[86] Propagande journalistique à grande vitesse pour la LGV Poitiers-Limoges

NdPN : contre la LGV Poitiers-Limoges, on a connu des rassemblements, manifs, tractages, pétitions… plusieurs fois même le projet a été dit menacé d’être « enterré ». C’est compter sans le fait que la propagande capitaliste des partenariats publics-privés a encore des billes dans son wagon. Le train-train de la locomotive productiviste a encore de beaux jours devant lui, si nous ne mobilisons pas à la hauteur de la volonté de nuisance des capitalistes et de leurs alliés  politiciens.

Ainsi, cette journaliste de la Nouvelle République semble superbement ignorer la résistance à la ligne, et se satisfait de rapporter en toute objectivité journalistique l’avis de Claeys, ou du président de l’association de promotion du projet : l’opposition se cantonnerait à « un cercle circonscrit autour de Chaptelat et Bellac », dont les recours ne « tien[nen]t pas la route ». Un beau relais de propagande éhontée pour ce projet coûteux, inutile, écologiquement et socialement nuisible !

On notera l’emploi de mots au caractère bien peu objectif : « arguments socio-économiques », « heureux dénouement », « Les Limousins bénéficieraient alors de la grande vitesse », « un scénario presque idyllique, mais plausible ».

C’est manifestement surtout l’idylle entre les promoteurs de la ligne… et la presse quotidienne régionale, que nous pourrions rebaptiser « Nouvelle ferrovaire » à la lecture d’un tel papier.

A nous tou-te-s de dire et redire que nous ne voulons pas de ce nouveau chantier de plus. Et d’agir, surtout, au-delà d’actions symboliques de pétitions remises aux élus ou de rassemblements « citoyens »… Nous n’avons pas les sous pour de la propagande de masse sur papier, mais nous avons la détermination et la force du nombre.

LGV Poitiers-Limoges : le calendrier se précise

Alors que la décision ministérielle pourrait être avancée de deux mois l’enquête publique semble se profiler pour le printemps 2013.

Un vent d’optimisme souffle désormais entre Limoges et Poitiers. Alors que l’association de promotion de la LGV poursuit son travail de persuasion, le calendrier semble se resserrer. La décision ministérielle n° 2, qui doit notamment répondre à des questions environnementales, n’était pas attendue avant la fin du premier trimestre 2013. Elle pourrait finalement intervenir fin janvier, Réseau ferré de France ayant déposé la semaine dernière le dossier sur le bureau de l’Etat. Un feu vert indispensable au lancement de l’enquête publique, laquelle pourrait alors débuter dès le printemps prochain, fin avril selon les représentants de l’association. Voilà qui a ravi les participants à la réunion publique annuelle organisée par l’association, jeudi soir, à Limoges. De toute évidence, ils y voient le signe d’une bonne volonté gouvernementale.

«  Le cinquième de Flamanville  »

Cette grand’messe, qui réunit d’année en année toujours plus de participants (500 en 2010, 600 l’an dernier, plus de 700 hier), pourrait d’ailleurs être la dernière à se tenir dans un contexte d’incertitudes. « Le projet remplit tous les critères de la commission chargée de trier les priorités du gouvernement », a lâché, tout sourire, son président, Jean-Pierre Limousin. « C’est le moins coûteux : la réalisation de Limoges-Poitiers coûtera le cinquième de Flamanville, et pas plus du double de ce que le Qatar compte investir en cinq ans au PSG… » Les intervenants ont donc rivalisé d’arguments socio-économiques devant un public acquis, relais précieux auprès de l’opinion. Alors que les conditions politiques d’un heureux dénouement semblent plus que jamais réunies, les élus du Limousin ont accueilli à bras ouverts l’invité d’honneur de la soirée, le député-maire de Poitiers. Pour Alain Claeys, pas de doute : indissociable de la ligne Sud Europe Atlantique entre Tours et Bordeaux, le barreau mettrait aussi Poitiers et Limoges à 38 minutes. « C’est une chance incroyable pour les coopérations entre nos universités, nos CHU… », explique l’élu poitevin, lui aussi résolument optimiste. « On nous disait : Tours-Bordeaux, ça ne se fera jamais ; aujourd’hui, c’est l’un des plus gros chantiers en cours en Europe. »

Objectif 2020

Quid des opposants au projet ? « Je n’en vois pas beaucoup, hormis dans un cercle circonscrit autour de Chaptelat et Bellac », répond Jean-Pierre Limousin. « Ils ont déposé un recours ? Soit. Tout juriste compétent sait que cela ne tient pas la route… » En attendant, le calendrier semble se dessiner avec davantage de précision. Si elle est bien lancée fin avril, l’enquête publique devrait s’achever fin juillet. La déclaration d’utilité publique pourrait alors intervenir en 2014, les études de réalisation de la ligne en 2015 et le lancement des travaux en 2016. Les Limousins bénéficieraient alors de la grande vitesse en 2020. Un scénario certes idyllique, mais plausible.

Nouvelle République, Florence Clavaud-Parant, 15 décembre 2012

Mise à jour : voir cet article sur l’appel d’offres pour un lobbying pro-aéroport de Notre-Dame-des-Landes… un autre grand chantier. Lobbying aux frais du contribuable. Lire notamment la stratégie déployée vis-à-vis des journalistes…

[La Rochelle – 17] Occupation réussie des locaux d’un marchand de listes de logements

Ils veulent être remboursés

Opération coup de poing contre « un marchand de listes ». Des étudiants ont occupé l’agence exigeant le remboursement de leurs 160 euros d’inscription.

Les associations ont manifesté contre ce qu’ils jugent être des pratiques abusives. (photo pascal couillaud)

Marchands de listes, vendeurs de vent ? C’est la conviction de la Confédération étudiante (Cé) La Rochelle et de Droit au logement 17 (DAL). Saisies de plusieurs plaintes d’étudiants, les deux associations ont investi jeudi les locaux de l’agence Loc’easy, aux Minimes, pour dénoncer des pratiques qu’elles assimilent à une arnaque. L’occupation a duré plus de deux heures, sans incident. Les policiers se sont déplacés mais n’ont pas procédé à l’évacuation des locaux.

Le soir même, la Cé et le DAL publiaient un communiqué de « victoire » : « Grâce à notre interpellation, la direction a accepté nos revendications en remboursant les victimes. Nous poursuivrons nos actions pour que toutes les victimes de ces pseudo-agences immobilières soient à leur tour remboursées » (1).

Neuf offres pour 160 euros

Les marchands de listes sévissent surtout dans les villes universitaires où les étudiants constituent leur cible privilégiée. Vincent peut en témoigner. Ce jeune Parisien de 21 ans s’est inscrit au dernier moment à l’Université de La Rochelle. Il lui a fallu d’urgence dénicher un logement pour lui et sa copine. « Les offres étaient rares et chères, avec des frais élevés, de 500 à 600 euros. Et puis, en sortant du Technoforum [le siège de l’université], j’ai vu l’enseigne de Loc’easy juste en face. J’ai traversé la rue et j’ai poussé la porte. »

Chez les marchands de listes, il n’y a pas de frais d’agence mais des frais d’inscription. Il faut payer pour avoir accès aux offres de location déposées par les propriétaires ou collectées ailleurs. Pour 160 euros, Vincent repart ainsi avec… neuf offres. « Cinq appartements étaient déjà loués, deux propriétaires aux abonnés absents, et les deux derniers logements ne correspondaient pas à ce que nous cherchions, trop chers ou mal situés. » Un code d’accès est censé lui offrir un plus vaste choix sur Internet mais… « au bout d’une semaine l’accès était bloqué ».

Vincent n’est pas resté à la rue. Des proches l’ont dépanné et, avec son amie, ils attendent aujourd’hui un logement dans une résidence étudiante. « J’ignorais tout de ces marchands de listes. Maintenant que je sais, on ne m’y reprendra plus. » Seule consolation, il a récupéré ses 160 euros.

Plainte à venir ?

« S’il le faut, nous reviendrons, soulignent Nicolas Thelliez pour la Confédération étudiante et Mehdi El Bouali pour le DAL 17. Les étudiants ne sont pas les seuls victimes, il y a aussi des jeunes travailleurs ou des sans-papiers. On leur fait miroiter la quasi-certitude d’obtenir un logement, alors que ce n’est qu’une liste d’appartements qui souvent ne répondent pas aux normes de salubrité, sont déjà loués ou inaccessibles. »

La directrice de Loc’easy envisage pour sa part de porter plainte contre les envahisseurs. Elle dit « ne pas comprendre » « un tel acharnement ».

« Nous respectons scrupuleusement la réglementation, nous proposons des conditions générales de vente très claires, nous assurons le suivi des clients… » Et de s’étonner : « Sur la quarantaine de personnes qui ont envahi l’agence, il n’y avait que deux clients de chez nous ! Si j’ai accepté de les rembourser, c’était pour en finir. Ils étaient très virulents, on en est encore très remuées. »

(1) Deux adresses mail : arnaque.logement@confederation-etudiante.org et dal17000@yahoo.fr

Sud-Ouest, 15 décembre 2012

Elle veut tuer les homos ougandais, le Pape lui accorde sa bénédiction

Elle veut tuer les homos ougandais, le Pape lui accorde sa bénédiction

Rebecca Kadaga, la très homophobe présidente du parlement ougandais, a été reçue hier, jeudi 13 décembre, lors d’une messe au Vatican par le Pape Benoît XVI, qui lui a accordé sa bénédiction.

Coïncidence – ou non – cette bénédiction intervient au moment-même où cette même Kadaga tente de faire adopter par le parlement de son pays une loi qui pourrait instaurer la peine de mort pour les homosexuels, la loi dite «Kill the gays» («tuer les gays») (lire Ouganda: La proposition de loi anti-gay adoptée avant Noël?). Mme Kadaga s’est dite ravie de cette rencontre avec le chef de l’Église catholique et a «remercié Dieu pour cette opportunité».

Photo DR

Vu sur Yagg.com, 14 décembre 2012

NdPN : rendez-vous places d’armes devant la mairie de Poitiers, ce samedi 15 décembre à 15h30, pour le droit au mariage pour tou-te-s, et le 12 janvier prochain même endroit à 14h pour une manif.

Des expulsions de lycéens et d’étrangers malades hérissent les associations

Des expulsions de lycéens et d’étrangers malades hérissent les associations

Des associations de défense des étrangers ont critiqué vendredi l’expulsion de lycéens sans papiers et d’étrangers malades, accusant le ministre de l’Intérieur Manuel Valls de renouer avec des pratiques abandonnées « de fait » par ses prédécesseurs de droite.

Deux sans-papiers, scolarisés en lycée professionnel à La Varenne-Saint-Hilaire (Val-de-Marne) et au Mans, ont été expulsés mercredi après avoir commis des délits, a indiqué le Réseau Education sans frontières (RESF) dans un communiqué.

Le premier, âgé de 18 ans, a été renvoyé vers le Maroc après un vol à l’étalage. Entré en France à 15 ans, il était éligible à une régularisation, selon les critères publiés récemment par le ministère.

Le second, âgé de 19 ans, arrivé en France à l’été 2011, avait fait l’objet d’une obligation de quitter le territoire et était assigné à résidence depuis la rentrée. Il a été arrêté en venant pointer au commissariat et renvoyé en Tunisie. Au printemps, il avait été condamné à trois mois de prison avec sursis pour des violences.

« Ils ont commis des délits, il est normal qu’ils soient sanctionnés », estime RESF, qui déplore toutefois l’application d’une « double peine » pour ces jeunes étrangers.

Pour RESF, « ces expulsions sont des gestes calculés du ministre de l’Intérieur », qui se sert du passé délictueux de ces jeunes « pour tenter de réintroduire une pratique que la solidarité avait de fait abolie ».

En 2011, Claude Guéant avait expulsé deux lycéens seulement, dont un était revenu en quelques jours. « En un seul jour, concernant les lycéens, Valls a fait pire que Guéant en un an et demi… », en conclut RESF.

De son côté, l’Observatoire du droit à la santé des étrangers (ODSE) a déploré une « accélération des procédures d’expulsion au détriment des droits et de la santé des malades étrangers ».

Rien qu’au centre de rétention du Mesnil-Amelot (Seine-et-Marne), le plus gros de France, quatre étrangers malades du sida ou d’hépatite ont été expulsés depuis juillet vers des pays aux systèmes de soins défaillants, a précisé la Cimade, association membre de l’ODSE.

« Depuis cinq ans, il n’y avait quasiment aucune expulsion quand on saisissait les autorités de ce type de cas », a expliqué Agathe Marin, de la Cimade. « Les ministères de l’Intérieur et de la Santé ont été informés de ces quatre cas, mais cela n’a pas empêché les expulsions », a-t-elle ajouté.

Libération, 14 décembre 2012

Autour de la question de « propriété »

Autour de la question de « propriété »

On voit parfois quelques anarchistes s’attaquer indistinctement à la « propriété », avec parfois un rejet total de la jouissance matérielle, confinant à un certain ascétisme, parfois relayé par certains discours décroissants. Pour vivre heureux, il faudrait vivre sans jouïr des objets, sans s’y s’attacher. Cette tendance est selon moi une mauvaise interprétation de la critique de la propriété privée, car il n’y a rien de plus légitime que de vouloir s’approprier ce qui nous entoure, tisser des liens émotifs, tisser une expérience avec son environnement et ses voisins, qui nous soit propre. Nous avons le droit de vivre et de jouïr, et nous avons le droit au bonheur matériel !

Si la propriété peut être « le vol », elle peut aussi être « la liberté » : les deux thèses ont été défendues par Proudhon, parce qu’en fait tout dépend de l’acception que l’on donne au mot propriété, qui recèle en réalité de nombreux sens, fort différents et fort divergents. Un petit travail de clarification s’impose, en particulier contre l’acception bourgeoise de ce mot, dominante – et qualifiée de « sacrée » depuis les droits de l’homme riche de 1789.

L’acception la plus courante, diffusée largement par les politiciens, les capitalistes, les juges et les flics, est en effet celle de propriété privée, au sens de privative. C’est-à-dire qu’elle ne se définit pas tant par la possibilité de jouissance de la personne propriétaire, que par l’exclusion de toutes les autres personnes (non-propriétaires) de son usage, et -ce qui est lié – des décisions quant à cet usage.

C’est du reste l’acception juridique du terme, qui implique trois caractères de la propriété : le côté exclusif (la jouissance du bien n’appartient qu’à une personne, donc à l’exclusion de toutes les autres personnes), le côté absolu (cette personne décide seule de son usage), et le côté perpétuel – la propriété est attachée à l’objet pour toujours, jusqu’à la fin de l’objet… introduisant une vision fétichiste et fermée sur eux-mêmes des biens et ressources de ce monde, vision marchandisant le monde entier avec l’extension du champ du capitalisme et de la propriété privée ces derniers siècles.

A notre sens, c’est bien ce caractère privé, en fait privatif, qui pose le véritable problème ; car une fois évacuée ce caractère privé, demeure seulement la possession, c’est-à-dire le droit de jouïr de ce que l’on use déjà réellement – ainsi que le dit le vieil adage : « Possession vaut droit ».

Il faut introduire là trois aspects classiques de la propriété : l’usus, le fructus et l’abusus. L’usus, c’est le droit d’user, de jouïr d’un bien – son plat de lentilles, sa maison, son manteau. Quoi de plus légitime ? Le fructus, c’est le droit de récolter les fruits renouvelables de son bien – manger les fruits de son verger, par exemple. L’abusus, c’est le droit de disposer de son bien comme on l’entend – le louer, le céder, le vendre, le détruire. On constate alors qu’entre l’usus et l’abusus, on est passé de la possession (au sens de pouvoir jouïr de ce dont on éprouve le besoin, et pourquoi pas éprouver un attachement à lui) à la propriété privée, au sens de décider seul sur un bien. En ce sens, à l’inverse de la conception courante, nous pouvons considérer qu’au fond, un loyer ne relève pas tant du fructus, que de l’abusus.

Notons que ce glissement de l’usus à l’abusus, qui est bien loin d’être naturel puisque contradictoire (l’abusus des uns rendant impossible l’usus pour tous), s’inscrit dans l’histoire humaine de la domination. Il ne se comprend en effet que si l’on garde à l’esprit qu’on est dans un système social de domination de l’homme par l’homme. En société capitaliste, la force de travail humaine est en effet considérée comme un bien comme les autres que l’on peut acheter (pour les capitalistes), et que l’on peut, ou plutôt que l’on est contraint de, vendre (en ce qui concerne les prolétaires, ceux qui n’ont pour toute ressource que le fait de vendre leur force de travail). L’abusus, caractéristique fondamentale de la domination, est indissociable de l’histoire de l’asservissement contraint de l’homme par l’homme, qu’elle prenne la forme antique de l’esclavage, la forme médiévale du servage ou la forme moderne du salariat. Cet aspect est très important, car il rejoint l’exclusivité et la privation quant aux décisions, qui caractérise la « propriété »… telle qu’elle est entendue aujourd’hui.

Les anarchistes sont pour la possession, et contre l’aspect privatif de la propriété, sans lequel ne demeure justement que la possession. Ils s’inscrivent en cela  dans une conception de la liberté qui n’est pas celle d’une exclusion réciproque (chacun n’étant cantonné qu’à ce dont il est propriétaire, c’est-à-dire privé de liberté réelle car réciproquement interdit de jouïr des biens des autres), mais qui est celle d’une conception dynamique de la liberté, c’est-à-dire mutuelle. Si quelqu’un possède quelque chose, et c’est son droit à notre sens s’il en jouit, il peut aussi en faire profiter ses voisins (le surplus d’une récolte, un vélo lorsqu’il est au garage, un ordinateur lorsqu’il est éteint, une production artistique…), qui eux-mêmes, étant rendus plus libres, peuvent eux aussi mieux faire partager leurs propres ressources, ainsi que les fruits de leur activité et de leur créativité. La possession est une conception sociale de l’appropriation humaine des ressources et des biens. La prise sociale de possession jette aux orties les concepts bourgeois, pipés, de « propriété privée » et de « vol ». Les seuls vrais voleurs sont ceux qui n’acceptent pas d’être « volés » à leur tour, ce sont ceux qui volent au quotidien le temps, la vie et le travail des autres, et qui veulent retenir, par la force de la contrainte violente, ceux qu’ils ont dépossédés hors de l’espace de ce qu’ils se sont illégitimement, c’est-à-dire exclusivement, accaparé. Propriété si manifestement peu « légitime » (cet adjectif suggérant un accord social), qu’elle se cantonne aujourd’hui derrière des enclos, des cadenas, des titres notariés, des flics, des armées, transformant le monde en espace fragmentaire, carcéral.

La conception anarchiste de la liberté, se traduisant en termes de prise de possession, échappe ainsi tant à la propriété privée, qu’à la propriété étatique, qui toutes deux consistent en une confiscation des décisions par des individus (actionnaires dans un cas, technocrates gouvernementaux dans l’autre), en un empêchement contraint de prise de possession.

Le caractère fondamental du capitalisme ne réside donc pas tant dans la « propriété » – terme pour le moins complexe et confus signifiant nombre d’aspects contradictoires – que dans la privation, c’est-à-dire la dépossession.

Nous ne voulons pas rejeter la possession : bien au contraire, nous voulons tout posséder ! Nous voulons nous réapproprier ce monde, pour en jouïr librement, et ce ne sera pas les uns contre les autres, mais les uns avec les autres, dans le cadre d’une conception dynamique et mutuelle de la liberté, et non une conception exclusive. Ma liberté ne s’arrête pas là ou commence celle des autres. Avec Bakounine, nous affirmons que la liberté des autres étend la mienne à l’infini (et réciproquement).

Cette conception de la liberté et de la propriété au sens de prise de possession, implique une conception nouvelle du politique, c’est-à-dire de nos relations sociales. La responsabilité bien sûr au sens où l’appropriation ne peut être obtenue que par la lutte des dépossédés, sans rien attendre de ceux qui les privent. Ce qui suppose fondamentalement l’autonomie de chaque individu et groupe social. Mais cette autonomie ne reproduit que la guerre, si ces entités sociales sont étanches, ce qui suppose une coordination libre de ces entités, au sein de laquelle elles préservent leur liberté, tout en adoptant une conception dynamique et mutuelle de la jouissance des biens de ce monde. C’est le principe de subsidiarité dans les prises de décisions qui garantit à la fois la liberté et la coordination : les entités individuelles ou collectives décident et gèrent prioritairement tout ce qu’elles souhaitent et peuvent gérer, ne reportant sur une circonférence plus large de la coordination sociale que ce qu’elles ne peuvent pas gérer en propre. C’est enfin l’adéquation ou la péréquation dans la répartition des ressources, permises par la liberté et la subsidiarité, qui rendent l’égalité réelle possible.

Ces principes ne sont pas ceux de la démocratie (même directe), atomisant les individus en entités étanches votantes sous une autorité pseudo-commune, une représentation illusoire, une représentativité décisionnelle stérilisant toute autonomie ainsi que toute dynamique collective.

Ces principes sont ceux du fédéralisme libertaire.

Juanito, Pavillon Noir, 14 décembre 2012