[Poitiers] Rassemblement de soutien aux sans-papiers

NdPN : petit compte-rendu par la presse locale du rassemblement mensuel tous les premiers mercredis du mois, en soutien aux migrant-e-s menacé-e-s d’expulsion par la police et la justice. Et comme d’habitude, flics postés bien en évidence devant nous. Les mêmes qui arrêtent et envoient en centre de rétention administrative. Le changement, c’est pas pour maintenant. La lutte continue.

Sans-papiers : en attendant le changement

Rassemblement hier soir devant le palais de justice en soutien aux sans-papiers.

A l’appel du collectif poitevin « D’ailleurs nous sommes d’ici », qui regroupe une quinzaine d’associations, syndicats et partis politiques (*) une quarantaine de personnes s’est rassemblée hier soir devant le palais de justice pour demander « une autre politique d’immigration ». Selon ces organisations, qui se réunissent traditionnellement chaque premier mercredi du mois, le compte n’y est pas. « Rien n’a changé sur le fond, s’exclame ainsi Yves Judde pour la Cimade, ici à Poitiers et dans la Vienne la préfecture fait comme avant. » Selon les manifestants, le nombre d’obligations de quitter le territoire français (OQTF) délivrées par les services de l’État n’aurait pas diminué. Et cela en dépit des déclarations faites au printemps dernier par François Hollande, alors candidat à l’élection présidentielle : « L’une des premières mesures législatives proposée par le gouvernement en matière d’immigration est la création d’un dispositif légal supplémentaire de privation de liberté pour permettre à nouveau d’enfermer massivement les étrangers en rétention » déplore notamment le collectif.

(*) Le collectif regroupe La Cimade, la ligue des droits de l’homme, Amnesty international, le réseau Éducation sans frontières, Europe Écologie les Verts, le parti de gauche, les Alternatifs…

Nouvelle République, J.-M.G., 4 octobre 2012

[Vivonne – 86] Prisons : silence on meurt

Un nouveau suicide de détenu a eu lieu dans la nuit du lundi au mardi à la prison de Vivonne, nous apprend la Nouvelle République aujourd’hui. Le 3ème depuis l’ouverture de cette taule. « Il n’avait rien à faire en prison. Il devait sortir dans un mois », dit l’avocat de la famille. La compagne du détenu porte plainte contre X pour homicide involontaire.

La France, dernier pays d’Europe occidentale à avoir aboli la peine de mort, perpétue de fait cette tradition avec un système carcéral dont les conditions d’enfermement sont jugées honteuses et indignes par de nombreux rapports, et ont donné lieu à des condamnations régulières de la France pour l’état lamentable de ses prisons. De fait, les conditions d’enfermement bafouent les droits les plus élémentaires des individus. Entre 2,4 et 4 m2 par détenu, murs nus, bouffe immangeable, fournitures (cantine) hors de prix, toilette exposée au regard des codétenus, quartiers disciplinaires avec une durée récemment réduite à 30 jours… toujours deux fois plus que dans les pays voisins. Un grand nombre de prisonniers souffrents de troubles psychiques : près de 20% des détenus seraient même psychotiques. Conditions de soins désastreuses, avec des détenus encore trop souvent attachés à leurs lits. Arbitraire total de l’administration pénitentiaire. Et  des murs, toujours des murs, pour briser les liens humains, briser les familles avec des gosses qui privés de parents, se retrouvent eux aussi enfermés – dehors. Briser l’espoir, briser l’esprit. Les partenariats public-privé (comme dans la taule de Vivonne, fournie par Bouygues), sensés créer des prisons neuves et propres, avec plein de sas électroniques et de dispositifs de surveillance électronique, n’ont rien arrangé, si ce n’est le portefeuille des capitalos engrangeant les contrats. Bien au contraire : l’isolement et l’enfermement y sont encore plus fortement ressentis.

Dans ces conditions, comment s’étonner que l’on meurt beaucoup plus en taule aujourd’hui qu’avant l’abolition de la peine de mort ? Le taux de suicide en prison a été multiplié par cinq ces cinquante dernières années. La France étant là aussi championne de l’Europe des quinze avec 20 suicides pour 10.000 détenus. On se suicide 6 à 7 fois plus en taule qu’à l’extérieur. Tous les trois jours, un suicide a lieu dans les prisons françaises… et c’est toujours la même musique, celle en sourdine du silence de l’administration pénitentiaire, celle du dédouanement des syndicats de surveillants pénitentiaires : « On n’a rien vu venir. Ce n’était pas quelqu’un qui avait donné des signes avant-coureurs de difficultés », déclare le secrétaire local de l’UFAP-UNSA.

L’intervention des peines planchers a encore augmenté la situation dramatique de surpopulation carcérale. La France est championne là aussi, venant de battre un nouveau record historique en juillet dernier avec 67.373 détenus, et une surpopulation de près de 118%.

La promiscuité accroît le désespoir des détenus. Dans ces conditions, le taux de suicide a encore augmenté ces dernières années. Il concerne d’ailleurs deux fois plus des prévenus encore non jugés, c’est-à-dire présumés innocents, que des condamnés.

On entend souvent dire qu’il faut tout de même des prisons pour punir et ainsi donner une « bonne leçon ». Or, les taux de récidive les plus élevés concernent les personnes ayant fait toute leur peine en taule, à contrario les plus faibles taux de récidive concernent les bénéficiaires de libérations conditionnelles, de peines alternatives et d’aménagements de peine. Rien ne pousse plus à la récidive que la pseudo-solution carcérale.

D’autre part, quel genre de crimes punit-on par la taule ? Plus de 80% des personnes se retrouvant en taule sont en fait punies pour des affaires comportant une atteinte à la propriété privée. Ce qui signifie qu’une très grande partie des incarcérations répondent à un système social capitaliste, inégalitaire, fondé sur la dépossession. Comment d’ailleurs ne pas faire le parallèle entre la privation structurelle de liberté à l’intérieur des murs, et celle qui a lieu d’une autre façon hors-les murs, au bagne du travail aliéné où humiliations, contraintes et épuisement psychologique sévissent ? La taule est le pilier de cette société injuste, définie par l’exclusion, la répression et le contrôle social. Une société de classes où jamais les grands requins ne sont jugés, seulement les petits poissons pris dans les mailles du filet de la misère.

Face à ce constat, le gouvernement socialiste a annoncé qu’il construirait plus de places de prison, aussi bien pour les adultes que pour les mineurs (construction d’EPM). Toutes les statistiques démontrent que plus il y a de places en taule, plus on remplit les taules : construire de nouvelles prisons n’a jamais résolu le problème de surpopulation. C’est juste envoyer à la destruction psychologique et physique, et au suicide, toujours plus de pauvres. Et à la récidive (63% des détenus ayant purgé toute leur peine en taule récidivent dans les cinq années), pour que jamais les pauvres ne sortent de leur désespoir et de l’image que la société leur renvoie.

Qu’on le veuille ou non, il s’agit ni plus ni moins que de perpétuer la peine de mort, de fait.

A bas toutes les taules et à bas tous les geôliers.

Pavillon Noir, 4 octobre 2012

[Saint-Maixant-l’Ecole] Adjudant voyeur : « On a le sentiment qu’il a été couvert. Moi, j’ai été violée dans mon intimité, filmée à mon insu. »

L’adjudant filmait dans les douches et sous les jupes

St-Maixent.  Il prenait des photos sous les jupes à la sortie de l’école et filmait dans les douches de la caserne. L’adjudant voyeur de l’Ensoa a été condamné.

Il s’en passait de belles au sein de la caserne de l’École nationale des sous-officiers de l’Armée de Terre (Ensoa) de Saint-Maixent l’École.

Hier, l’audience militaire qui se tient une fois par an devant le tribunal correctionnel de Poitiers jugeait un adjudant voyeur aux pratiques bien curieuses. Le bon père de famille de 37 ans devait s’expliquer sur son goût pour les films en caméra cachée. Notamment quand il venait chercher ses enfants à l’école Saint-André.

Dans le journal

Dans son journal favori, bien dissimulé, l’adjudant Christian Pasquier, tenait un stylo caméra avec lequel il filmait sous les jupes des jeunes femmes. « Par curiosité », expliquera-t-il aux gendarmes. Son manège repéré, c’est toute la pelote de ses films qui se déroule devant les enquêteurs de la brigade de recherches de Niort. Des films, des photos, des données personnelles… l’adjudant en charge de la formation militaire et tactique depuis 2005 à l’Ensoa en a capté des tonnes. Si une trentaine de victimes sont recensées sur une période de trois ans entre juin 2008 et juin 2011 dans le dossier jugé hier, leur nombre réel semble bien plus important. A mesure que les gendarmes progressent dans leur enquête, ils se rendent compte que le sous-officier ne s’est pas contenté de filmer à l’école et dans des grandes surfaces.

Les photos atterrissent sur un site porno

L’as de la caméra stylo a aussi sévi dans la caserne où il exerce. Des vidéos ont été tournées sous les douches et dans les vestiaires des femmes. De nombreuses photos sexy ont aussi été récupérées de manière frauduleuse par le militaire. La formation était dispensée via des outils informatiques. Et les cours copiés sur des clés USB à la demande. Des clés contenant parfois des fichiers qu’il aurait certes mieux valu ne pas laisser.

Logiciel espion

Mais le formateur de l’Ensoa allait beaucoup plus loin. Il avait acheté un logiciel spécialisé dans la récupération de mots de passe des ordinateurs. Une fois ces derniers en sa possession, il s’introduisait dans les ordinateurs des jeunes femmes et récupérait des photos. Certaines se sont retrouvées sur le site porno «  photo perso sexy  » sous la rubrique « On s’éclate à Saint-Maixent » ! « Je ne sais pas qui les a diffusées. Ce n’est pas moi », assure Christian, qui n’est pas poursuivi pour ces faits-là. A la barre, il s’excuse, dit avoir pris conscience du côté puéril de tout cela. « J’ai réalisé quand j’étais devant les gendarmes et lors de la perquisition. J’ai fait n’importe quoi. » Une dizaine de victimes seulement étaient présentes hier à l’audience. L’expertise psychologique n’a rien révélé de dangereux dans la personnalité du militaire qui maintenant a été envoyé gérer le planning des séances de tirs du campde Caylus dans le Tarn-et-Garonne. Le procureur relève le côté « préoccupant » d’un homme par ailleurs bien noté qui avait prémédité ses actes. Il réclame six mois de prison avec sursis et l’obligation de soins et d’indemnisation. « Il a fait ça par bêtise », martèle son avocat, Me Comte. « On lui reproche d’avoir piraté des clés USB où on laisse quand même de drôles de documents. En plus, avec Internet, il n’y a plus vraiment de vie privée. »

Casier vierge

L’avocat tente de plaider en faveur d’un travail d’intérêt général. Le tribunal suit les réquisitions du parquet : six mois de prison avec sursis et mise à l’épreuve. Il doit suivre des soins et indemniser les sept parties civiles à hauteur de 6.500 € au total. Et son casier restera vierge de cette condamnation. Au grand dam de ses victimes.

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 » J’ai été violée dans mon intimité et lui, il a été couvert. Il ne devrait plus être militaire « 

A l’annonce du délibéré, la parole s’est libérée un peu plus. Outrées, dégoûtées. Les femmes victimes des agissements de l’ancien formateur de l’Ensoa de Saint-Maixent sont ressorties très amères de l’audience d’hier. « Je ne comprends pas la décision rendue par rapport à ce qui a été infligé à un jeune qui avait fait un refus d’obéir », note l’une. « J’ai travaillé dans le domaine de la discipline », enchaîne une autre. « Il a pris 40 jours d’arrêt, tout de suite. Comme ça, il n’y a pas eu d’autre sanction derrière. Il n’y a pas eu de conseil d’enquête en interne. C’est juste resté au niveau de l’Armée de Terre, ça aurait pu remonter au ministre avec un blâme. Rien. On a le sentiment qu’il a été couvert. Moi, j’ai été violée dans mon intimité, filmée à mon insu. Il ne devrait plus être militaire. » « Il ne devrait plus être dans l’armée », relève un père de famille. Sa fille se trouvait à l’Ensoa sous les ordres de l’adjudant jugé hier. « Pendant les séances de sport, nous étions huit filles. Il nous demandait d’enlever nos tee-shirts ! Pour récompenser, il donnait des photos pornos. Bien sûr, c’était des filles dessus. Je me suis sentie rabaissée. Il avait copié plein de choses sur mon disque dur. Des documents qui concernaient toute la famille. Il avait même fait un dossier à notre nom ! Des militaires ont été virés pour moins que ça. »

Nouvelle République, 3 Octobre 2012

[Dissay – 86] Les U3PPP répondent au foutage de gueule patronal

U3PPP, durcissement du conflit

Un escalier est parti en fumée

Depuis maintenant deux semaines, les vingt employés de l’usine de fabrication de piscines U3PPP à Dissay sont en grève. Les dirigeants du groupe leur ont annoncé au mois de juillet la fermeture de l’entreprise, « c’est le maillon faible du groupe GA », lit-on dans le courrier envoyé aux employés et la proposition faite ne convient pas aux ouvriers qui demandent une prime de licenciement de 15.000 € et le paiement des jours de grève. Les avocats de l’entreprise et celui de la CGT se sont rencontrés et les propositions patronales sont arrivées vendredi soir : 1.500 € par ouvrier et rien pour les jours de grève. Les ouvriers maintiennent donc le mouvement mais durcissent l’action avec un blocage complet des portails, plus rien ne rentre ni ne sort. Mardi matin, un escalier de piscine est parti en fumée sur le terrain en face de l’entrée de l’entreprise. « Nous n’avons vu aucun responsable de groupe, en dehors du directeur de l’usine, nous voulons discuter avec Gérard Andréi, le P-DG du groupe », commentent les porte-parole du mouvement.

Les soutiens de la population aux grévistes sont plus nombreux chaque jour et le mouvement risque de durer si les propositions restent en l’état.

Nouvelle République, Alain Licoine, 3 octobre 2012

Sur le TSCG (traité de sauvetage du capitalisme glouton) et ses faux détracteurs

Sur le TSCG (traité de sauvetage du capitalisme glouton) et ses faux détracteurs

Le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance, aussi appelé « pacte budgétaire », entériné lors d’un sixième sommet européen pour le sauvetage du capitalisme, a donc l’aval du politicard multicarte député-maire-président de la communauté d’agglomération Claeys – qui suit ainsi la position très majoritaire du PS (son parti), du centre et de l’UMP (parti qui est à l’origine de ce traité). C’est aujourd’hui que s’ouvrent les débats à l’assemblée, pour une adoption prévue avant la fin octobre.

Ce pacte confie la surveillance des budgets des pays de la zone euro à la commission européenne, cette instance qui ne donne même pas l’illusion de la démocratie puisqu’elle n’est même pas élue. Ces Etats de la zone euro devront respecter dans leur budget la « règle d’or » d’un non-dépassement de 0,5% du PIB, sous peine de « mécanismes de corrections », voire de « sanctions » en cas de dépassement du seuil de 3% – ce fameux chiffre bidon né au coin d’une table (1). Corrections et sanctions inévitables, puisque les structures actuelles du capitalisme sont fondés sur l’endettement généralisé.

La Commission proposera en quoi ces touchantes attentions consisteront. On se doute bien qu’elles ne concerneront pas trop les dividendes des actionnaires du CAC 40 (caca-rente), qui ont augmenté fortement en 2011 et augmenteront aussi en 2012, et ce malgré la baisse des bénéfices nets. On pense plutôt qu’il s’agira de racler les poches trouées des prolos. Comme en Grèce, nouveau modèle rayonnant d’austère bonheur. Plans « sociaux » et chômage de masse, aggravé par des licenciements par dizaines de milliers des salarié-e-s du public ; réductions de salaires déjà bien en souffrance ; démolition de services publics déjà en grande partie démantibulés ; impossibilité pour un grand nombre de gens de se soigner, avec le déremboursement des médicaments ; racket du salaire indirect avec pilonnage des retraites, du chômage et de la santé ; dérégulation de tous ces droits du travail chèrement acquis par les luttes sociales, pour réclamer toujours plus de productivité aux travailleurs-euses… que du bonheur on vous dit. Bref, un bon tour de vis, au service de la restructuration du capitalisme, avec le soutien actif des Etats, de leurs bureaucrates encravatés, et de leurs guignols « élus » – pour ne pas changer une formule qui gagne.

Allons bon, la sacro-sainte « croissance » (qui n’est jamais que la valorisation du capital au détriment des salaires) est une fois de plus menacée par le fait que la logique intrinsèque du profit capitaliste (plus-value extorquée sur les salaires) est contradictoire avec la capacité de demande des marchés, parce qu’elle entraîne l’appauvrissement des populations ? Il y a manifestement une impasse de la restructuration capitaliste précédente, à la mode néolibérale de la financiarisation de l’économie (fuite en avant de l’option spéculative des produits financiers, qui ne sont jamais gagés que sur la production future) ? L’endettement généralisé qui en découle provoque des bubulles spéculatives capables de provoquer un tsunami économique ? Pas grave ! Le capital, avec le sempiternel soutien de ces vieux appareils bureaucratiques et policiers de racket que sont les Etats, prendra encore plus dans la poche des populations. On inscrira dans le marbre que ce sont elles qui devront assurer les risques de perte de profit des capitalistes qui les exploitent.

Bien conscient que peu de gens sont dupes, Hollande argue comiquement de sa taxe dérisoire sur les transactions financières, mais pour ajouter que de toute façon, puisqu’il a été élu « représentant », c’est que tout le monde est d’accord, et qu’il est légitime à imposer le TSCG sans référendum. Et tant pis pour les électeurs-trices, braves moutons qui en créditant ce gugusse d’un droit à faire tout ce qu’il veut, ont encore oublié que le vote représentatif n’est qu’un instrument de dépossession des populations, de leur droit à débattre et élaborer elles-mêmes leurs décisions. Et ce, depuis que le capitalisme a compris que l’esclavage archaïque était moins efficace que de répandre la servitude volontaire du salariat, et de son corollaire d’atomisation sociale, la démocratie représentative (soit le droit de légitimer, par un pseudo-choix, le gouvernant le plus apte à nous tondre). Derrière les « règles communes » sensées favoriser le retour à la « croissance », ce pacte pour la pérennisation de la « dette » cache vraiment mal la volonté commune des capitalistes européens de soumettre toujours plus les populations à leur dictature cynique, par le truchement de leurs VIP de gauche ou de droite.

C’était prévisible, la clarté n’est pas franchement de mise non plus chez les opposants officiels. Les écologistes en peau de lapin d’EELV sont contre le traité, mais pour l’adoption d’une loi organique de réduction des déficits… cherchez l’erreur. Au passage, EELV propose que soient exclus du comptage des déficits budgétaires les investissements dans la « croissance verte »… ce nouveau champ de profit juteux promu par le capitalisme, qui a toujours su faire du beurre sur la dévastation sociale et écologique qu’il laisse derrière lui. Hier le marché de la reconstruction sur fond de ruines causées par la guerre (elle-même conséquence d’une relance économique par l’industrie de l’armement), aujourd’hui le marché des énergies vertes sur fond de désastre de pollution de l’environnement (elle-même conséquence d’un productivisme toxique, à coups d’industrie des armes chimiques reconverties en pesticides, de la bagnole, du nucléaire…). La seule chose qui se recycle dans le capitalisme vert, c’est le visage hideux du capitalisme lui-même, avec sa cohorte de bateleurs écolos pour lui confectionner des petits colliers de fleurs.

Le front de gauche tempête quant à lui contre un traité qui plomberait la « relance économique » (vive la croissance, vive le profit et la plus-value !), et remettrait en cause la « souveraineté populaire » de l’Etat (vive les « représentants » du peuple !). Il faudrait nationaliser (bref concentrer le capital pour le rendre plus solide), y compris les banques (avec retour du droit aux banques centrales nationales de prêter aux Etats). Le même argument moisi que les capitalistes keynésiens déployaient à partir des années 1930, avec le piètre succès qu’on connaît, pour lutter contre l’option… communiste, de l’aveu même de Keynes. En gros, le capitalisme d’aujourd’hui ne fonctionne pas, revenons au capitalisme d’hier qui ne marchait pas non plus. Super. Comme si depuis, cette conception du capitalisme keynésien, qui ne fut qu’une solution provisoire pour remédier à la crise de 1929, n’avait pas depuis montré ses limites, liées aux contradictions classiques du capitalisme (baisse tendancielle du taux de profit, contradiction entre production et demande) : essoufflé, devenu trop peu rentable, il n’avait débouché dans les années 1970 que sur une nouvelle restructuration capitaliste et sur la financiarisation, conditions de survie du capitalisme. Ah, la nostalgie du bon patron… et oui, chez les « communistes » du PCF, on en est là de la réflexion.

Cette argumentation indigente d’une critique partielle du capitalisme, ne s’attaquant à l’une de ses formes historiques que pour en promouvoir une autre, version recours à l’Etat, est grosso-merdo reprise en cœur, version nationaliste chauvine, par le pôle « opposé » du spectacle politicien. Le Dupont-gnan-gnan de Debout la République ou la Le Pen du Front National souhaitent aussi revenir à un capitalisme productif et non financier, et revenir à une souveraineté nationale. Avec la praline sur le chocolat : en faisant payer aux « Français » toutes « leurs » dettes (car les bons français sont de bons payeurs, payons pour les riches), tout en les faisant sortir de l’euro, car les bons français ne doivent pas payer pour assister d’autres peuples. Sans parler de leurs odes lyriques à la relance des budgets de l’armée.

Sans surprise donc, dans cette grande soupe confusionniste des partis qui prétendent lutter contre le TSCG tout en reprenant une partie de l’argumentaire productiviste et national-étatiste classique du capitalisme en temps de crise, aucun d’entre eux ne propose de sortir du capitalisme, dont les mécanismes destructeurs ont pourtant conduit à la situation actuelle. Quant aux moyens développés pour lutter contre ce TSCG, ils sont à l’image de la pauvreté argumentaire de ces pseudos-détracteurs. Le spectacle d’une manif citoyenne, plus symbolique qu’autre chose, a eu lieu dimanche 30 septembre à Paris à l’initiative du Front de gauche (avec de jolis drapeaux rouges, pour montrer qu’on est pas content). Dans quel but ? Pour faire « réfléchir » François Hollande et lui « faire « prendre conscience », selon les mots de Mélenchon. Une grande manif pour faire en sorte que Hollande soit pris de remords. Ca pourrait être drôle, si les conséquences d’une telle « stratégie » ne conduisaient pas à désespérer encore un peu plus les militant-e-s sincères du FdG de s’engager dans les luttes sociales.

Nous n’avons quant à nous aucune illusion sur les voies parlementaires, aucune illusion sur tel ou tel aménagement du capitalisme, et ne comptons pour notre part que sur notre investissement dans les luttes, dans la construction d’une solidarité de classe, en actes. Hier, aujourd’hui et demain, nous n’aurons que ce que nous obtiendrons, par la généralisation des actions directes, sans médiation politicienne et sans bureaucrates syndicaux pour négocier à notre place. Nous luttons partout contre la dépossession, matérielle et politique. Sur nos lieux de travail aliéné, dans nos quartiers, dans nos rues, dans toutes les dimensions de nos vies. Contre la gauche et la droite, contre le capitalisme et tous ses défenseurs aspirants au pouvoir étatiste. Qu’ils soient poujadistes, néo-libéraux, keynésiens, ou commerce équitable, ils ont tous la prétention de nous gouverner.

Nos vies ne se négocient pas, ni dans un traité, ni dans un référendum.

(1) consulter à ce sujet l’article du journal Le Parisien, 28 septembre 2012 – http://www.leparisien.fr/economie/3-de-deficit-le-chiffre-est-ne-sur-un-coin-de-table-28-09-2012-2186743.php

Pavillon Noir (FA 86), 2 octobre 2012