisonniers et annonçant clairement la couleur : à bas toutes les prisons !

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Contrairement à ce que balbutient timidement les associations, syndicats et autres organisations de gauche - Syndicat de la magistrature, LDH, Front de gauche et consorts -, le président Hollande ne fait que tenir ses promesses électorales en matière judiciaire. Rappelons en quelques points les grandes lignes de son «  programme  »  : créer 5 000 postes en cinq ans pour la justice, la police et la gendarmerie ; permettre à un policier mis en examen de continuer à travailler – avec maintien de son salaire et de ses primes – en vertu de la présomption d’innocence ; poursuivre la refonte des services de renseignement initiée par Sarko en Direction centrale du Renseignement intérieur (DCRI) et SDIG (Information générale) ; supprimer les peines plancher appliquées depuis 2007 aux récidivistes et étendues en 2011 aux auteurs de certains délits de violences aggravées ; et enfin, exécution de toutes les peines prononcées, y compris par le biais d’alternatives à l’incarcération comme le bracelet électronique pour les courtes peines. Comme son prédécesseur, il avait prévenu avant sa victoire qu’il n’y aurait d’amnistie ni pour les prisonniers ni pour les délits routiers. Il avait aussi annoncé le doublement du nombre des centres éducatifs fermés pour les mineurs délinquants et promis le maintien de la rétention de sûreté – même si elle pose un problème juridique – pour «  ne pas relâcher dans la nature sans surveillance des gens considérés comme des malades   ». Le projet de construction de 24 000 places de prison supplémentaires ­montre bien que le gouvernement socialiste se tient à l’objectif de Sarkozy  : 80 000 places de prison en 2017. Un point de son programme est tout de même passé à la trappe  : celui qui prévoyait l’abrogation des dernières réformes sur la justice des mineurs, le retour aux tribunaux pour mineurs, l’atténuation de leur responsabilité et le primat de l’éducatif sur le répressif.

Droite ou gauche, il n’y a aucun changement, pas la moindre rupture avec la logique de l’enfermement, du tout-sécuritaire, du contrôle, de la surveillance et du fichage de masse. On ne peut se laisser abuser ni par les colloques consensuels sur les grands thèmes de la récidive ou du sens de la peine organisés par Taubira, ni par les cris d’orfraie de la droite et de l’extrême-droite dénonçant la politique laxiste d’un gouvernement qui voudrait vider les prisons et donner «  le feu vert aux voyous  ». Toute cette comédie ne suffit pas à masquer une continuité bien plus profonde  : la nécessité d’encadrer, de réprimer tous ceux qui sont progressivement éjectés de cette ­société fondée sur l’argent, la production. La Garde des sceaux ne s’en cache pas  : elle répond à ses détracteurs que son «  projet de loi sur la prévention de la récidive et l’individualisation des peines a pour seul but de rendre le suivi des délinquants plus efficace, et donc de mieux assurer la sécurité des Français  ». Et elle souligne «  d’emblée que la réforme pénale ne réduit ni l’arsenal de peines que les tribunaux peuvent prononcer (peines d’emprisonnement ferme, peines d’emprisonnement avec sursis ou sursis avec mise à l’épreuve, travail d’intérêt ­général, amendes, jours-amendes…), ni davantage le quantum de ces peines.  » Sa réforme n’a d’autre but que d’ajouter une peine supplémentaire à l’arsenal punitif existant. Son effet sera de continuer à remplir les prisons tout en augmentant le nombre de personnes placées sous main de justice, sous la tutelle et le contrôle de l’État.

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Dessin publié dans le numéro 37 de L’Envolée

Quant au sketch qui oppose le méchant Valls à la ­gentille-Taubira-qui-a-les-mains-liées, avec ses grands sourires, c’est un autre numéro du même show, dans la grande tradition des interrogatoires bon flic-mauvais flic. Elle endosse un autre costume – l’uniforme de sa fonction – lorsqu’en catimini, loin des caméras, elle va féliciter les matons qui ont su réprimer un mouvement de prisonniers à Blois cet été, consoler les syndicats pénitentiaires qui pleurnichent sur le manque de moyens après l’évasion de Redoine Faïd, ou encore inaugurer la prison ultrasécuritaire de Condé-sur-Sarthe…

État des lieux, quelques chiffres

Entre 2001 et 2013, la population sous écrou (prison, semi-liberté, bracelet électronique) a augmenté de 70 % (de 47 000 à 80 700). En 2000, il y avait 186 000 personnes sous main de justice, contre 252 000 en 2013. Il y avait 3 personnes sous surveillance électronique en 2001, il y en a 11 475 ­aujourd’hui. La durée moyenne du placement sous écrou a augmenté régulièrement  : de 4,4 mois en 1975 à 8,3 mois en 2007 et 10 mois en 2010. Les peines supérieures à vingt ans ont doublé, passant de 1 252 en 2000 à 2 291 en 2011. Le pourcentage de libérations conditionnelles a baissé de 17,5 % en 2001 à 13 % en 2013. Les semi-libertés sont passées de 6 481 en 2001 à 4 889 en 2011 (chiffres officiels  : pourcentage par rapport au nombre moyen de condamnés). Chaque année, la France pulvérise son record de «  surpopulation carcérale  ».

S’il y a de plus en plus de prisonniers, c’est qu’il y a de plus en plus d’actes que le droit désigne comme des délits, et qu’ils sont punis plus lourdement. Ce qui était encore récemment passible de simples contraventions vaut aujourd’hui des peines de prison  : provocation à la rébellion, outrage, conduite en état d’ivresse, intrusion dans une école, racolage sur la voie publique, mendicité agressive, occupation de halls d’immeubles… Des peines de plus de sept ans sont de plus en plus souvent prononcées pour des délits. À délit égal, aujourd’hui, les peines sont plus longues, surtout avec les circonstances ­aggravantes  : récidive, association de malfaiteurs, bande organisée… Par contre, tout ce qui pouvait réduire le temps de la peine a quasiment disparu, les confusions de condamnations sont difficiles à obtenir, les sorties conditionnelles sont distribuées au compte-gouttes, les remises de peine annulées pour un oui, pour un non.

Comme il ne remet absolument pas en cause le système de l’enfermement, le pouvoir n’a qu’un problème  : comment gérer la multiplication et l’allongement des peines au moindre coût et en évitant les remous à l’intérieur, sans renoncer à la sanction. Le tout récent projet de loi Taubira est le début de la mise en place d’un nouveau Code  : celui de l’exécution des peines. Pour rendre effectives toutes les refontes successives du Code pénal, il était nécessaire d’en prévoir les applications concrètes  : rien ne sert de condamner si la condamnation n’est pas effectuée. Il y aurait entre 80 000 et 100 000 peines en attente d’exécution, principalement des peines de moins de deux ans de prison  : des dossiers en attente de traitement, des décisions contradictoires des administrations, etc. Le programme est clair  : mettre de l’ordre dans tout ça, rendre effectives toutes les condamnations. Les 24 000 places de prison déjà prévues n’y suffiront pas, loin de là  ; d’où la nécessité de développer les nouvelles formes d’enfermement aussi efficaces que les murs  : la prison dehors.

Punir dedans et punir dehors

Taubira axe son projet de loi autour de la «  prévention de la récidive  ». Elle masque avec ses grandes déclarations lyriques les véritables causes sociales et économiques de la «  délinquance  ». En fait, comme l’écrit Hafed Benotman, «  la récidive n’existe pas, c’est un terme juridique. Quand un homme ou une femme a un problème, elle pense qu’en passant à l’acte elle va le régler. Elle se fait arrêter, elle va en prison. La prison ne règle pas le problème, donc la personne retrouve ce problème en sortant. On n’est pas dans une récidive mais dans une continuité. La prison aggrave leurs peines, donc leur problème  ». Pour la Garde des sceaux, en revanche, aucun lien entre le taux d’incarcération et celui du chômage, de la précarité. Tout est fondé sur une appréciation toute ­relative de la sécurité, et rien sur la véritable insécurité  : celle de ne pas pouvoir se loger, de ne pas pouvoir se nourrir correctement, se soigner, se cultiver, se déplacer, etc. Les délinquants sont ceux qui dérangent l’ordre social et moral établi, et surtout pas ceux – petits militaires ou grands banquiers – qui exploitent, détournent, pillent et tuent pour assurer leur petit pouvoir et leurs grands profits. Pour Taubira, la «  délinquance  » n’a rien de politique, c’est une maladie qu’il convient de dépister et de traiter  : évaluation, punition, rémission. Il a fallu forger un nouveau concept psycho-fumeux  : la désistance, définie comme «  tout ce qui amène un homme à renoncer à la délinquance  », à se repentir, à se conformer. Il est donc prévu de mettre en place des structures privées ou publiques, dont le personnel devra calculer le taux de désistance du «  délinquant  » pour adapter la sanction à chaque cas.

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Dessin publié dans le numéro 37 de L’Envolée

Ce n’est pas un hasard si Taubira remet en avant le principe d’ «  individualisation de la peine  »  : dehors comme dedans, chacun est responsable de sa propre misère. Si l’on est chômeur, c’est parce qu’on est désadapté ; si l’on est prisonnier, c’est parce qu’on est inadapté. Et pour s’en sortir, on doit avant tout compter sur soi-même, quitte à marcher sur les autres au passage  : c’est ainsi qu’on apprend à être le gestionnaire de son «  capital-vie  ». Si l’on a bien intégré les règles du jeu, on pourra espérer avoir une carrière  : un salaire, de l’avancement quand on est dehors, et des remises, des aménagements de peine quand on est dedans. Ces améliorations se calculent au mérite  : maître-mot de la logique entrepreneuriale adaptée à l’individu. Même enfermé, celui-ci doit se percevoir comme un élément valorisable. Dedans, le pouvoir d’appréciation est laissé en grande partie à l’exécution des peines, c’est-à-dire aux juges d’application des peines et à leurs staffs du Service pénitentiaire d’insertion et de probation (SPIP). Là encore, rien de nouveau, la notion de Plan d’exécution de peine date du gouvernement Jospin. Le projet reste le même  : donner une dimension économique au temps de détention, fut-il un temps infini…

La conférence de consensus sur la prévention de la récidive

Taubira avait commencé par organiser un grand raout «  convivial, innovant  », « prêt à faire un pari sur l’intelligence collective  ». S’y sont retrouvés magistrats, membres de l’administration pénitentiaire, élus, médecins, psychiatres, avocats, universitaires, juristes, fonctionnaires de police, anciens prisonniers passés à l’ennemi comme Yazid Kherfi… Mobilisation générale de tous les aspirants VRP susceptibles de devenir les communicants de cette vaste supercherie  : «  La prison du XXIe siècle  ». Une répétition générale vide de sens, juste pour prendre la mesure des alliances que le pouvoir peut passer avec les acteurs – professionnels, concepteurs, penseurs autoproclamés… – du monde de la prison. Des prisonniers avaient été mis à contribution  : après avoir travaillé collectivement dans plusieurs établissements pénitentiaires, ils ont profité d’une permission exceptionnelle pour venir parler de leurs conditions de détention et de ce qu’il faudrait changer pour que ce soit un peu moins pire. Ils ont rappelé que la récidive commençait par la vie en détention et répété ce que les prisonniers exigent depuis le début des années 1970 sans jamais pouvoir l’obtenir durablement, soit des revendications concernant les parloirs (durée, espace, respect des familles), le rapprochement familial, la nécessité de multiplier les unités de vie familiale (UVF), la suppression des quartiers d’isolement et des quartiers disciplinaires, une réelle prise en compte de la parole des détenus, des peines moins longues… Ils ont rappelé la nécessité de respecter le Code du travail en prison, de faciliter les études et l’accès aux formations diplômantes pour ceux qui le désirent  ; et aussi, celle de donner des remises de peine, des permissions de sortie et des conditionnelles. Ils ont été applaudis, et immédiatement oubliés. Aucune de leurs paroles n’est restée dans le projet de loi. Au contraire, les derniers témoignages que nous avons reçus révèlent un durcissement de l’ensemble des conditions de détention.

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Dessin publié dans le numéro 37 de L’Envolée

Les trois axes du projet de loi

1. La césure pénale. «  Sont supprimées les peines plancher2 et les révocations de plein droit du sursis simple ou du sursis avec mise à l’épreuve. La peine encourue par les récidivistes demeurera doublée par rapport à celle encourue par les non-récidivistes, et le juge conservera la possibilité de prononcer la ­révocation des sursis antérieurs par décision motivée si la situation le justifie.  » Il instaure ensuite la césure du procès pénal  : « Le tribunal pourra, après s’être prononcé sur la culpabilité (premier moment), ajourner la décision sur la condamnation afin qu’une enquête sur la personnalité et la situation sociale du condamné soit effectuée (deuxième moment). Le tribunal pourra ainsi statuer sur les dommages et intérêts des victimes dès le prononcé de la culpabilité et obtenir les éléments nécessaires pour déterminer la sanction la plus adéquate. Dans l’attente de cette enquête, il pourra placer en détention le condamné si cela est nécessaire.  »

Commentaires. Rien ne change, si ce n’est que la décision revient aux juges, comme si ces gens-là étaient connus pour leur laxisme… Et puis, le fait que la récidive double la peine revient à appliquer une peine plancher. Enfin, à l’américaine, il s’agit maintenant de privilégier le remboursement des parties civiles. Autant dire que si tu es étranger et sans le sou, tu continues à aller en prison sans passer par la case ­départ.

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2. Il crée une nouvelle peine : la contrainte pénale. «  Cette peine pourra être prononcée lorsqu’un délit est puni d’une peine d’emprisonnement maximale inférieure ou égale à cinq ans. Cette nouvelle peine n’est pas définie par rapport à une durée d’emprisonnement de référence. Elle ne se substitue pas aux peines existantes mais s’y ajoute, de sorte que les juges disposeront d’un nouvel outil de répression. Cette peine vise à soumettre la personne condamnée, pendant une durée comprise entre six mois et cinq ans qui est fixée par la juridiction, à des obligations ou interdictions justifiées par sa personnalité, les circonstances de l’infraction ou la nécessité de protéger les intérêts de la ou des victimes, ainsi qu’à des mesures d’assistance et de contrôle et à un suivi adapté à sa personnalité. Ces mesures, obligations et interdictions seront déterminées après évaluation de la personnalité de la personne condamnée par le service pénitentiaire d’insertion et de probation et par le juge de l’application des peines. Elles pourront être modifiées au cours de l’exécution de la peine au regard de l’évolution du condamné dont la situation sera réévaluée à intervalles réguliers et au moins une fois par an, par le service pénitentiaire d’insertion et de probation et le juge de l’application des peines. En cas d’inobservation par la personne condamnée des mesures, obligations et interdictions qui lui sont imposées ou de nouvelle condamnation pour délit, le juge de l’application des peines pourra renforcer l’intensité du suivi ou compléter les obligations ou interdictions auxquelles le condamné est astreint. Si nécessaire, le juge de l’application des peines pourra saisir un juge délégué, désigné par le président du tribunal, afin qu’il ordonne l’emprisonnement du condamné pour une durée qu’il fixera et qui ne pourra excéder la moitié de la durée de la peine de probation prononcée par le tribunal ni le maximum de la peine encourue. Cet emprisonnement pourra s’exécuter sous le régime de la semi-liberté, du placement à l’extérieur ou de la surveillance électronique. L’objectif est de prononcer une peine de milieu ouvert réellement contraignante, évolutive et adaptée à la personnalité de la personne condamnée.  »

Commentaires. La peine de tous les gens qui étaient en sursis – et n’avaient pas d’autres obligations que de ne pas commettre de nouveau délit – devait être trop clémente, puisqu’ils seront maintenant assujettis à des contraintes et des contrôles, avec toujours la prison pour horizon. La peine de probation pourra être supérieure au maximum de la peine encourue. Elle s’appliquera surtout à tous les gens qui commettent des délits tels que les délits routiers – souvent coutumiers de la récidive –, qui ont un travail et des revenus. Encore une fois, l’obligation principale, c’est de payer et de rembourser les parties civiles. Cahuzac a le profil du parfait condamné à la contrainte pénale… On voit apparaître aussi le même fonctionnement que pour l’ensemble des peines intramuros  : évaluation de la personnalité, du mode de vie, des relations, des déplacements, des remboursements, du travail… Enfin et surtout, le projet de loi insiste lourdement sur le fait que cette contrainte pénale est un nouvel outil dans la panoplie des condamnations, et qu’elle ne vient en aucun cas se substituer à une autre peine. Taubira est plus répressive que Dati qui prévoyait dans la loi pénitentiaire de 2009 que le juge pouvait aménager les peines de moins de deux ans. Sa remplaçante a durci le dispositif en réduisant cette peine à un an pour les primaires et six mois pour les récidives lorsque le juge ne choisit pas la contrainte pénale. ça va permettre aux institutions judiciaires de multiplier les condamnations et de mettre sous tutelle une partie bien plus importante de la population, modèle américain oblige. Le nouvel arsenal des mesures probatoires est en cours de développement  : obligations de soins, de travail, de suivis de stages en tout genre, interdictions de déplacements, de fréquentations, de lieux, etc.

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3. Il instaure un nouveau dispositif pour éviter les sorties de prison sans contrôle ni suivi. «  La réforme introduit le principe d’un examen systématique de la situation de tous les condamnés qui ont exécuté les 2/3 de leur peine. S’agissant des longues peines (supérieures à cinq ans), la situation des condamnés sera obligatoirement examinée par le juge ou le tribunal de l’application des peines qui statuera après débat contradictoire sur l’octroi éventuel d’une libération conditionnelle. S’agissant des courtes peines (inférieures à cinq ans), la situation des personnes condamnées sera examinée par le juge de l’application des peines en commission de l’application des peines. Il pourra prononcer une mesure de libération sous contrainte qui s’exécutera sous le régime de la semi-liberté, du placement sous surveillance électronique, du placement à l’extérieur, ou de la libération conditionnelle, ou bien refuser la mesure par une décision motivée si elle n’apparaît pas possible au regard de la personnalité du condamné.  »

Commentaires : Ce dispositif va permettre de perfectionner un fichage systématique, régulier et détaillé, basé sur les faits et gestes de l’ensemble des prisonniers pendant toute la durée de leur peine pour déterminer s’ils méritent un aménagement de peine, ou tout simplement des conditions de détention plus – ou moins – souples. Cela augmente les périodes de sûreté, puisque jusque-là les conditionnelles pour les primaires pouvaient être demandées dès la moitié de la peine  ; désormais tout le monde devra attendre les 2/3 de la peine pour solliciter un aménagement… Gros progrès  !

Oualou pour les longues peines

Digne héritière de Badinter qui avait remplacé la peine de mort par des peines jusqu’à la mort, Taubira a rapidement endossé un costume de fossoyeur. Non seulement elle ne remet pas du tout en cause la rétention de sûreté, mais elle n’imagine pas non plus changer quoi que ce soit au Code pénal pour réduire les temps de peine infligés par des tribunaux toujours plus sévères. Pourtant, lorsqu’elle était dans l’opposition, elle qualifiait de liberticides les lois qu’elle fait maintenant appliquer. Des peines infaisables  : combien de prisonniers y perdent la tête, ou la vie  ?

Tout ce qui est demandé aux prisonniers est mortifère  : accepter une peine infinie, se nier soi-même, tout subir – les violences,  le mépris, les humiliations, l’absurde, l’absence de liens, le vide pour des dizaines d’années. Cela fait maintenant un an et demi que Taubira ­occupe le poste de Garde des sceaux et la politique ministérielle d’aménagement des peines est plus que drastique. Les mêmes conclusions arrivent de toutes les centrales  : impossible de sortir, même si l’on accepte de jouer le jeu – dangereux – du calcul et de la soumission imposé par l’administration pénitentiaire. La seule solution envisagée, c’est la construction de ces foutues centrales ultrasécuritaires où ils prévoient d’enfermer tous ceux qui leur posent problème. Jusqu’à ce qu’un accident survienne… Rien sur les revendications portées par les différents mouvements de prisonniers, rien sur les QI, les QD, les transferts, les parloirs… tout ce qui fait le quotidien des prisonniers enfermés dans des mouroirs.

Taubira partisane de moins de prison ? Elle devrait se réjouir quand un prisonnier lassé du rejet répétitif de ses demandes de conditionnelle finit par se l’octroyer lui-même – au risque de sa vie – en décidant de ne pas rentrer d’une permission  ! Taubira la gentille devrait s’apitoyer sur les passages à tabac de prisonniers qui ont osé protesté contre l’absence d’aménagements de peine. Les mains liées  ? Elle pourrait au moins répondre aux courriers que lui adressent ceux qui sont condamnés à mourir à petit feu dans les prisons qu’elle a sous sa responsabilité.


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2 Une loi votée sous Dati établissait des peines minimum en cas de récidive, mais les juges conservaient leur pouvoir de décision.

Vu sur Article 11, 7 décembre 2013

[Poitiers] Manif contre le racisme

NdPN : deux cents personnes environ se sont rassemblées hier samedi 7 décembre, à l’appel du collectif D’ailleurs nous sommes d’ici, « contre le racisme et pour l’égalité des droits ». Les membres et sympathisant.e.s du collectif ont diffusé ce tract. A la suite de ce rassemblement, une centaine de personnes ont ensuite manifesté dans les rues de Poitiers, tandis qu’une dizaine sont restées place d’Armes avec une banderole « Contre le racisme d’Etat et tous ses collabos », en diffusant le tract suivant, dont nous avons retrouvé le texte sur Indymedia Nantes, assorti d’un commentaire.

[Poitiers] À bas l’État raciste et tous ses collabos !

Une manifestation antiraciste a eu lieu hier après-midi à Poitiers. Une coalition d’organisations de gauche et d’extrême-gauche, rassemblée sous l’enseigne DNSI, entendait là commémorer le trentième anniversaire de l’arrivée à Paris de la Marche pour l’égalité et contre le racisme.

Une manifestation antiraciste a eu lieu hier après-midi à Poitiers. Une coalition d’organisations de gauche et d’extrême-gauche, rassemblée sous l’enseigne DNSI, entendait là commémorer le trentième anniversaire de l’arrivée à Paris de la Marche pour l’égalité et contre le racisme. Il est intéressant de voir que dans ce tract, la marche pour l’égalité est devenue la marche pour l’égalité des droits. Assisterait-on là à une relecture de l’histoire à travers le prisme citoyenniste ? Le mystère reste entier…

Toujours est-il que cela fait plusieurs fois que nous participons à des manifs organisées par ce collectif et qu’elles sont d’un ennui mortel. On parcourt toujours les mêmes rues piétonnes de l’hyper-centre, on est toujours vues par les mêmes gens des mêmes classes sociales, on gueule un peu (pas trop), on agite les drapeaux, on prend 2-3 photos, on diffe quelques tracts et on rentre à la maison avec la conscience soulagée. Bref le cérémonial militant dans tout ce qu’il a de plus lourdingue.

Ainsi donc, hier après-midi, nous nous sommes rassemblées au départ de la manif mais nous avons choisi de ne pas participer à la marche de zombies qui s’annonçait. Nous avons préféré rester sur place, exhiber notre banderole (où il était écrit « À bas l’État raciste et tous ses collabos ! ») et distribuer notre tract (ci-joint) à la foule nombreuse venue s’enivrer de l’atmosphère de Noël©.

Solidarité avec les migrant.e.s ! Sabotons la machine à expulser !

Poitiers, le 8 décembre 2013

Texte du tract :

À bas l’État raciste et tous ses collabos !

S’il est une évidence pour tou.te.s les socialistes dignes de ce nom, c’est que les oppressions, les exploitations, les inégalités et les injustices sociales ne viennent pas des humains nés au-delà de frontières tracées par les États, mais des classes dominantes qui nous asservissent de par le monde entier !

La gauche gouvernementale dite « socialiste », comme tou.te.s les aspirant.e.s au gouvernement autoritaire des humains, défend l’État, ses frontières, et le mythe d’une union qui serait fondée sur la nation, dans laquelle il faudrait « s’intégrer » comme il faudrait se conformer au modèle capitaliste. De ce fait, la gauche participe elle aussi à maintenir le rideau de fumée sur les inégalités sociales bien réelles. L’histoire de la gauche au pouvoir est jalonnée, tout autant que celle de la droite, de politiques racistes. Il faut croire que l’ignominie raciste n’indigne la gauche que lorsqu’une ministre d’État en fait les frais !

Alors petits rappels : colonisation au XIXè siècle prônée par la gauche, au nom du « droit des peuples supérieurs à civiliser les peuples inférieurs » (Jules Ferry). Appel à l’union sacrée contre les « boches » en 1914-18 par la gauche politique et syndicale. Premiers camps de concentration ouverts par le front populaire pour parquer les républicain.e.s espagnol.e.s en 1938. Pleins pouvoirs accordés par la SFIO à Pétain en 1940. Pouvoirs spéciaux donnés à l’armée pour la répression coloniale sanglante en Algérie (Mitterrand le guillotineur). Centres de Rétention Administrative fondés par Mitterrand en 1981 pour une gestion « plus humaine » des immigré.e.s. Répression sanglante de militants Kanaks. Perpétuation de la Françafrique (Mitterrand, et Hollande). On continue ?

Les propos immondes tenus sur les Roms par le sinistre Valls, qui refuse le récépissé de contrôle d’identité et s’enorgueillit d’expulser au moins autant que sous Sarkozy, sous couvert d’une directive foireuse entérinant les expulsions sous un vernis de posture humanitaire, ne sont que la continuité honteuse de la permanence d’un racisme structurel de l’État, qui dépasse les clivages gauche-droite. Il n’y a qu’à voir comment les partis claironnent le « produire français », de l’extrême-doite à l’extrême-gauche en passant par Montebourg. C’est bien simple, tout parti qui exerce un pouvoir administratif finit par employer les mêmes recettes : voir ces mairies écolos ou Front de gauche, qui expulsent des campements de Roms à Montreuil, Bagnolet ou Saint-Ouen. Il n’y a décidément rien à attendre d’une « autre » gauche quand elle postule au pouvoir…

À Poitiers (mairie PS) comme ailleurs, ce sont les mêmes discriminations administratives entre « Français » et « étrangers » avec leur lot de tracasseries ubuesques, les mêmes harcèlements policiers dans les « cités », les mêmes contrôles d’identité au faciès, les mêmes politiques urbaines de ghettoïsation et de gentrification, les mêmes expulsions qui brisent des vies, les mêmes répressions des antifascistes. Les flics arrêtent des êtres humains qui veulent juste vivre en paix, mais que l’État a décidé de cataloguer « étrangers illégaux ». Les squats de Roms sont expulsés, les mômes avec, au petit matin en plein froid juste avant l’école, et les familles sont atomisées aux quatre coins de la Vienne, sur la demande de la mairie ou de son officine Logiparc. Nous sommes en 2013, sous la « gauche ».

Le racisme développé par les États colonialistes imprègne la société, arme de division redoutable aux mains des dominant.e.s, politicien.ne.s, capitalistes et baron.ne.s des médias. Mais les discours dégueulasses de ces cols blancs cyniques aux mains manucurées seraient du vent, s’il n’y avait tou.te.s les exécutant.e.s serviles de leurs lois injustes, tou.te.s ces procs, juges, flics et fonctionnaires divers.e.s assumant servilement de « gérer » l’immigration à coup de charité bidon, de menottes et de barbelés. Plus largement, c’est sur nos lâchetés quotidiennes vis-à-vis de ces politiques répugnantes que prospèrent les dominant.e.s de tous les pays, qui s’enrichissent et décident sur le dos de tou.te.s les prolétaires, quelle que soit leur « origine ». Ce sont les mêmes qui nous exploitent et nous dominent, qui désignent partout les « étrangers » comme différents, comme boucs-émissaires à la misère commune… et les collabos peuvent être actifs ou passifs.

Face au racisme, la solidarité de classe est notre seule arme. Une solidarité inconditionnelle, d’émancipation entre dominé.e.s de toutes « origines », qui ne se contente pas de s’indigner en agitant des drapeaux avant les élections, qui ne parle pas au nom des concerné.e.s, qui ne récupère pas leurs luttes. Nous sommes plus proches des prolos africain.e.s, roms ou chinois.e.s, que des patron.ne.s et des politicard.e.s né.e.s en territoire contrôlé par l’État français. Frontières, tracasseries préfectorales, harcèlement policier, centres de rétention et expulsions nous font gerber. Nous ne croyons pas aux illusions électoralistes. Nous ne nous satisfaisons pas de micro-victoires juridiques dans un carcan légal par essence discriminatoire. Nous luttons pied à pied contre les larbins zélés du racisme d’État, qu’ils aient des crânes rasés, des képis, des écharpes tricolores ou des cravates ; renvoyons-les à leur fosse septique. N’acceptons plus l’inacceptable !

des apatrides

Vu sur Indymedia Nantes, 8 décembre 2013

La fable des fous

 

NdPN : une petite fable contée par Jean. Ce texte est aussi consultable et téléchargeable sous format brochure (cliquer ici).

La fable des fous

La Nef des Fous, Jérôme Bosch, v. 1500

Autrefois, fut un temps où tout être humain s’appropriait librement son environnement. On avait parfois besoin d’accumuler de la nourriture pour manger, dans les périodes où la terre ne produisait plus en abondance, de bois pour se chauffer… On construisait des habitations individuelles ou collectives, aussi jolies qu’inventives, plus ou moins temporaires ou durables en fonction des pérégrinations et des rêves des uns et des autres. On disputait et on se disputait joyeusement. On avait des petits rites pour se retrouver, s’aimer et se raconter des histoires. Au cours de ces fêtes et de ces assemblées, les humains, qui découvraient mille et une ressources lors de leurs voyages ou méditations pour satisfaire leur curiosité insatiable et joyeuse, les partageaient. Ils partageaient aussi leurs techniques, et élaboraient alors des outils aussi farfelus qu’utiles, démultipliant l’accès de tous aux curieux trésors de ce monde. En fonction des besoins singuliers ou collectifs, lorsque les humains étaient incapables de glaner ou de produire tout par eux-mêmes (ce qui était le cas dans de nombreux cas), ils s’organisaient à plusieurs, voire parfois en plus grand nombre. La vie n’était pas toujours facile, mais tout le monde s’amusait bien, et chaque jour qui venait était une aventure.

Arriva un jour où certains devinrent fous, et décidèrent de s’exclure du monde en même temps que d’eux-mêmes. Ils se retirèrent derrière des murs épais, et par peur maladive du manque alors que tout était en abondance, par une haine étrange des autres ou par ignorance de l’évidence, ils mirent sous scellé ce qu’ils ne consommeraient de toute évidence pas. Au point qu’ils préféraient laisser pourrir une grande quantité de ressources inutilisées dans leurs entrepôts, que de laisser les autres avoir accès à ce qui leur permettrait de satisfaire eux aussi leurs besoins. Avant de les appeler fous, on les appelait les Peureux, ou les Ignorants.

A la source de cette peur, il y avait en effet l’ignorance, car de tout temps les ressources de ce monde ont été suffisantes pour que vivent tous les êtres humains dans la satisfaction pleine et entière de leurs besoins, pour peu qu’ils partagent les ressources et ne les claquemurent pas à double tour. Les humains avaient toujours suivi cette évidence, partagée du reste par tous les autres êtres vivants : s’approprier de quoi vivre, mais sans pour autant empêcher les autres êtres vivants de s’approprier eux aussi ce dont ils avaient besoin. S’approprier n’avait jamais été jusque là un problème en soi, chaque ressource produite par ce monde appartenant tout aussi bien à chacun qu’à tout le monde. Les humains vivaient juste dans la conscience que toutes les vies étaient liées entre elles, et que porter atteinte aux autres c’était fatalement se condamner soi-même. Et les humains qui étaient en peine de voir ces fous si malheureux, partageaient parfois avec eux quelque plat, quelques baisers ou quelques mots, et certains étaient guéris de leur peur.

Au début donc, l’on considéra ces fous avec une certaine compassion : en privant toute autre personne qu’eux-mêmes de l’usage potentiel des ressources, ils se privaient eux aussi du monde en faisant la garde ridicule de leurs biens, passant jours et nuits à les contempler, et se désolant de les voir pourrir. Si l’on riait ou hausait les épaules en voyant ces fous glaner maladivement des champignons, du bois, du miel et des plantes, on faisait vite tomber ce qui dépassait de leur panier quand leur glanage empêchait les autres de pourvoir à leurs besoins. Et les fous rentraient chez eux en marmonnant des propos décousus.

Bref, on ne se méfiait pas d’eux, on était plutôt triste ou on passait son chemin. Si quelques fous l’étaient devenus au point de faire violence aux autres humains, en leur prenant des mains les fruits de leur glanage par exemple, on leur distribuait parfois quelques claques et coups de pieds aux fesses, et tout rentrait dans l’ordre, car la force d’une minorité de ces pauvres fous n’était rien face à la force du plus grand nombre pour faire tomber leurs paniers démesurés, trouver leurs cachettes et en faire sauter les scellés.

Mais force était de constater que la forêt était saccagée par de plus en plus de fous. C’était logique, car certains étaient plus discrets que d’autres, ne sortant plus que la nuit de leurs maisons de pierres. Et à force de les laisser faire, les ressources étaient devenues plus rares, et chacun commençait lui aussi à amasser et dissimuler dans quelque trou caché ou derrière quelque mur, par peur de manquer (sait-on jamais).

L’habitude créa l’habitude, et cacher les glanages devint dans certaines contrées comme un réflexe, qui déteignit jusque sur les relations entre les humains. On voyait même quelques fous enfermer leurs partenaires amicaux, affectifs et sexuels à double tour. Certes, beaucoup défonçaient les portes pour retrouver l’air libre mais quand les ressources devinrent rares, on vit certains de ces partenaires demeurer dans les grottes, où malgré la solitude où ils se retrouvaient plongés, ils étaient au moins sûr de pouvoir se sustenter en piochant dans les monceaux de richesses. A condition de ne pas trop prendre, car sinon les fous les battaient.

Au bout d’un moment, les fous devinrent vraiment nombreux. En privant les autres des ressources qu’ils avaient accumulées et qui pourrissaient dans leurs tanières obscures, ils s’interdisaient de fait eux aussi d’user des ressources privatisées des autres fous. Cela engendra des guerres absurdes, où l’on vit des fous commencer à attaquer les demeures d’autres fous, pour agrandir leur butin. Ils inventèrent des armes qui ne servaient plus seulement à se défendre contre les crocs et les griffes voire contre d’autres fous trop agressifs, mais à attaquer et à tuer tous ceux qui s’opposaient à leur prédation, à leur folie de l’exclusivité qui les excluait eux-mêmes des autres. Et à exterminer de plus en plus d’animaux en général, qui selon eux concurrençaient leur glanage.

La peur commença à se diffuser chez les humains, qui étaient pourtant si courageux et le coeur léger, autrefois. Cette peur était celle de manquer, car les ressources devenaient vraiment rares. Certains humains parmi les plus lâches se mirent au service de certains fous qui consentaient à concéder une infime partie de leur stock pour les nourrir, en échange de leur soumission inconditionnelle. Certains fous, devenus si peureux et si coupés du monde qu’ils n’osaient plus sortir du tout de leur tanière obscure, demandèrent à ces serviteurs de piller à leur place.

Les humains les plus faibles acceptèrent et se firent soldats. Ils se constituèrent en bandes armées et de par leur nombre, s’attaquèrent aux nombreux humains encore libres qui vagabondaient encore. Non seulement ils pillaient leurs ressources, mais ils les violaient et les mutilaient, et les obligeaient à devenir eux-mêmes des esclaves-soldats, sans quoi ils seraient tués. Il était difficile de ne pas accepter cette proposition injuste, et ce fut le début des contrats. Pour officialiser la chose, on fit écrire ces accords fumeux par les serviteurs qui ne savaient que tenir un crayon, et ce fut le début du droit.

Cela dit, beaucoup d’humains vivaient encore sous des cieux plus cléments où l’on n’avait pas encore entendu parler de toute cette étrange folie, et quand un voyageur consterné venait raconter cette histoire, on riait de ces fous, puis on les plaignait pour leur façon de vivre sans vivre. Mais une à une, ces riantes contrées furent envahies par des armées de fous qui n’avaient plus rien à glaner sur leur territoire, et plus assez à manger puisque tout pourrissait dans leurs sombres cachots. Les conquêtes furent sanglantes car les humains n’étaient pas préparés à se défendre.

Les plus fous d’entre les fous avaient ainsi tant accumulé grâce à leurs soldats partis en conquête, qu’ils ne parvenaient plus à s’empiffrer du centième de tout ce qu’ils possédaient, et bien que cela leur posât problème pour aller aux toilettes et que leur corps devint bouffi, ils exigeaient toujours plus. Certains étaient devenus si fous qu’ils décrétaient que toute la terre et les hommes étaient leur possession. Et ils se proclamaient rois, alors qu’ils étaient franchement laids et pitoyables à voir, du fait de leur mode de vie. Une fois les humains asservis, quand les territoires de ces rois en venaient à se toucher, cela engendrait des guerres entre les armées de ces rois des fous. Et de nombreux soldats mouraient à intervalles réguliers. Mais cela indifférait totalement les rois des fous, qui ne mettaient de toute façon plus le nez hors de leurs sombres grottes et de leurs froides citadelles. Et puis ainsi, il y avait moins de monde à qui distribuer des miettes, et ça faisait un peu le ménage.

De ces guerres émergèrent bientôt des Etats, dominés tyranniquement par les rois des fous les plus fous. Les territoires où s’étendaient ces Etats n’étaient guère beaux à voir. Les arbres étaient coupés, les montagnes trouées, la terre épuisée, et bien entendu les humains étaient décimés, par la famine, les guerres et des maladies physiques et mentales nouvelles, liées à ces conditions sociales insupportables de privations et de brimades. Il était d’ailleurs ironique de voir les rois des fous appeler fous les gens en souffrance qui ne parvenaient pas à s’adapter à leurs caprices.

Il y eut alors des révoltes, car les humains n’avaient pas encore oublié le goût de la liberté, du partage et du jeu. Des entrepôts furent démolis et les gens se réapproprièrent les fruits de la terre, jonglant avec des pommes pas encore moisies qu’on croquait à pleines dents, allumant des feux avec des meubles poussiéreux pour se réchauffer et danser, et on faisait beaucoup l’amour. Les humains se réappropriaient les terres, resemaient ici, replantaient des arbres là, se remettant à jouer, à danser, et à chanter. Certains rois en furent si chagrins qu’ils en moururent de dépit, quand ils n’étaient pas dévorés par leurs propres soldats hagards – ceux qui avaient survécu aux joyeuses raclées que leur collaient les rebelles, ou qui ne les avaient pas rejoints dans la fête.

Les rois, voyant bien que la force ne suffisait pas, et horrifiés de voir mises à la lumière du jour leurs précieuses possessions pourrissantes, convoquèrent leurs soldats les plus peureux, les plus fous et les plus retors, qui étaient choisis parmi ceux qui cauchemardaient le plus pendant la nuit, en pleurant et en hurlant. Les rois des fous demandèrent à ces soldats malades de trouver une solution à ce problème inévitable des révoltes. Il s’agissait d’inventer un moyen de convaincre le plus grand nombre de renoncer à l’usage de la force, à  l’appropriation et à l’affirmation de soi, et même à la parole et à la danse. Ces conseillers revêtirent leurs plus belles parures qu’ils avaient dérobées aux humains et, s’infiltrant partout dans les assemblées et les fêtes, propagèrent des idéologies monstrueuses issues de leur cerveau malade : culpabilité religieuse, peur de tourments infernaux ou moraux… ils affirmaient que la vraie vie n’était pas ici et maintenant, mais ailleurs et après, et qu’il fallait la mériter en acceptant de souffrir au quotidien, de prendre sur soi, de travailler, et toutes sortes de billevesées. Ils décrétaient pour finir que toute appropriation devrait désormais passer par une autorisation édictée et estampillée par les rois des fous, sous la forme de lois ou de morceaux de papiers ou de métal, sur lesquels figuraient les visages des rois. De nombreux humains, fascinés par leurs parures et aussi par ces jolis objets brillants, ces cachets et ces signes étranges, se firent prendre au piège et les admirèrent. Certains rois poussaient même le vice jusqu’à faire voter les humains pour tel ou tel de ces soldats ou conseillers de confiance qui gardaient leurs trésors, en faisant croire à tout le monde que c’était ça, la liberté. On appela ça la démocratie représentative, et cela marchait si bien que la plupart des rois des fous se convertirent à ces méthodes, tout en envoyant de temps à autre leurs soldats piller et massacrer quand les humains ne se laissaient plus prendre au piège.

C’est ainsi que toute cette absurdité arriva, et cela se passait il y a quelques millénaires seulement de cela, et cela continue toujours. C’est ainsi que certains humains se mirent à accumuler, s’approprier un peu tout et exercer une contrainte psychologique et physique, tout en parvenant à convaincre la plupart des humains à renoncer à exercer ces mêmes facultés, parce qu’ils seraient inférieurs et devaient révérer les rois des fous, parce que ceux-ci se prétendaient éclairés par les dieux, les lumières de la raison ou la science économique. De part et d’autre, la peur avait triomphé. Peur de manquer, peur de s’approprier, peur de se défendre. Peur de vivre. Les rois, leurs conseillers et leurs soldats, tous plus fous les uns que les autres, étaient devenus si nombreux que l’obéissance aveugle était devenue la règle de toute vie en société, si tant est que l’on puisse encore appeler cela une société.

Heureusement demeuraient toujours quelques personnes qui, plus ou moins ouvertement,  se désolaient de tout cela (chose que l’on appelait désormais « l’outrage »), et tentaient de satisfaire directement leurs besoins (chose que l’on appelait désormais le « vol »), en brisant les murs, en n’obéissant pas aux lois des rois et en se défendant comme ils pouvaient contre les soldats (ce qu’on appelait la « violence »).

Ces personnes partageaient leurs maigres ressources. On les appela par mépris les « partageux », les « communistes » ou encore les « anarchistes », parce que partager, mettre en commun ou refuser l’autorité était devenu une chose inacceptable.

Mais ils parvenaient encore à rire, à lutter et à raconter des histoires.

Jean

Vers une surveillance généralisée d’Internet en France ?

Vers une surveillance généralisée d’Internet en France ?

Paris, 3 décembre 2013 — Aujourd’hui, l’Assemblée nationale a adopté en première lecture le projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019. Ce texte marque une dérive sans précédent vers la généralisation de la surveillance sur Internet. En l’état, il permet la capture en temps réel sur simple demande administrative et sans mandat judiciaire des informations et documents traités dans les réseaux concernant tout un chacun. Il rend par ailleurs permanents des dispositifs qui n’étaient que temporaires.

Quelques mois seulement après les révélations d’Edward Snowden, comment est-il possible que le gouvernement ait soumis au Parlement un projet de loi aussi attentatoire aux droits fondamentaux ? À son article 13, ce texte organise la généralisation d’une surveillance en temps réel des « informations et documents traités et conservés dans les réseaux », concernant potentiellement tous les citoyens1, à la demande et pour le compte d’une variété de ministères (sécurité intérieure et défense, mais aussi économie et budget), dont l’implication de certains dépasse largement la protection des citoyens contre des incidents d’une exceptionnelle gravité. En effet, ce projet de loi permettrait à ces ministères d’autoriser la surveillance en temps réel de tout citoyen pour la seule « prévention […] de la criminalité » ou la particulièrement vague « sauvegarde des éléments essentiels du potentiel scientifique et économique de la France »2.

La collecte directe d’information se fera non seulement auprès des fournisseurs d’accès (FAI et opérateurs de télécommunication) mais aussi auprès de tous les hébergeurs et fournisseurs de services en ligne. Malgré la gravité et l’étendue de ces collectes, aucune disposition ne limite sérieusement leur volume. Celles-ci pourraient passer par l’installation directe de dispositifs de capture de signaux ou de données chez les opérateurs et les hébergeurs. La définition de ces derniers s’effectue par renvoi à des dispositions de la loi pour la confiance dans l’économie numérique (LCEN) et font craindre à son tour un périmètre d’application très large.

« Face aux preuves démontrant l’espionnage massif et généralisé de l’ensemble des citoyens, les gesticulations du Président de la République et du gouvernement ne trompent personne. Ce projet de loi instaure un régime de surveillance généralisée et risque de définitivement rompre la confiance relative accordée par les citoyens aux services en charge de la sécurité. Une référence imprécise aux besoins de la sécurité ne justifie pas de telles atteintes aux libertés. La Quadrature du Net appelle solennellement les parlementaires à refuser cette atteinte aux droits fondamentaux au cours de la deuxième lecture de ce texte » conclut Philippe Aigrain, cofondateur de La Quadrature du Net.

  • 1. L’article 13 prévoit de modifier le code de la sécurité intérieure en y ajoutant notamment : « Art. L. 246-1. – Pour les finalités énumérées à l’article L. 241-2, peut être autorisé le recueil, auprès des opérateurs de communications électroniques et des personnes mentionnées à l’article L. 34-1 du code des postes et des communications électroniques ainsi que des personnes mentionnées aux 1 et 2 du I de l’article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique, des informations ou documents traités ou conservés par leurs réseaux ou services de communications électroniques, y compris les données techniques relatives à l’identification des numéros d’abonnement ou de connexion à des services de communications électroniques, au recensement de l’ensemble des numéros d’abonnement ou de connexion d’une personne désignée, à la localisation des équipements terminaux utilisés ainsi qu’aux communications d’un abonné portant sur la liste des numéros appelés et appelant, la durée et la date des communications. »
  • 2. Article L. 241-2 du code de la sécurité intérieure, sur lequel l’article 13 du projet de loi de programmation militaire 2014-2019 définit son périmètre : « Peuvent être autorisées, à titre exceptionnel, dans les conditions prévues par l’article L. 242-1, les interceptions de correspondances émises par la voie des communications électroniques ayant pour objet de rechercher des renseignements intéressant la sécurité nationale, la sauvegarde des éléments essentiels du potentiel scientifique et économique de la France, ou la prévention du terrorisme, de la criminalité et de la délinquance organisées et de la reconstitution ou du maintien de groupements dissous en application de l’article L. 212-1. »

Vu sur La quadrature du net, 3 décembre 2013

Tousse, c’est moderne

NdPN : Ne vous étonnez plus si les yeux picotent depuis hier. Grosse pollution dans le pays aux particules, en particulier dans le sud-ouest, Poitou-Charentes compris… Quelques infos du monde moderne livrées par la NR.

Mise à jour 9 décembre 2013 : une étude est publiée ce jour sur la nocivité des micro-particules (même quand les « normes » européennes sont respectées), responsables d’une baisse de l’espérance de vie et de maladies telles que le cancer, l’asthme, les allergies…

Mise à jour 10 décembre 2013 :

Pollution de l’air à Poitiers

A 14 h, ce mardi, une concentration de 98 µg/m3 de particules en suspension dans l’air a été mesurée avenue de la Libération et 84 µg/m3 dans le quartier des Couronneries, à Poitiers, contre respectivement 76 et 53 µg/m3 hier. ATMO Poitou-Charentes estime que cette situation défavorable pourrait être prolongée dans la semaine compte tenu des conditions météorologiques. Il est recommandé à l’ensemble de la population d’éviter toutes activités physiques et sportives intenses augmentant de façon importante le volume d’air et de polluants inhalés.

Dépêche Nouvelle République, 10 décembre 2013

Mise à jour 12 décembre : un nouvel article dans la Nouvelle République

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86 –  Pollution de l’air à Poitiers

Sur l’agglomération de Poitiers, on a enregistré à 7 h ce matin une concentration à Poitiers de 71g/m3 avenue de la Libération et 51 g/m3 dans le quartier des Couronneries de particules en suspension. Eu égard aux prévisions météorologiques, ATMO Poitou-Charentes estime que cette situation défavorable devrait durer jusqu’à demain jeudi. Il est rappelé qu’à ce stade, certaines personnes peuvent présenter une sensibilité particulière au polluant se manifestant par des irritations respiratoires, nasales ou oculaires. Il s’agit plus particulièrement des personnes souffrant de pathologies chroniques respiratoires et/ou cardiovasculaires (asthmatiques, allergiques, insuffisants respiratoires, insuffisants cardiaques,…), des jeunes enfants et des personnes âgées. Les personnes sensibles doivent respecter scrupuleusement leur traitement médical en cours ou l’adapter sur avis de leur médecin. Plus généralement, il est conseillé de consulter son médecin si une gêne inhabituelle apparaît.

Nouvelle République, 4 décembre 2013

86 –  La pollution aux particules en suspension se maintient à Poitiers

Lancée mercredi par les services de la préfecture de la Vienne, la procédure d’information et de recommandations au public «polluant» est maintenue. Sur l’agglomération de Poitiers, on a enregistré à 7 h ce matin une concentration à Poitiers de 71g/m3 avenue de la Libération et 52 g/m3 dans le quartier des Couronneries de particules en suspension. En raison des prévisions météorologiques, ATMO Poitou-Charentes estime que cette situation défavorable devrait se maintenir pour la journée de demain et pourrait durer plusieurs jours.

Nouvelle République, 5 décembre 2013

Téléthon 2013 dans la Vienne : le programme des animations

Lencloître
Samedi 7 : concentration de 4×4.
Dimanche 8 : randonnée le matin, circuit Tailles des Lys, départ 9 h à 13 h, baptêmes de 4×4 de 14 h a 18 h.

Nouvelle République, 5 décembre 2013