Les Verts et le nucléaire, la farce continue

NdPN : Les Verts semblent n’avoir plus de limite dans la renonciation pour s’accrocher à des postes de pouvoir ! Confirmation sur RTL avec les propos d’Emmanuelle Cosse – nouvelle secrétaire nationale d’Europe-Ecologie-Les Verts, dont on se demandait si elle irait dans le sens ou non de l’alliance avec le PS. On a la réponse : à peine désignée, c’est la confiance à Ayrault sur « l’écotaxe » (qui n’a rien d’écologique en elle-même et sert surtout à financer les routes) et la confiance à Hollande sur le nucléaire ! La priorité qui se dégage dans son discours concerne surtout le maintien de son parti au pouvoir, aux côtés du PS. Pour le nucléaire, « mais moi je vous le dis franchement, ce n’est pas la fermeture d’une centrale qui fait qu’on arrive à la réduction » : ce qui transparaît clairement dans son discours, c’est qu’il ne s’agit même plus d’exiger un arrêt de centrale en activité, mais de laisser le parc des centrales en l’état. « Fermer les centrales » consiste à attendre leur fermeture normale en fin d’activité ! Quelle honte. La croissance de la consommation d’énergies n’est pas remise en cause, bien au contraire il faudrait augmenter la production d’énergies, avec une plus grande part aux énergies prétendument « renouvelables » (dont on sait pourtant qu’elles polluent elles aussi) qui permettraient mathématiquement une réduction de la part du nucléaire à 50%… et la poursuite de la marche au productivisme capitaliste (et les « emplois » bien sûr). Mais qui peut encore voter vert ? Certainement pas les anarchistes, ni les anticapitalistes qui croient encore au vote, ni les antinucléaires, et encore moins les « décroissants » ! A bas le nucléaire, le capitalisme et la bureaucratie d’EELV.

EELV doit trouver « un second souffle » affirme Emmanuelle Cosse

[…]

« On a eu des moments beaucoup plus agréables avec des victoires électorales assez fortes, notamment aux européennes ou aux régionales. On a eu une campagne présidentielle difficile. La première année et demie de participation au gouvernement a connu des hauts et des bas et aujourd’hui, il faut qu’on trouve un second souffle pour notre parti et pour l’écologie [NdPN : ah quand même, le mot apparaît, mais on voit bien les priorités !]. C’est ce que nous demandent nos adhérents », a déclaré Emmanuelle Cosse sur RTL.

[…]

« Je ne pense pas qu’Anne Lauvergeon sait de quoi elle parle exactement », a-t-elle ensuite déclaré, invitée à réagir aux propos de l’ancienne patronne d’Areva jugeant « irréaliste » l’objectif présidentiel de réduire à 50% la part du nucléaire dans la production électrique française d’ici à 2025.

« L’objectif de François Hollande, c’est ce que fait l’Allemagne aujourd’hui. Ce n’est pas la fermeture d’une centrale qui fait qu’on arrive à cette réduction. C’est surtout en augmentant la part des énergies renouvelables », a-t-elle développé, rappelant que « beaucoup (de centrales) vont arriver à la limite d’âge de 40 ans ».

Extrait d’une dépêche AFP du 5 décembre 2013

[Poitiers] 35 emplois menacés à la Mission locale Poitou-Charentes

NdPN : l’Etat charge les missions locales de gérer les « emplois d’avenir » (lol), mais sans filer la thune qui va avec. Total, 35 emplois menacés en Poitou-Charentes, dont 9 dans la Vienne. Manif à Poitiers le 12 décembre, départ à 14h devant la gare.

35 emplois menacés à la Mission locale Poitou-Charentes

L’État français n’a pas fléché, pour 2014, sur les Missions locales du Poitou-Charentes, la dotation attendue. Résultat : des emplois sont menacés.

Le budget reste tous les ans un exercice d’équilibriste pour les directeurs des Missions locales. Pour 2014, l’accident social est prévisible avec l’annonce de la suppression des fonds sociaux européens : l’État a informé les responsables de ces associations qu’ils ne recevront pas, pour construire leur budget, les 1,4 M€ destinés aux 14 Missions locales du Poitiou-Charentes. Parallèlement, d’autres incertitudes s’ajoutent à cette certitude : le versement des subventions allouées par les collectivités territoriales.

Bon élève et sanctionné

Ces mauvaises nouvelles et interrogations génèrent de fortes inquiétudes chez les directeurs et les personnels : trente-cinq salariés pourraient payer chers ce changement de politique. A la Mission locale (ML) de Poitiers, quatre postes sont menacés, dans le Nord Vienne, trois autres et dans le Sud deux. Une petite dizaine de licenciements pour ce département. Le FSE représente 140.000 € du budget de la ML de Poitiers et 94.000 € pour celui de Châtellerault-Loudun. La colère des directeurs et des personnes sur le terrain n’est pas feinte : « Le paradoxe : nous avons une mission du service public avec une délégation de la gestion des emplois d’avenir et, dans le même temps, nous avons du mal à financer nos boutiques », commente Pierre Dugontier, directeur de la Mission locale du Poitou. Et d’ajouter, « Nos objectifs pour les emplois d’avenir étaient fixés à 191, nous en sommes à 241. » Dominique Comon, déléguée régionale Synami-CFDT Poitou-Charentes, ne comprend pas ce faux pas de l’État : « Le ministre, Michel Sapin, a dit que la jeunesse était une priorité et qu’il avait besoin de la Mission locale. » Cherchez l’erreur. La syndicaliste appelle à la grève jeudi 12 décembre (*) : « Nous jouerons collectif car nous avons l’espoir que ça n’arrive pas », souligne Dominique Comon. Une de ses collègues, moins optimistes, annonce que « six Missions locales sur les 14 passeront » cette année le cap difficile grâce à « leurs fonds propres. » Les autres, non.

(*) Jeudi 12 décembre, rendez-vous pour les manifestants à 14 heures à la gare de Poitiers pour un défilé dans le centre-ville.

Didier Monteil, Nouvelle République, 5 décembre 2013

En Grèce, l’État s’effondre, les quartiers s’organisent

NdPN : témoignage très intéressant d’Orestis, qui évoque le mouvement des assemblées de quartier en Grèce. Du grain à moudre !

En Grèce, l’État s’effondre, les quartiers s’organisent

Depuis 2008, de nouvelles formes d’organisation fleurissent au cœur des villes. Des habitants se réunissent à partir de leur lieu de vie pour tenter de reprendre en main la question de leurs conditions d’existence.

Orestis, Athénien francophone installé en France depuis peu, revient sur l’émergence du mouvement des assemblées de quartier.

D’où vient le mouvement des assemblées de quartier  ?

Orestis  : Je dois préciser que ce mouvement est très varié, qu’il est passé par plusieurs étapes et qu’il pourrait être raconté de mille façons différentes. L’idée des assemblées de quartier s’est répandue massivement après décembre 2008. La mort d’Alexis [1], ainsi que les semaines de révolte, d’affrontements et d’occupations qui ont suivi, puis l’agression à l’acide de la travailleuse du métro Konstantina Kuneva [2] sont des événements qui ont vraiment secoué la société.

Les grandes caractéristiques de cette révolte sont d’une part l’absence de revendications et de demande de réformes, et, d’autre part, son caractère décentralisé dans tous les quartiers d’Athènes d’abord, puis à travers tout le pays ensuite. Après décembre 2008, la dynamique des actions et des affrontements dans les centres-villes est arrivée à une limite et s’est déplacée dans les quartiers. Avec les assemblées, l’idée de départ était de se doter d’espaces pour se retrouver, sans avoir en tête quelque chose de très concret, mais avec plutôt l’envie de chercher collectivement. C’était une façon de prolonger les liens qui se sont créés pendant la révolte. Beaucoup d’assemblées se sont formées à ce moment-là, mais depuis seules quatre d’entre elles fonctionnent encore en continu. Les autres réapparaissent quand le mouvement social se réveille, comme aujourd’hui ou en 2011 — il y en avait alors une quarantaine à Athènes.

Est-ce que tu peux nous présenter l’assemblée à laquelle tu participes  ?

L’assemblée des habitants de Vyronas, Kasariani, Pagrati (VKP) est implantée dans des quartiers historiquement très populaires  : l’un d’entre eux était même le quartier rouge d’Athènes pendant la Résistance, le quartier que les nazis n’ont jamais pu conquérir. Cette tradition a été cassée au fil des années du fait de l’embourgeoisement des habitants, mais aussi parce que l’État y a implanté une caserne de CRS. Aujourd’hui, ces trois quartiers sont assez mixtes, mais en général ce sont des coins plutôt aisés.

À VKP, il y avait déjà des assemblées avant 2008, formées autour de luttes concernant les espaces publics. La première s’était tenue en opposition au projet de construction d’un théâtre en plein milieu d’un parc. En plus du bétonnage que ça impliquait, alors qu’Athènes est une des villes qui compte le moins d’espaces verts en Europe, les habitants savaient que le théâtre serait loué à des privés et que le prix des places y serait exorbitant. Grâce à leur mobilisation, le projet ne s’est pas fait et l’assemblée continue, aujourd’hui encore, à organiser des activités pour des enfants, des tournois de basket et un café à prix libre dans le parc tous les premiers dimanches du mois. Ils interviennent également de manière très active dans la vie du quartier, avec la distribution de textes militants notamment dans les écoles, des fêtes populaires avec des migrants, ou encore avec des actions de solidarité envers les personnes détenues après les manifestations pendant les grèves générales. Une autre lutte a rassemblé beaucoup de monde  : l’opposition au projet de tunnel et de carrefours autoroutiers qui allait détruire une partie de la montagne Ymyttos, un des derniers grands espaces verts de la ville situé à l’est du centre-ville. Il y a eu beaucoup de manifestations autour de la montagne, des blocages du périphérique et des actions aux péages, qui ont encore une fois permis l’abandon du projet. À VKP, les gens avaient donc déjà des connexions entre eux sur ces bases-là.

Puis, lors des révoltes de décembre 2008, ils ont occupé un centre municipal pour les jeunes pendant quelques jours et ont rapidement appelé à une assemblée. Après avoir organisé des assemblées toutes les semaines dans les trois quartiers, ils ont décidé de louer un local. Aujourd’hui, on est une trentaine à participer, ce chiffre est à peu près stable depuis le début.

Quel genre d’actions organisez-vous aujourd’hui ?

Nous menons deux grands types d’action : d’un côté, nous défendre contre les attaques du système et, de l’autre, élaborer des pistes et des formes de vie qui nous semblent désirables. Par exemple, en 2010, il y a eu un premier effort de coordination avec d’autres assemblées et collectifs libertaires qui interviennent dans la vie de leurs quartiers autour de la lutte contre l’augmentation du prix du ticket dans les transports publics. On se coordonnait de manière à ce que, le même jour, chaque assemblée organise des rassemblements dans les stations de métro et de bus. On distribuait des tracts, on sabotait des machines à composter et on proposait des autoréductions pour remettre en cause le discours consistant à dire que le transport public est une marchandise qui doit être rentable. On a essayé d’entrer en contact avec les travailleurs des transports publics, mais c’était difficile. Les gens d’Aube dorée — le parti néonazi — sont assez influents dans les syndicats de conducteurs de bus.

Puis on a participé à toutes les grèves générales depuis 2010, qui ont été sévèrement réprimées. Pendant l’une d’entre elles en particulier, les flics ont attaqué le cortège des assemblées de quartier. Une personne a été envoyée aux urgences dans le coma et a failli mourir ; d’autres ont été très grièvement blessées. Ce sont des moments qui nous ont beaucoup rassemblés, ça a aussi consolidé notre détermination. On bloquait les supermarchés et les centres commerciaux de notre quartier pour faire de cette grève une vraie grève, pour que personne ne consomme. On a aussi essayé d’encercler le Parlement pendant que les députés votaient le deuxième cycle des mesures d’austérité. Les assemblées de quartier ont joué un rôle important dans cette mobilisation.

Par ailleurs, on essaie d’avoir une présence permanente dans le quartier, en organisant des manifestations, mais aussi une cuisine collective et la culture d’un jardin squatté pour viser à une autosuffisance alimentaire. On tient aussi un marché au troc une fois par mois sur différentes places. Nous avons également un local où nous organisons diverses activités, des projections, des discussions et mettons à disposition une bibliothèque du quartier.

Toutes ces actions et ces pratiques cherchent à casser l’individualisme et le pessimisme qui sont présents partout en Grèce avec la crise, de lutter contre le cannibalisme social que l’État promeut indirectement comme une solution à la crise. À travers ces pratiques, on cherche à favoriser le développement de relations reposant sur l’égalité et la solidarité. Le quartier est un espace très fertile pour ça, d’autant plus qu’à Athènes il y a encore des endroits assez mixtes socialement, ce qui permet de créer des liens improbables.

Comment pensez-vous la question de la subsistance alimentaire  ?

Cette question s’est posée dès qu’on a commencé à organiser des cuisines collectives. On est entré en contact avec d’autres assemblées qui avaient des préoccupations similaires, puis, dans le même temps, un très grand espace a été squatté dans un quartier voisin : une villa avec de la terre cultivable. On a décidé d’appeler à la création d’une nouvelle assemblée qui se concentrerait sur cette question. C’est elle qui cultive maintenant une partie de ce terrain dans l’idée d’alimenter les cuisines collectives des quatre quartiers réunis autour de ce projet. On est loin d’avoir une autonomie alimentaire, mais c’est une première réponse. Cela dit, le squat où se trouve notre potager risque l’expulsion. Les expulsions de lieux occupés comme à Villa Amalias et à Skaramaga se multiplient à Athènes depuis début 2013.

On nous a beaucoup parlé de la polarisation de la société grecque, est-ce que vous la ressentez dans votre assemblée ?

Certaines personnes viennent avec l’idée qu’il y a trop d’immigrés dans nos quartiers et qu’il faut faire quelque chose. C’est le risque à prendre quand tu participes à des mouvements ouverts. Parfois aussi, tu peux tomber sur des réactions sexistes pendant les actions. Le seul moyen de contrer ça, c’est d’en parler de manière collective. La plupart du temps les gens comprennent ou, s’ils ne comprennent pas, ils se sentent vite mis à l’écart et partent. Par contre, dans une autre assemblée de quartier qui lutte contre les antennes téléphoniques, deux fascistes sont venus sans déclarer leur appartenance à Aube dorée. On l’a su parce que c’est un petit quartier où tout le monde se connaît. La seule chose à faire a été de leur dire qu’ils n’étaient pas les bienvenus.

Avez-vous souvent affaire à Aube dorée ?

Après son entrée au Parlement, et grâce aux financements qui vont avec, Aube dorée a ouvert des bureaux dans tout le pays. À chaque fois qu’ils inaugurent une nouvelle antenne, il y a des contre-rassemblements qui débouchent souvent sur des affrontements avec la police. Sans la protection de celle-ci, ils ne pourraient jamais affirmer leur présence dans les quartiers. Heureusement, pour le moment, ils n’ont que deux commissions de quartier vraiment actives à Athènes. Dans des quartiers populaires comme ceux de l’ouest, près du port du Pirée, ils exercent une certaine influence. Là-bas, des assemblées de quartier les ont affrontés ouvertement. Dans notre quartier, il n’y a ni présence fasciste ni chasse aux migrants, mais c’est en partie grâce à notre implantation et notre présence en continu. D’après moi, la lutte antifasciste consiste plus à mettre en avant tes propres structures et le monde que tu proposes — qui est dans son essence foncièrement antifasciste — qu’à les dénoncer par des discours et à les combattre dans la rue.

Tu nous as parlé de la première vague d’assemblées nées après décembre 2008. Quelles ont été les autres initiatives de regroupement dans les quartiers  ?

En mai 2011, dans le sillage du mouvement des indignés et de l’occupation de la place Syntagma, à Athènes, il y a eu une autre grande vague d’assemblées. Dans notre quartier, des militants d’une partie de la gauche radicale ont appelé à former une autre assemblée à laquelle nous avons voulu participer. Mais il y a vite eu des contradictions fortes entre eux et nous. Quand, de ton côté, tu veux créer un espace de dialogue et qu’en face de toi tu as quelqu’un qui y entre de manière dirigiste et paternaliste, forcément ça provoque des conflits. À cette période, ils ont chapeauté plusieurs assemblées de quartier avec des revendications comme la nationalisation des banques. Les gens qui cherchaient un espace ouvert au débat se sont désintéressés et la dynamique de cette deuxième vague n’a pas duré. Ces assemblées n’ont pas pu ou n’ont pas voulu aller vers des revendications concrètes liées à la santé, à l’éducation ou à la subsistance alimentaire. Bref, ils n’ont pas cherché à promouvoir une autre manière de vivre, loin du système capitaliste qui s’effondre autour de nous. « Faut-il nationaliser les banques ? » n’est pas la bonne question à se poser d’après moi. Une troisième vague d’assemblées a commencé depuis que l’État a couplé le paiement d’une taxe foncière exceptionnelle à la facture d’électricité : les habitants qui n’ont pas de quoi payer cette taxe se voient couper l’électricité. Cette taxe et les tentatives d’y faire face ont pas mal accentué les différences entre les assemblées. Certaines ont accueilli de nombreuses personnes surtout venues pour qu’on ne leur coupe pas l’électricité et qui disaient « On veut que vous nous régliez ce problème-là », le « vous » s’adressant aux gens de l’assemblée qui sont les plus actifs politiquement. Une partie d’entre eux a accepté d’endosser ce rôle. Pour moi, ça revient à abandonner l’organisation horizontale au profit d’une logique de délégation.

Notre assemblée a elle aussi lancé un appel pour s’organiser sur cette question des taxes. Elle est très dynamique et agit de manière assez radicale : il n’y aura pas de coupures dans nos quartiers, que ce soit pour des raisons de taxe impayée ou autre. Pour nous, l’électricité est un bien vital.

L’assemblée est allée faire des interventions dans les bureaux fiscaux. Nous avons contraint l’entreprise de sous-traitance chargée de couper l’électricité à déménager du quartier. Puis, nous sommes aussi allés à l’antenne locale de la compagnie d’électricité pour leur couper le courant. Maintenant, on a mis en place des patrouilles dans le quartier pour empêcher les techniciens de couper l’électricité. En ce moment, c’est une des luttes principales menées par les assemblées avec la lutte antifasciste.

Peux-tu nous parler des mouvements qui vous influencent ?

Le mouvement des assemblées de quartier doit beaucoup à ce qui s’est passé en Argentine. Même s’il n’y a pas de référence directe, l’influence est là. Pendant les premières grèves générales, l’Argentine était très présente dans les esprits, comme par la suite la Tunisie et l’Égypte. Une autre influence importante est celle des mouvements d’autoréduction en Italie dans les années 1970 : les groupes qui s’organisaient pour ne pas payer les loyers, l’électricité ou les transports. Dans notre assemblée en particulier, de nombreuses personnes ont été inspirées par la lutte zapatiste au Mexique et sa quête de l’autonomie. Nous avons participé à des actions de solidarité avec ces luttes dans notre quartier.

Une chose commune à toutes ces sources d’inspiration et qui se retrouve dans les assemblées, c’est la volonté de s’organiser de manière horizontale, sans partis politiques : même s’il y a des militants de partis, ils participent aux assemblées en tant qu’individus, sans leur étiquette. Les bases politiques sont l’autonomie et la volonté de créer des structures en dehors du capitalisme, fondées sur le partage et la solidarité. Dans notre assemblée, il y a des fondements qui se sont mis en place après de très longues discussions. On a cherché à créer un consensus pour trouver une manière d’avancer ensemble.

En Grèce, il y a moins cette croyance dans les institutions, l’idée du contrat social et la représentation politique qu’en France. C’est un terrain fertile pour les idéaux antiautoritaires, tout comme pour les idéaux hyperautoritaires. C’est plus facile ici qu’en France de se retrouver sur des bases communes avec des personnes aux parcours politiques variés. En revanche, le risque de devenir un groupe politique fermé, affinitaire, existe toujours : trouver les moyens d’être toujours ouverts à de nouveaux arrivants, c’est une lutte à mener.

Quel est le bilan que tu tires des quatre années d’existence de ton assemblée ? Et, plus généralement, des assemblées de quartier ?

Pas facile à dire. Depuis la fin de la révolte de 2008-2009, on se retrouve constamment à courir derrière l’actualité. Ce que les assemblées de quartier apportaient de nouveau comme possibilités, c’était justement d’arrêter de se borner à revendiquer les choses qu’on te vole et de mettre en avant le monde auquel on aspire. Mais les obstacles sont nombreux et la répression envers les militants politiques, la montée d’Aube dorée, l’explosion du chômage et les violences répétées contre les immigrés font que tu ne peux pas juste suivre ton programme comme si de rien.

Un des points faibles du mouvement, c’est que les moments de montée en puissance n’ont jamais pu aboutir à des résultats plus concrets. L’assemblée des assemblées de quartier a été un de ces moments. En novembre 2011, toutes les assemblées qui existaient à l’époque se sont réunies : une quarantaine à Athènes, avec quatre cents représentants et une bonne dynamique. Mais elle s’est essoufflée. On n’arrive pas à aboutir à des victoires concrètes et ça crée des déceptions, une sensation de défaite qui est en ce moment très présente en Grèce. Cette sensation vient aussi du fait que les assemblées de quartier ne se présentent pas encore aux gens comme une solution viable pour organiser le quotidien.

La volonté de créer des structures fondées sur l’auto-organisation et l’autonomie pose beaucoup de questions : comment les construire en dépassant les logiques de charité et de philanthropie ? Comment créer ton autonomie dans un environnement où on t’a tout volé, où tu n’es plus capable de produire quoi que ce soit par toi-même, surtout en situation urbaine ? Comment faire pour que les gens participent vraiment ? Quand on organise des cuisines collectives ou du troc, on doit constamment expliquer le fait qu’on n’est pas simplement un service de distribution. Je crois qu’il n’y a pas de réponse satisfaisante par rapport à ça, il faut surtout avoir de la patience. Ce que je vois, c’est que dans les assemblées qui deviennent très massives, les gens ont tendance à déléguer les tâches et à se faire représenter par un petit nombre ; alors que plus il y a des relations personnelles et des contacts entre les gens, plus le partage est égal. C’est une question de relations. Mais rares sont ceux qui pensent qu’on peut vivre par nous-mêmes, sur la base du consensus et du dialogue, qu’on peut prendre nos vies en main.

J’ai pourtant l’impression que plus l’État et le système économique s’effondrent, plus ce genre de « zones grises » se développent et plus d’autres modes d’organisation et de relations deviennent possibles. C’est en cela que le rôle des assemblées va être crucial. Il ne faut pas seulement garder la braise chaude, il faut aussi faire en sorte que le feu dure longtemps. De nouvelles structures se mettent en place tous les mois en Grèce. De ce point de vue, ce mouvement est sur la bonne voie.

Propos recueillis par Laure Köylü et Juliette Bulbari.

Entretien extrait du n° 7 de Z, revue itinérante d’enquête et de critique sociale, printemps 2013.

Vu sur La voie du jaguar, 4 décembre 2013

Balises portables pour tous

NdPN : un secret de Polichinelle éventé par le Washington Post : la NSA géolocalise des centaines de millions de personnes à travers le monde… voir aussi cette petite vidéo sur le site du Monde, qui évoque Upstream et Prism concernant la surveillance des flux internet. Cela dit, si des Etats comme la France ne protestent guère, c’est parce qu’ils ont – à moindre échelle – des technologies et des pratiques similaires…

La NSA géolocalise des centaines de millions de téléphones portables

La NSA, l’agence américaine chargée des interceptions de communications, intercepte les données de géolocalisation de centaines de millions de téléphones portables dans le monde, a révélé mercredi le Washington Post, s’appuyant sur des documents fournis par l’ancien consultant Edward Snowden.

Six mois après les premières révélations de Snowden notamment sur la collecte des métadonnées téléphoniques (durée des appels, numéros appelés etc.), cette nouvelle révélation semble montrer que l’agence américaine est également capable de suivre des personnes à la trace grâce à leur portable, même quand celui-ci n’est pas utilisé.

L’agence stocke des informations sur « au moins des centaines de millions d’appareils » et enregistre « près de 5 milliards » de données de localisation par jour, affirme le quotidien sur son site internet.

« Nous obtenons de vastes volumes » de données de géolocalisation partout dans le monde, a confirmé un haut responsable de cette collecte cité par le Post.

L’agence y parvient en se connectant aux câbles qui relient les différents réseaux mobiles dans le monde et collecte « incidemment » des données de géolocalisation de citoyens américains.

L’intérêt de cette collecte, permise par le dialogue constant entre un téléphone et l’antenne-relai la plus proche et de puissants algorithmes mathématiques, est de « retracer les mouvements et de mettre en lumière des relations cachées entre des personnes », explique le quotidien.

Le volume de données enregistrées et stockées par la NSA atteindrait 27 térabytes, soit deux fois le volume de l’ensemble du contenu de la bibliothèque du Congrès, la plus importante du monde.

Ce volume d’informations serait tel qu’il « surpasse notre capacité à digérer, traiter et stocker » les données, affirme le Washington Post, citant un document interne de la NSA datant de 2012.

« Les capacités de la NSA pour géolocaliser sont ahurissantes (…) et indiquent que l’agence est capable de rendre la plupart des efforts pour avoir des communications sécurisées futile », croit encore savoir le Washington Post.

AFP, 4 décembre 2013

L’Etat social sent le sapin

NdPN : Restructuration du Capital sur plusieurs fronts… le mythe de « l’Etat social » n’en finit pas de sombrer. Alors que l’Etat portugais sous l’invitation de la Troika diminue drastiquement les salaires et les retraites en versant des larmes de crocodile, l’Etat français vient de formuler une nouvelle attaque de plus. Par la voix du sinistre « socialiste » du Travail (Michel Sapin), qui annonce une réduction de 50 milliards d’euros de dépenses publiques sur les quatre prochaines années, pour l’Etat, les collectivités locales et… « évidemment pour les régimes sociaux ». Comme l’Etat demeure prodigue avec les grands patrons, comme on vient de le constater avec les annonces gouvernementales d’aide aux entreprises françaises en Bretagne ou en Afrique (le MEDEF réclame d’ailleurs, depuis toujours, une réduction des dépenses publiques) et ses hauts fonctionnaires zélés (on voit mal un sapin se tronçonner ses propres branches), on se doute bien que c’est encore le prolo qui va devoir se serrer la ceinture d’un cran de plus !

-T’inquiète, j’ai lubrifié la tête

Sapin souligne l’importance de la baisse des dépenses publiques

Le ministre du Travail, Michel Sapin, a mis l’accent mercredi sur l’importance de la « maîtrise des dépenses publiques » en citant le plan de 50 milliards d’économies en 4 ans annoncé par Jean-Marc Ayrault.

Invité de « Questions d’Info » LCP/FranceInfo/LeMonde/AFP, Michel Sapin a expliqué, à propos de la réforme fiscale en cours d’élaboration, que « le principe même » de la CSG progressive était « séduisant » mais que sa mise en application était  « extrêmement difficile ». L’idée d’une fusion de l’impôt sur le revenu avec la contribution sociale généralisée est une des pistes explorées dans le cadre de la remise à plat du système fiscal.

Il faut « faire attention justement à ce que la progressivité sur la CSG qui est une bonne idée ne se transforme pas en augmentation de la CSG pour une bonne partie des Français. Ce n’est pas l’objectif du gouvernement », a-t-il poursuivi.

Partant de ce constat, il a enchaîné: « Comment fait-on, alors, si on n’augmente pas (les impôts)? C’est la question de la dépense publique, c’est la question de la maîtrise de la dépense publique ».

Il a évoqué une « réduction ordonnée, intelligente, de la dépense publique », comme lui paraissant « être demain la seule solution ».

A cet égard, il a souligné le plan de 50 milliards d’euros d’économies sur 4 ans (2014, 2015, 2016, 2017) sur la dépense publique annoncé le matin même par le Premier ministre. « C’est 15 milliards, 15 milliards, puis 10 milliards et 10 milliards. C’est déjà beaucoup », a-t-il commenté.

« Donc, mettons en œuvre ce plan de rationalisation de la dépense publique, d’économie dans la dépense publique. Ça vaut pour l’État, ça vaut pour les collectivités locales, ça vaut aussi évidemment pour les régimes sociaux », a ajouté le ministre.

AFP, 4 décembre 2013