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[Poitiers] A propos de « l’obélisque brisé » de Didier Marcel

A propos de « l’obélisque brisé » de Didier Marcel

Les jardins du Puygarreau, situés juste derrière l’hôtel de ville de Poitiers, ont été inaugurés le lundi 17 février 2014. Ils concluent l’opération de rénovation du centre-ville nommée « Coeur d’agglo », qui a coûté rien moins que 25 millions d’euros (hors rénovation des façades et des canalisations souterraines). L’aménagement des jardins du Puygarreau, poinçonnés d’un obélisque imposant, constitue bien le clou du spectacle de cette opération urbanistique. Le projet a été mené sous la houlette de David Perreau, à partir des directives de Yves Lion (l’architecte urbaniste de coeur d’agglo), durant quatre années de travail. Il a coûté à lui seul un million d’euros. Dans cet espace éminemment symbolique, jouxtant le centre du pouvoir municipal, les enjeux « artistiques » sont tout autant politiques ; force est de constater que rien n’a été laissé au hasard…

Dans les jardins du Puygarreau

Les jardins reçoivent trois oeuvres d’art contemporain. Hormis l’obélisque, il y a cette grille en inox d’Elisabeth Ballet, fermant les lieux (de 8 h à 17 h 45 du 1er octobre au 31 mars, et de 8 h à 20 h, du 1er avril au 30 septembre). De son propre aveu, cette grille « Tourne-sol » porte une réflexion sur le « sécuritaire ». De fait, elle ressemble (délibérément ?) aux barreaux d’une porte géante de cellule de prison, cette institution pilier de la démocratie autoritaire.

Pierre Joseph a quant a lui installé huit images d’archives colorées montrant des enfants sur des terrains de jeux. Il a aussi installé des jeux pour enfants, couleur acier ou blanche : les formes rondes prédominent, avec un dôme d’escalade et des sortes de bascules tournantes. Des images passées, du rond, du lisse… du vide : rien que les bambins puissent saisir (mises à part les barres), utiliser comme cachettes, s’approprier. Le nom même de l’installation évoque de façon saisissante le programme politique du pouvoir moderne : « Aire/air/erre/ère » rime avec aménagement métropolitain, anéantissement de toute consistance sociale, écrasement de toute aventure au profit d’une course folle et sans but des marchandises, consécration d’une époque contre-révolutionnaire.

Ces installations sont parfaitement à l’image de l’espace public « Coeur d’agglo », avant tout espace de circulation marchande sous contrôle autoritaire. Au milieu trône le message artistique principal, surplombant les lieux, le totem de cet « obélisque brisé » de Didier Marcel. Selon la presse locale, l’objet de 5 m de haut évoquerait le « bûcheron défricheur »… elle s’en tiendra là, comme devant un (for)fait accompli.

obélisque brisé

L’obélisque brisé

Didier Marcel, 53 ans, vit et enseigne à l’Ecole nationale supérieure d’art de Dijon depuis 2006, en même temps qu’il expose dans de nombreuses institutions culturelles du monde entier ; signes d’une reconnaissance de son travail par le pouvoir, consacrée par un prix international de l’art contemporain.

Il travaille principalement sur la mise en spectacle de maquettes, et de moulages d’objets prélevés dans la nature, transportés et transformés en vue de leur exposition artistique au moyen de cadrages, flocages et d’élévations. Comme l’artiste le dit lui-même dans cette instructive vidéo, la réflexion (l’idéologie ?) joue un rôle très important dans son travail. « La chose disparaît derrière l’idée » : l’idée surmonte le réel, qui se change en « signe » (mot leitmotiv), sur un « territoire ». Le spectacle du réel réifié « décrit l’espace qui nous entoure ». L’objet (qu’il s’agisse d’une maquette ou d’une installation plus monumentale), « renvoie à notre réalité », qui est cellle des « centres-villes, des espaces suburbains, de la nationale », bref, à la domination d’une dynamique plus qu’urbaine sur les espaces humains : métropolitaine. Les motifs d’ornement des surfaces de l’objet d’art doivent eux-mêmes évoquer la « répétition », à l’image de la « répétition » et de la « chose sans fin » de l’objet lui-même démultiplié dans l’espace.

Le spectacle de la subversion…

Se doublant d’une réflexion sur l’élévation des objets, son art figure, de façon quasi-explicite, la dynamique moderne de domination totale et totalitaire de l’espace. Marcel compare ainsi les colonnes de ses arbres avec l’édifice d’une « cathédrale », référence à la religion que l’on retrouve d’ailleurs dans toute l’oeuvre de Barnett Newman, dont Marcel s’est inspiré en réinterprétant l’obélisque brisé (1).

L’approche de l’art par Marcel est donc plus que « néo-romantique » : elle est politique. Qu’il s’agisse d’arbres le plus souvent dénués de branches, totémisés, ou d’une sculpture de terre labourée élevée à la verticale sur le mur d’une galerie d’art : sous la « métaphore » de la sculpture du vivant, de l’aménagement du paysage, Marcel nous parle d’emprise, de pouvoir qui s’exerce sur l’espace. L’ambiguité de sa réflexion avec la « Nature », sorte d’ode étrange à un paradis perdu, naît de la réification même de celle-ci (le « naturel artificiel »), sous l’effet d’une dissociation de l’homme d’avec son environnement. L’emprise va avec la dépossession. Ce n’est évidemment pas un hasard si la participation de Marcel a été sollicitée par les concepteurs de l’opération urbanistique de gentrification de Poitiers, ces professionnels de la dépossession symbolique et réelle.

Car l’art de Marcel est si éminemment politique que le réel remanié par l’artiste ne concerne pas que la nature. En filigranes, il décrit la domination politique, l’histoire de l’écrasement des mouvements sociaux, de la vie sociale même, par le pouvoir. Les références historiques sont bien là : à Dijon, la ville qu’il habite, Marcel a fait installer le tronc d’un arbre, floqué en blanc et tournant, rue de la Liberté. L’objet, moulé à partir d’un arbre du parc de la Colombière, a été inauguré le 18 mai 2013. Référence évidente aux arbres de la liberté, plantés lors de la révolution de 1848, censés figurer la réconciliation de toutes les classes et autour desquels l’on dansait, comme dans toutes les révolutions. Là, on ne danse plus : l’arbre tourne (« on ne tourne pas autour de l’objet, on le regarde tourner », dit l’artiste sur ses dispositifs tournants). Il est blanc, couleur totale (totalitaire ?) contenant toutes les couleurs. Dénué de branches, impossible de s’en saisir. La révolution est morte, elle s’est figée en spectacle de l’impuissance sociale, s’imposant à la vue des passants allant travailler ou consommer.

L’obélisque brisé de Poitiers ressemble lui aussi à une « colonne » (Marcel lui-même qualifie ainsi ses oeuvres en forme de tronc d’arbre). L’adjectif « brisé » peut aussi évoquer une référence à la colonne Vendôme, symbole du pouvoir dictatorial de l’Empire bonapartiste (amateur d’obélisques volés à l’Egypte conquise). Cette colonne fut abattue par les révolutionnaires lors de la Commune de Paris en mai 1871. Pour rappel, cet édit de la Commune :

« La Commune de Paris, considérant que la colonne impériale de la place Vendôme est un monument de barbarie, un symbole de force brute et de fausse gloire, une affirmation du militarisme, une négation du droit international, une insulte permanente des vainqueurs aux vaincus, un attentat perpétuel à l’un des trois grands principes de la République française, la fraternité, décrète : article unique – La colonne Vendôme sera démolie. »

Après le massacre des communards, le président de la République Mac-Mahon imputa l’insupportable attaque contre ce symbole du pouvoir à l’artiste anarchiste Courbet, condamné à payer les frais de reconstruction de la colonne pendant 33 ans. L’artiste mourra, ruiné et isolé, avant de verser la première traite.

La dimension politique se confirme lorsqu’on considère plus en détail l’oeuvre exposée dans les jardins du Puygarreau à Poitiers, notamment dans ses différences avec le Broken Obelisk de Newman (1). Tout d’abord il ne s’agit plus d’un obélisque, mais comme déjà dit d’une colonne, figurant un arbre… objet vivant par excellence, figurant la « nature », ici morte. Il ne s’agit plus de deux éléments distincts (un obélisque renversé posé sur une pyramide), mais d’un seul, un tronc sans branches et presque entièrement coupé à sa base par les coups de quelque hache. Si le diamètre différent du tronc, de part et d’autre de ce rétrécissement, évoque l’oeuvre originelle de Newman, la couleur diffère et là encore, le flocage est blanc : couleur totale englobant toutes les autres, à l’image d’un projet politique totalitaire de domination complète des espaces sociaux, dans leur infinie diversité. Cet aspect englobant  est renforcé par la circularité de l’objet (contrairement aux arêtes de l’obélisque de Newman surmontant la pyramide). Néanmoins, l’espace symbolique de la coupure est bien doté d’angles, et recouvert de huit surfaces réfléchissantes triangulaires, renvoyant son image (sa responsabilité ?) au spectateur isolé par son propre reflet. Les passants sont invités à réfléchir à leur rôle dans le défrichement de l’espace.

…brisée

Mais si l’oeuvre interpelle politiquement, elle n’ouvre délibérément aucune perspective… à l’image d’une nature réifiée, envisagée sous l’angle de la nostalgie, de la culpabilité et de l’impossibilité, et à l’image des miroirs éclatés de l’obélisque brisé, renvoyant chacun des spectateurs à sa solitude, à sa pseudo-responsabilité dans le désastre en cours. L’oeuvre monumentale dans l’espace public n’est que le spectacle du pouvoir absolu, sur la société, des décideurs qui la commandent. Elle est la manifestation éhontée du primat de l’espace public, c’est-à-dire du pouvoir autoritaire sur l’espace social. Quand bien même elle s’aventure plus ou moins subtilement à montrer que la nature de ce pouvoir est un désastre écologique et social, c’est pour montrer que ce désastre, cette négation de la vie, est indépassable.

Elle renvoie ainsi à l’environnement imposé par l’opération Coeur d’agglo, qui l’a financée, et qui n’a cessé de se manifester que comme opération de gentrification de la ville, avec son lot d’arrestations de pauvres (« marginaux », sans-papiers) et de militants anti-autoritaires. L’obélisque achève et entérine la muséification de l’espace social, dans ces tristes jardins du Puygarreau, fermés à l’heure où les prolos quittent le boulot et gardés par un fonctionnaire vigile en bleu lorsque leurs grilles en forme de barreaux de prison sont ouvertes ; où l’on ne peut que passer car les rassemblements d’associations y sont formellement interdits à moins de demander la permission aux décideurs. L’obélisque brisé, objet d’art en forme de borne milliaire d’un centre-ville tombé sous l’empire d’une galerie marchande à ciel ouvert, traduit un message du pouvoir spécifique, que l’on retrouve bien souvent dans les oeuvres monumentales commandées par des autorités : le constat effrayant, tétanisant, de la monstruosité de l’Etat, en même temps que sa prétendue indépassabilité.

Le pouvoir ne s’inquiète pas qu’on le qualifie de Léviathan (2) à la façon de Hobbes, bien au contraire : comme chez Hobbes, l’Etat se veut incontestable. Il s’agit pour lui de donner le spectacle de sa suprématie, d’écraser toute contestation réelle en délivrant le message qu’hors de lui, tout ne peut et ne doit être qu’impuissance. La « liberté d’expression » critique des institutions, politique ou artistique, n’est tolérée que si ce sont les institutions qui la sollicitent. Parallèlement à l’art imposé dans l’espace public, aux festivals de rue en forme de soupapes sous contrôle policier, à l’absence de panneaux d’affichage public en centre-ville, et aux manifs citoyennistes bien balisées d’où chacun rentre gros-jean-comme-devant, le projet d’emprise totalitaire sur l’espace vécu réprimera les arts de rue (spectacles subversifs, graffitis ou tags), les fêtes spontanées, l’affichage politique sauvage, les manifestations et rassemblements « illégaux » non-déclarés à la préfecture.

Par sa nature même l’Etat prétend tout contrôler… y compris ses critiques, qui ne doivent provenir que de milieux autorisés, financés par le mécénat public des barons de territoires, à coups de milliers et de millions d’euros. Dans le cas des artistes, il s’agira de produire des oeuvres désespérantes, de terreur, en forme de colonnes trajanes et d’arcs de triomphe, figurant les peuples brisés, l’autonomie populaire anéantie. Si l’art contemporain paraît si nihiliste, c’est parce qu’il exprime la logique marchande d’un monde où tout se vaut et où rien ne vaut rien, d’où toute valeur autre que l’argent a disparu ; c’est que l’art contemporain fait lui-même le vide, pour laisser place à l’omniprésence du pouvoir. Dès lors, l’artiste contemporain subventionné aux mamelles de la louve du mécénat public, de cette République assassine dès ses origines, n’est rien moins que le bouffon nourri par les seigneurs de l’Antiquité et du Moyen-Age, le Poquelin moderne raillant les classes n’ayant pas l’heur d’appartenir à l’aristocratie qui le nourrit, cette élite de brutes qu’il ne critiquera qu’avec des révérences parce que, bon gré mal gré, il la révère. Si l’art est le pouvoir de façonner le réel, les experts-enseignants professionnels en Art Contemporain sont aux artistes de la vie quotidienne, ce que le pouvoir politique de la domination sociale et de l’atomisation est à la réappropriation révolutionnaire du pouvoir social d’agir.

Si de nouvelles communes devaient ébranler l’ordre établi et ses symboles, gageons que leurs cognées sauront de nouveau abattre toutes les manifestations symboliques du pouvoir déchu, laissant place à l’explosion révolutionnaire de mille actes d’art social. A regarder l’entaille béant dans son oeuvre, je me prends à imaginer que c’est peut-être aussi ce dont rêve, secrètement, Didier Marcel.

Juanito, Pavillon Noir, 20 février 2014

Notes :

(1) Broken Obelisk (« Obélisque brisé ») est la plus grande (7,50 m) des sculptures de Barnett Newman. Conçue entre 1963 et 1967, elle figure « un obélisque renversé, dont le sommet repose sur un piédestal pyramidal et dont le pied, pointé vers le haut, est brisé » (Wikipedia). Quatre versions de cette sculpture ont déjà été réalisées et installées dans des espaces publics (aux Etats-Unis, et à Berlin). Ann Temkin, curatrice, explique : « Il y a cette idée d’une élévation de l’aspiration insatisfaite, d’une complainte pour un temps qui n’est plus celui des héros, mais celui des assassinats, des rêves brisés, des déceptions, des espoirs. Je pense que cela reflète les sentiments politiques, démocratiques, fondamentalement populaires de Newman, qui a vivement souhaité inventer là un symbole qui représente tout le monde. » Le monde écrasé ?

(2) Voir l’oeuvre d’Anish Kapoor, Léviathan, un summum de révérence à l’égard du biopouvoir des institutions « culturelles » qui l’ont financée. Là encore, la référence biblique manifeste la dimension fondamentalement religieuse, c’est-à-dire totalitaire, de l’Etat-mécène.

[Montmorillon] Mobilisation contre les carrières : la mairie commence à reculer

NdPN : Pour plus d’infos, voir cet article précédent.

1.480 signatures contre les carrières

A trois jours de la fin de l’enquête publique, l’association des Amis du Chemin des Maçons annonce qu’elle a obtenu 1.480 signatures contre les carrières.

Quel impact l’affaire des carrières aura-t-elle dans les urnes le 23 mars ? Dans l’équipe du maire sortant comme dans les deux concurrentes, on reste encore prudent sur le préjudice et les bénéfices de cette polémique surgie début janvier. Même si dans l’entourage d’Yves Bouloux, on déplore que l’enquête publique n’ait pas été reportée de quelques mois : le dossier a visiblement suivi son cours sur le strict plan de l’urbanisme, sans que soient anticipées les retombées politiques de cette fameuse révision n° 4.

La vente d’une maison annulée

A trois jours de la clôture de l’enquête publique, « les dés sont jetés » a résumé lundi soir Daniel Deparis, président de l’association des Amis du Chemin des Maçons (ACM), créée courant janvier pour fédérer les riverains et opposants. Il a annoncé que leur pétition a recueilli 1.480 signatures. « Dont 765 habitants de Montmorillon », a précisé son épouse Régine. La liste des signataires sera remise vendredi matin au commissaire enquêteur. « Non à la carrière », « Non à la révision du PLU n° 4 », « Non à nos habitations à prix discount » : ces banderoles vont apparaître aux abords de la cité des maçons. Les riverains avaient hésité jusqu’à présent, craignant de stigmatiser leur quartier. Le mal est fait de toute façon constate l’un d’eux : « J’étais en train de vendre ma maison. On avait quelqu’un : on s’était mis d’accord sur le prix et nous allions signer le compromis. Mais la semaine dernière, l’acheteur est venu dans la région, on lui a parlé du projet de carrière, il a tout annulé. » L’association « Montmorillon avec vous » (liste de gauche emmenée par Guy Gévaudan) a par ailleurs pris position. Elle promet d’annuler la modification du PLU si elle prend les rênes de la ville (1) : « L’agrandissement des carrières aura un impact négatif sur la qualité de vie des riverains et la valeur de leurs propriétés en sera fortement diminuée. Ce projet aura des effets néfastes sur l’image de notre ville. » « Montmorillon avec vous » estime que le dossier relève davantage de la communauté de communes, au titre de la compétence économique. Hier, le maire Yves Bouloux nous a indiqué qu’il mettra au vote, ce soir lors du conseil municipal, une modification du zonage des parcelles, afin d’éloigner des habitations la zone exploitable en carrière.

(1) Un engagement similaire a été pris par l’équipe de Christophe Cafardy.

L’ACM organisera une marche le dimanche 16 mars.

Sébastien Kerouanton, Nouvelle République, 19 février 2014

Pour un cortège anti capitaliste et anti autoritaire le 22 février

AÉROPORT = CAPITALISME
ARRÊT IMMÉDIAT !

UN TOURNANT DE LA LUTTE !

Représentative des luttes contre le capitalisme et ses conséquences pour l’Humanité et la planète, la mobilisation contre le projet d’aéroport entre dans une nouvelle phase.

Sur le terrain, avec l’occupation active de la ZAD et la mise en culture des terres saisies, avec ses 200 comités locaux à travers tout l’hexagone, elle n’a jamais été aussi forte et organisée.

Les oppositions au projet ont démontré, par des études complémentaires contradictoires et recours juridiques – qui ont retardé d’autant le projet – que l’État bafouait ses principes de légitimation (démocratie, défense de l’intérêt commun…) pour servir les bénéfices privés d’une multinationale et la construction d’une métropole du Grand Ouest fantasmée, nouveau sésame de la Croissance Économique.

Ainsi, le préfet de Loire-Atlantique a signé fin 2013 les autorisations de travaux du barreau routier et de destruction des espèces, sur la ZAD de Notre Dame des Landes, annonçant un futur passage en force. Ce qui ne serait pas nouveau pour imposer un grand projet industriel…

Lors de l’opération César en automne 2012, ce sont l’opposition déterminée sur le terrain et la solidarité qu’elle a suscitée, qui ont empêché le lancement du chantier. Aujourd’hui nous ne couperons pas à l’épreuve de force, même s’il est difficile de prévoir quand, où et comment… Si les prochaines élections municipales et européennes peuvent retarder l’offensive, celles-ci ne changeront rien puisque les deux partis susceptibles d’arriver aux « affaires », PS ou UMP, sont également pour le projet.

L’EMPLOI, UN FAIRE-VALOIR BIAISÉ

Tous les arguments des porteurs du projet ayant été démontés (Nantes-Atlantique saturé, bruits, rentabilité économique, coût réel d’une extension…), les pro-aéroport essaient aujourd’hui de vanter la création d’emplois et la relance de l’activité économique… par un financement majoritairement public de 600 millions d’euros largement sous-estimé et un Partenariat Privé Public en or pour Vinci (ce qui priverait par ailleurs de chantiers nombre de petites entreprises !).

De fait, la situation sociale se dégrade (fermetures d’entreprises, précarité croissante, diminution des services publics, des aides sociales et pensions…) avec en parallèle des aides fiscales croissantes pour le patronat : 50 milliards d’allègements de cotisations sociales et de crédits d’impôts, en échange de… promesses !

Les traités européens de libre échange avec le Canada et les USA vont déstabiliser encore plus de nombreux secteurs. Le projet de « ferme des mille vaches » d’Abbeville, stoppé par la mobilisation, incarne bien le modèle de l’agrobusiness, rentabilisé grâce au prix de l’électricité obtenue par méthanisation, sans égard pour les conséquences humaines et écologiques. Si ce modèle s’impose, il éliminera l’agriculture paysanne qui résiste encore. Cette logique du tout économique, alimentée par le gouvernement, est à l’opposé des valeurs d’entraide et d’autonomie alimentaire portées par la résistance au projet d’aéroport.

UNE AUTRE ORGANISATION COLLECTIVE POUR LE PARTAGE DE LA PRODUCTION

Ce chantage à l’emploi doit être dénoncé, en lui opposant un autre modèle de production, défini collectivement, prenant en compte les paramètres humains, écologiques et sociétaux.

Par exemple, l’initiative Sème ta ZAD rassemble depuis mars 2013 zadistes et agriculteurs pour expérimenter un autre fonctionnement collectif, en remettant en culture par différentes techniques des terrains expropriés.

Cette critique en actes du capitalisme vise aussi la logique de réorganisation urbaine à l’œuvre sur l’axe Nantes-Saint-Nazaire, future métropole qui justifie aux yeux des décideurs un aéroport international, un barreau routier et toutes les zones urbanisées qui suivront ! Là aussi, la compétition économique entre pôles urbains à l’échelle mondiale légitime une politique de concentration des moyens sur les métropoles, pour atteindre un seuil tel que leur poids démographique et leurs ressources garantissent un milieu économique propice à leur maintien dans la course internationale, par la rentabilité, la créativité et la mise en scène de leur attractivité. C’était le sens de l’opération Nantes Capitale Verte Européenne 2013.

NANTES, UNE MÉTROPOLE GENTRIFIÉE QUI EXCLUT

Cette concentration de richesses, de services, d’initiatives culturelles et d’infrastructures techniques réserve l’accès des centres de ces métropoles aux classes sociales aisées, simplement par les impôts locaux, le prix de l’immobilier et le mode de consommation proposé. La logique capitaliste à l’œuvre a ainsi chassé les classes modestes vers la périphérie et embourgeoisé le centre. Elle a regroupé les pouvoirs politiques locaux dans une présidence de communauté urbaine qui impose ses choix aux anciennes communes, intégrées et « digérées ». Le gouvernement Ayrault vient d’ailleurs d’officialiser cette tendance devenue stratégie prioritaire en désignant une quinzaine de métropoles régionales, auxquelles s’ajoutent les grandes intercommunalités, avec de nouvelles attributions. Cela ne signifie pas moins d’État mais réorganisation de cet appareil toujours plus au service du Capital, en temps réel.

Le transfert de l’aéroport à Notre Dame obéit à la logique de ce nouvel ordre local qui réorganise et polarise autoritairement l’espace, proche ou régional, pour qu’il devienne incontournable, central, rentable. L’aéroport et son barreau routier sont nécessaires à la métropolisation et en découlent. Certains opposants à l’aéroport siègent justement dans les institutions qui portent, financent et gèrent ce projet : cette contradiction constitue un point de clivage fondamental et indépassable entre eux et nous. Si l’on constate déjà une désertification des campagnes, une vie ralentie des bourgs et petites villes, condamnés aux résidences secondaires ou aux cités dortoirs, la métropole l’accentuera encore pour la majorité de la population, éparpillée et isolée, avec ses déplacements quotidiens obligés entre zones d’habitation et de travail, de commerce et de loisir. Cette sociabilité minimum induite par l’organisation de la métropole ne peut qu’encourager à la passivité et décourager les velléités de résistance. Le combat contre le projet d’aéroport soulève donc des problématiques bien plus vastes, concernant le mode capitaliste de la société à venir, l’aménagement de nos territoires et de nos vies par la force, en fonction des intérêts du Capital et de l’État. De plus, d’un point de vue de classe, en tant que travailleurs, chômeurs, précaires, nous n’avons aucunement besoin de cet aéroport et notre participation à la lutte exprime aussi une solidarité sociale avec les petits paysans locaux et les opposants précaires qui, ensemble, vivent travaillent construisent expérimentent et cultivent sur la ZAD.

POUR UN CORTÈGE ANTICAPITALISTE ET ANTI-AUTORITAIRE

Le 22 février, nous appelons à faire entendre cette expression de façon joyeuse et déterminée dans la manifestation anti-aéroport pour poser de façon explicite et visible tous ces enjeux, pour aller au fond de la critique de ce projet inutile et nuisible, et de son monde, avec en perspective l’émancipation sociale.

Après les échecs des luttes sociales ces dernières années, bloquer ce projet d’aéroport et gagner cette bataille de quarante ans (et nous gagnerons !) contribuerait à renverser la vapeur… en France mais aussi ailleurs car ce combat a pris une dimension internationale. Il s’agit de reconstruire un rapport de forces contre le capitalisme, pour favoriser les autres luttes et empêcher leur criminalisation, comme tente de le faire l’État italien qui assimile la résistance au projet de TAV Lyon-Turin à du terrorisme et qui utilise ainsi des procédures et lois d’exception, proches d’une situation de guerre.

Mener cette lutte, c’est aussi essayer de développer aujourd’hui d’autres rapports sociaux fondés ni sur la compétition et l’exploitation capitalistes, ni sur l’autoritarisme étatique, mais basés au contraire sur la solidarité, l’entraide, la lutte directe, l’autonomie et l’autogestion des mouvements sociaux.

RETROUVONS NOUS SAMEDI 22 FÉVRIER À PARTIR DE 12H, COURS DES 50 OTAGES PRÈS DE LA PRÉFECTURE, POUR AFFIRMER NOTRE REFUS DU CAPITALISME ET DE SON AÉROPORT !

Initiative soutenue par : des individus, Fédération anarchiste, Organisation Communiste Libertaire, groupe libertaire Lochu (Vannes), Alternative Libertaire, COPAIN Poitiers, Front libertaire Saint-Nazaire, (liste à compléter).

source : Indymedia Nantes, 5 février 2014

[Montmorillon – 86] Des habitants en colère contre un projet de carrières de sable

Ils ne veulent pas de carrières à leur porte

Le plan local d’urbanisme est en cours de révision en vue de créer des carrières de sable route de Lathus. Les riverains le découvrent et sont scandalisés.

Une tempête de sable souffle au sud-est de Montmorillon. Les habitants de l’allée des Maçons et des alentours viennent de découvrir avec stupeur l’ouverture d’une enquête publique dont la finalité est la création de carrières de sable sur des parcelles actuellement cultivées, de part et d’autre de la route de Lathus, entre le petit lotissement et la zone industrielle.

En décembre 2012, les élus avaient voté (1) pour cette révision du plan local d’urbanisme, afin de rendre les parcelles agricoles exploitables par les carriers, sous réserve que ces derniers (Iribarren et Bailly-Tartarin) obtiennent ensuite toutes les autorisations. L’information publiée dans nos colonnes n’avait alors pas suscité de réaction. Mais un an plus tard, la première étape publique de la procédure alarme les riverains, bien décidés à faire échouer le reclassement des zones. Une pétition doit être diffusée et une association formée pour organiser la riposte. « Pour l’instant, l’information passe par le bouche à oreille. Nous sommes environ 30 à être concernés, dont 18 familles dans le lotissement de l’allée des Maçons », affirme un de ces habitants, Daniel Deparis. En fin de semaine dernière, alertés par l’Association de sauvegarde de la Gartempe, ils sont tombés des nues. La colère a suivi la surprise. Tant sur le fond de l’affaire que sur la forme, avec les élections municipales en toile de fond.

«  Où est l’intérêt général ?  »

Christian Lajon, vice-président départemental du Parti radical de gauche, dénonce ainsi vigoureusement (2) la « dissimulation » de la Ville : « Je suis écœuré de constater que des élus se moquent de leurs concitoyens et les trahissent ainsi. » Marie-Joseph Hupkes en fait une « affaire citoyenne » : de sa maison des Grandes Garennes, elle connaît déjà les nuisances liées au voisinage de la carrière de sable en activité : « Le bruit des camions, la poussière : je trouve impensable qu’on puisse creuser d’énormes excavations à l’entrée de la ville. Avons-nous besoin de ça ? Où est l’intérêt général ? » Allée des Maçons, on redoute la perte de valeur de l’immobilier. Autant d’arguments apportés au commissaire enquêteur. Avec « l’espoir que la raison l’emportera. Nous appelons tous les habitants à consulter l’enquête publique (3) et apporter leur avis. »

 (1) Les six élus du groupe d’opposition Montmorillon avec vous s’étaient abstenus. (2) Sur son blog http://christianlajon.ublog.com (3) Aux services techniques jusqu’au 7 février.

en savoir plus

« Ces extensions ne présentent pas d’incompatibilité majeure vis-à-vis des enjeux liés à la présence de plusieurs sites Natura 2000 », estime la Direction régionale de l’Environnement dans son avis rendu sur la révision du PLU. La DREAL « regrette » néanmoins « que cette révision n’ait pas été mise à profit pour assurer au mieux le respect d’enjeux paysagers », citant la création de marges de recul vis-à-vis des routes, le « maintien de cônes de vues emblématiques » et des « aménagements tels que des haies de nature à limiter l’effet des extensions ».

Sébastien Kerouanton, Nouvelle République, 24 janvier 2014

NdPN : Interview du maire ici et argumentaire du patron de l’entreprise ayant demandé la révision du PLU là. Notons aussi l’opposition au projet de Ch. Cafardy (se présentant aux municipales sur une liste indépendante).

LGV Tours-Bordeaux : le directeur de Lisea remplacé

NdPN : peu importe les masques successifs dont l’adversaire se revêt, mais il est toujours instructif d’apprendre leur processus de fabrication.

Un nouveau conducteur pour la locomotive Lisea

A mi-chemin de la construction de la future ligne à grande vitesse, Lisea, la société exploitante, vient de se doter d’un nouveau président.

Dans trois ans et demi, en juillet 2017, la nouvelle ligne à grande vitesse Tours Bordeaux verra circuler son premier TGV. Si tout se passe bien ? Non : c’est sûr. En tout cas, c’est Hervé Tricot, premier président de la filiale de Vinci, Lisea, chargée de l’exploitation de la ligne qui l’affirme, au moment où il cède sa place pour cause de départ à la retraite.

Hervé Tricot qui a gravi un à un les échelons de la hiérarchie pour terminer au plus haut niveau au sein du groupe Vinci est remplacé à la tête de Lisea, dont le siège se trouve à Poitiers, par un jeune (42 ans) ingénieur, passé par la prestigieuse école des Ponts et Chaussées.

Le tarif du péage sera supérieur aux prix pratiqués par RFF

Laurent Cavrois a débuté à Washington au sein de la Banque mondiale. Passé par la lyonnaise des Eaux (au Mexique), la SNCF et le groupe minier et nucléaire Areva, il a rejoint le pôle Concessions du groupe Vinci en 2006, où il s’est occupé du projet Charles-de-Gaulle express puis de la ligne à grande vitesse Sud Europe Atlantique. Il était jusqu’à présent directeur général adjoint de Lisea. Dans le prolongement de l’action d’Hervé Tricot, le nouveau président va accompagner la fin d’un chantier prévu sur six ans, d’un coût total de 7,8 milliards d’euros, dont la réalisation a été confiée à une autre filiale de Vinci créée pour l’occasion, Cosea (*). Mais le gros du travail de Laurent Cavrois consistera à entretenir les relations avec les clients de la ligne. Clients qui, au moins dans un premier temps, jusqu’à l’ouverture du transport des passagers à la concurrence, seront au nombre de un : la SNCF. Un client obligé (la compagnie ferroviaire est bien obligée de faire circuler ses TGV sur cette ligne) mais qui n’en est pas moins retors : « La SNCF, explique Laurent Cavrois, a tendance à dire : «  Vu le péage que je vais payer aux méchants de Lisea, le tarif des billets va être élevé. » C’est vrai que, pour amortir notre investissement, nous serons sans doute 20 % plus chers que Réseau ferré de France. Mais comme le péage représente à peine 33 % du prix du billet, la SNCF ne devrait pas augmenter son prix de plus de 7 %. Mais je crains bien que l’augmentation pour les Bordelais ne soit supérieure ! »

(*) Une troisième société, Mesea, sera chargée de l’entretien de la ligne après son ouverture. Elle emploiera quelque 170 salariés, dont une partie devraient être recrutés parmi les milliers de salariés actuels de Cosea et de ses sous-traitants.

Lisea emploie actuellement 36 salariés, auxquels s’ajoutent une quinzaine de pesonnes travaillant pour des sous-traintants.

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Même si la fréquentation du train est d’abord la préoccupation de la SNCF, elle n’est pas indifférente à Lisea : plus nombreux seront les trains qui circuleront sur sa ligne, plus Lisea gagnera de l’argent (la date envisagée pour avoir remboursé les emprunts et commencer à faire du profit est gardée jalousement secrète). Hervé Tricot se dit persuadé que l’ouverture de la ligne à grande vitesse permettra de renverser la tendance qui a vu ces dernières années l’aéroport de Bordeaux-Mérignac et ses compagnies aériennes low cost prendre pas mal de parts de marché à la SNCF.

Vincent Buche, Nouvelle République, 16 janvier 2014